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21 août 2013

LE CDI INTÉRIMAIRE : NOUVEAU MARCHÉ POUR LE PATRONAT, PAUVRETÉ POUR LES INTÉRIMAIRES


Le patronat de l’intérim (Prism’emploi) et les organisations signataires de l’ANI (CFDT – CFTC – CFE-CGC) ont créé le « CDI pour les intérimaires ». Le Prism’emploi salue une « avancée sociale majeure » ; les organisations signataires saluent la création d’une banque gérant des comptes d’entreprise. Force ouvrière – représentée par sa Fédération des employés et cadres – n’a pas signé cet accord. 

Le CDI intérimaire devrait concerner 20 000 personnes sur trois ans sur une population de 2 millions de salariés intérimaires, soit 1% du total. Quant à l’objectif de sécurisation des parcours, le patronat s’est engagé sur 4% de cette population, celle effectuant au moins 800H de missions dans l’année. Un objectif difficile à atteindre pour le patronat de l’intérim, dont le CDI n’est pas la référence !


Pour le salarié, le CDI intérimaire est d’abord une perte d’argent puisqu’il perd son indemnité compensatrice de congés payés et son indemnité de fin de mission. Une garantie minimale mensuelle est prévue mais, faible et conditionnée, elle pourra être inférieure à l’indemnité d’assurance chômage qu’aurait perçue l’intérimaire en contrat de travail temporaire. De fait, le salarié intérimaire est donc appelé à se financer lui-même ses intermissions…

Pour le salarié, le CDI intérimaire est ensuite une perte de liberté. En effet, les intérimaires ciblés sont ceux qui disposent d’une réelle capacité de négociation en raison de leur qualification très recherchée (15 à 20 000 intérimaires). Or, ils pourront se voir imposer une clause d’exclusivité. En outre, une clause de mobilité est prévue, au minimum de 50KM et 1H30 (aller), ce qui est plus sévère que les règles posées par Pôle emploi. Des offres raisonnables de missions sont mises en place : par exemple, le salarié qui refuse une mission dont la rémunération est 70% inférieure à taux horaire de la précédente commettra une faute qui justifiera son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Cette « descente en escaliers » ne connaît pas de plancher, comme l’a fait remarquer une organisation signataire…

S’agissant de la soi-disant sécurisation des parcours, une « banque » dotée de 60 millions d’euros et gérant des comptes d’entreprise est créée. Les conditions d’utilisation de ces sommes seront à définir et le patronat a déjà prévenu qu’à la fin d’une période de trois ans les entreprises pourront récupérer les sommes déposées. Par ailleurs, si des actions de formation sont financées par ce fonds, elles le seront en contournant les règles fixées par l’OPCA (Organisme Paritaire Collecteur Agréé) qui gère les fonds de la formation. Concrètement, il ne sera pas vérifié si l’action est qualifiante ou


certifiante, et si la mission sur laquelle l’intérimaire est délégué correspond à cette formation, notamment quant à la rémunération versée. Ce fonds pourra même financer des actions de formation non imputables, c’est-à-dire des actions qui ne sont pas considérées par la législation comme des actions de formation.

En échange, les organisations signataires se sont engagées à ne pas revendiquer de surcotisation sur les contrats courts (250 à 400 millions d’euros d’économie) quand les CDD seront soumis à cette mesure. Une logique surprenante quand on sait que la durée moyenne d’une mission d’intérim est de 9,1 jours et que plus de 80% des missions durent au plus deux semaines (chiffres Pôle emploi sur les durées des missions 2012). De belles perspectives pour le patronat de l’intérim qui rêve de mettre les CDD en intérim, à défaut de pouvoir les changer en CDI !

Au final, pari gagné pour le patronat qui agrandit son marché, tout en rendant captive sa main d’œuvre la plus rentable. La sécurisation des parcours attendra…

Les signataires espèrent que le texte pourra être applicable en l’état, une annexe prévoyant les textes législatifs qu’ils ne souhaitent pas appliquer. Au contraire, Force ouvrière a toujours dénoncé une négociation portant sur un objet illicite, le CDI intérimaire n’étant autre chose qu’un prêt de main d’œuvre à but lucratif, qui demeure encore un délit en droit français. Elle a rappelé qu’au regard des textes européens ce CDI permettait de déroger au principe d’égalité de traitement et avait été utilisé dans les pays voisins pour détricoter les législations du travail. Nous vous tiendrons informés des suites que le gouvernement et le législateur entendent donner à cet accord.
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Lire aussi : NÉGOCIATION À HAUTS RISQUES POUR LES INTÉRIMAIRES

Stéphane Lardy, Secteur Emploi - Chômage - Formation