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12 juin 2013

Dumping social : COUP DE FREIN POUR LA RÉFORME EUROPÉENNE DU TRANSPORT ROUTIER


FO, qui dénonce l’exploitation des travailleurs à bas coût dans le transport de marchandises, se félicite du report de la libéralisation du cabotage.


Ils arrivaient en bus ou en voiture de Roumanie pour venir travailler chez RDV, une entreprise de transport de marchandises basée à Calais et qui emploie 80 chauffeurs. Non déclarés, sans logement, certains ont, durant sept mois, dormi dans la cabine de leur camion et passé leurs jours de repos sur des parkings. Leur salaire mensuel, 1.500 euros, était deux fois moins élevé que celui de leurs collègues français... à qui il leur était formellement interdit de parler. Ils seraient actuellement entre trente-cinq et quarante, selon Thierry Delhaye, chauffeur et délégué FO.

«Je me bats sur cette question depuis 2010, quand tout a commencé après l’ouverture d’une filiale en Grande-Bretagne, explique-t-il. Mais le patron n’a jamais répondu aux questions et l’inspection du travail ne bouge pas. Récemment, nous avons découvert qu’une filiale avait aussi été ouverte en Roumanie sans consulter le CE.» Mi-mai, il a décidé d’alerter les médias. Le directeur général et son chef d’exploitation ont été placés en garde-à-vue pour quatre chefs d’accusation, dont travail dissimulé et prêt illicite de main-d’œuvre.

VIVRE SEPT MOIS DANS UN CAMION

La direction, qui nie toute pratique illégale mais affirme agir pour préserver l’emploi, avait échafaudé une structure plutôt complexe. Les chauffeurs roumains, qui vivaient en France, étaient officiellement embauchés outre-Manche, mais leurs salaires versés en Roumanie... L’enquête judiciaire se poursuit.

Outre les conditions d’emploi inhumaines, FO dénonce la concurrence déloyale. «La filiale roumaine nous prend des marchés, les chauffeurs français se retrouvent sans travail, on va finir par se faire virer peu à peu», s’inquiète le délégué.

Les pratiques du patron de RDV représentent un avant-goût du projet européen de libéralisation dans le transport. En France, la loi autorise l’emploi de chauffeurs étrangers, à condition qu’ils aient un contrat de travail français. Elle autorise également le transport de marchandises à bas coût sur le territoire national par des entreprises européennes via le cabotage, une pratique strictement encadrée: dans le prolongement d’un transport international vers la France, un chauffeur peut charger et décharger le même camion trois fois dans un délai de sept jours. Le véhicule doit ensuite obligatoirement retourner dans son pays d’origine. Lorsque la France n’est qu’un pays de transit, un seul chargement/déchargement est autorisé sur une période de trois jours.

Cette réglementation européenne, en vigueur depuis 2009, est censée préserver les entreprises nationales d’une concurrence déloyale liée aux disparités de salaires et de conditions de travail au sein de l’Union. Mais faute de contrôles efficaces, les abus sont légion et notamment en France, l’un des pays les plus «cabotés».

Pire, la Commission européenne avait décidé de libéraliser totalement le cabotage au 1er janvier 2014 en levant toutes les restrictions. À la suite d’une journée d’action européenne à laquelle FO participait le 14 mai, le commissaire européen chargé des transports a finalement renoncé à mettre en place cette réforme durant son mandat, qui s’achève fin 2014. Il légiférera simplement à l’automne pour simplifier les règles existantes afin de limiter les abus.

«La mobilisation a suscité une déclaration très attendue de la Commission européenne, dans laquelle ils reconnaissent que le processus de libéralisation est trop complexe dans la situation donnée du secteur, et que la priorité doit désormais être la mise en application des règles existantes, y compris sur les aspects sociaux et les conditions de travail», se félicite FO Transports dans un communiqué.
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Article paru dans FO Hebdo 3078