InFOrmation syndicale

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19 décembre 2013

EURO-SYNDICALISME RASSEMBLÉ

Par Patrick Hébert, Secrétaire Général FO44

Selon un récent sondage 76% des français sont convaincus d’une explosion sociale en 2014.

Dans un récent rapport «confidentiel», les préfets mettent en garde le gouvernement : «Partout sur le territoire, les préfets dressent le même constat d’une société en proie à la crispation, à l’exaspération et à la colère… D’ores et déjà ce mélange de mécontentement latent et de résignation s’exprime de façon éruptive à travers une succession d’accès de colère soudaine, presque spontanée, et non au sein de mouvements structurés… De plus en plus, les revendications sont portées en dehors du cadre syndical, à travers des actions plus radicales : grèves de la faim, blocages de longue durée, dégradations et menaces de perturbations de grandes manifestations culturelles ou sportives ont pris le pas sur les défilés en ville… La situation laisse peu de place à l’optimisme».

S’il faut toujours considérer avec prudence les sondages et les rapports de préfets, qui souvent se sont trompés, en la circonstance la situation décrite correspond bien à la réalité. «La France est comme un volcan. Il y a de la fumée, la terre ne tremble pas, mais en dessous, ça bouillonne» a parfaitement résumé notre camarade Jean-Claude Mailly.
Cette situation n'est pas propre à la France. Ainsi un "négociateur" de la Troïka, cité par le Financial Times le 21 novembre dernier, déclarait : "la grogne devient une véritable lame de fond".
Dans ce contexte, certaines forces sociales étrangères à la classe ouvrière, principale victime de la politique imposée par l’Union européenne et la Troïka, n’hésitent pas à profiter de cette colère pour défendre leurs propres intérêts. Ils auraient d’ailleurs bien tort de s’en priver, puisque, comme le dit encore JC Mailly, les gens ont «le sentiment que quand les patrons râlent, le gouvernement répond facilement».

Ainsi en Bretagne, après quelques semaines d’illusions, petit à petit, la mystification des "bonnets rouges" apparaît sous son véritable jour (1) «La colère est mauvaise conseillère» dit le bon sens populaire, c’est pourquoi notre rôle, dans des situations parfois confuses, est de démêler l’écheveau.
Il est maintenant parfaitement clair, et chacun en convient, que le patronat le plus réactionnaire, regroupé dans l’Institut de Locarn et dans le CCIB (Comité de Convergence des Intérêts Bretons), a savamment organisé et programmé les licenciements dans l’industrie agroalimentaire. Il a utilisé la légitime colère des travailleurs pour défendre ses propres intérêts. Associé aux partisans de l’Europe des régions (ce qui suppose la destruction de l’Etat Nation et de la République) et des indépendantistes les plus moyenâgeux (ceux qui rêvent au retour des anciennes provinces, "territoires" dit-on aujourd’hui), il veut casser le Code du travail, les statuts et les conventions collectives au profit d’une réglementation locale, mieux adaptée selon la loi à la concurrence internationale.
Cette opération a maintenant, probablement, fait long feu (au niveau du mélange des genres en tout cas), mais n’oublions pas qu’elle n’a été possible que parce que le mécontentement est réel.

D’autres ont tenté aussi de capter la révolte qui gronde pour protéger le gouvernement. Après avoir défilé ensemble le 23 novembre à Lorient, Laurent Berger et Thierry Le Paon se sont à nouveau retrouvés main dans la main le 30 novembre à Paris. Les deux nouveaux inséparables défilaient avec une ribambelle d’associations, dont l’annexe du Parti Socialiste : SOS Racisme. Cette énième tentative d’instrumentalisation de la question du racisme, pour détourner l’attention des vrais problèmes, a échoué. Quelques milliers de manifestants, un cortège «syndical» squelettique composé principalement de quelques confédéraux en mission...
Ce deuxième échec ne semble pas décourager les dirigeants de la CFDT et la CGT. Ensemble, ils travaillent maintenant à l’élaboration d’une plate-forme commune. Bien sûr, pas question d’aborder les questions qui pourraient fâcher : exit l’ANI, exit la nouvelle contre-réforme des retraites. L’axe de leur réflexion, c’est la lutte "pour l'emploi" ... et surtout contre les déficits publics : «L’expression légitime des intérêts particuliers ne peut sans danger laisser se développer les corporatismes en ignorant l’intérêt général», écrivent-ils.
Autrement dit, la classe ouvrière doit accepter les sacrifices au nom de notre Sainte Mère l’Union européenne !

Mais la politique de Thierry Le Paon se heurte à une opposition considérable au sein de la CGT. Au congrès confédéral, la notion de "syndicalisme rassemblé" a été très contestée, et l’approbation par la CFDT de la contre-réforme des retraites a encore renforcé l’hostilité de très nombreux militants et responsables de la CGT à cet acoquinage.
Ils n’ont pas oublié, qu’en 2010, l’alliance avec la CFDT a conduit à l’échec.
Ce rejet a pris une telle ampleur qu’il ne peut plus rester confidentiel. Le «syndicalisme rassemblé» ne passe pas, et beaucoup le disent maintenant publiquement. Thierry Le Paon est d’ailleurs conscient de la difficulté. Il a été contraint de prendre la plume pour tenter de justifier ses positions auprès des UD et Fédérations CGT. Dans ce courrier, aux justifications laborieuses parmi lesquelles il commet un faux à propos de l’histoire de la CGT, il reconnaît que : «cette stratégie de rassemblement a toujours suscité le débat».
Qu’en termes galants ces choses-là sont dites ! Car, en guise de débat, c’est à une véritable fronde interne que se trouve confronté le nouveau secrétaire général de la CGT.

C'est probablement pour contourner les difficultés qu'ils rencontrent au plan national, que Berger et Le Paon ont prévu de communier ensemble derrière la CES, qui, jamais à court d'idées, lance une campagne pour "une nouvelle voie pour l'Europe", accompagnée d'un certain nombre "d'outils", dont "un logo commun" pour toutes les initiatives nationales ainsi que quelques pense-bête pour tous les membres de la CES  amenés à intervenir dans des "séminaires".
La rituelle "euro-manifestation" est bien sûr prévue à Bruxelles au mois d'avril !
Le syndicalisme rassemblé patine en France : alors la CES invente "l'euro-syndicalisme rassemblé" !

Pour notre part, nous ne confondons pas l'unité de façade, l'unicité, le syndicalisme et euro-syndicalisme rassemblé, avec l'action commune pour faire aboutir les revendications.
Comme le disent les préfets, la classe ouvrière en a marre des «défilés en ville» (... ou à Bruxelles...).

Si nous ne voulons pas que «les revendications soient portées en dehors du cadre syndical», il nous faut d’urgence ouvrir une perspective qui réponde à cet «accès de colère soudaine».
Il n’y en a pas cinquante.
La réponse c’est la grève !


1- Notons ce qu'indique à ce sujet le rapport des préfets : "Fait rare, il semblerait que les grands groupes du monde agroalimentaire se soient réunis pour évoquer de nouvelles pistes de contestation, ce qui augure d'une mobilisation de plus grande ampleur".