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21 octobre 2016

Rentrée scolaire dans le secondaire : propagande et réalité

L’Infonz a demandé à des enseignants FO de l’UL de décrire la réalité ... pas aussi idyllique que le prétend la ministre. 
Rencontre avec : Isabelle Cadec prof. de technologie au collège Albert Vinçon ; Jérôme Guyon prof. d’histoire-géographie au collège de Montoir ; Eric Marcel prof. d’histoire-géographie au lycée Aristide Briand ; Jacques Marchand prof. d’anglais au lycée Galilée de Guérande.

A suivre, l'interview parue dans l'InFOnz n°20


La ministre affirme tout d’abord que « l’on voit les effets  des nouveaux recrutements » : 42 338 postes ont déjà été créés. 
- Eric : Ce ne sont pas des postes créés, mais des recrutements. De plus, derrière cet affichage elle passe sous silence les nombreux départs en retraite non compensés et l’augmentation du nombre d’élèves dans le secondaire. En réalité il n’y a eu que 2 804 prof. en plus - «équivalent temps plein », sans que ce soit d’ailleurs des emplois statutaires - certifiés ou agrégés - mais plutôt des contractuels - pour  une augmentation de 30 000 élèves !
- Jérôme : En conséquence les conditions de travail se dégradent vraiment. Ce que la ministre passe sous silence c’est qu’il y a de plus  en plus d’élèves par classe. Par exemple en collège nous avions auparavant souvent 25 élèves au maximum. Cette année :
- Au collège Pays Blanc de Guérande ils sont 28 en 6 ème, 29 à 30 en 5 ème, auxquels il faut ajouter 2 élèves handicapés à intégrer par classe1. Certaines salles de classe sont même trop petites !
- Au collège de St Brévin : 28 élèves par classe en 4 ème, 30 en 3ème.
- Au collège de Montoir : 28 élèves par classe en 4 ème, 29 en 3ème
Et c’est la même chose au collège Grand Air de La Baule, à Albert Vinçon etc …
- Eric : Au lycée Aristide Briand certaines classes sont à 35 élèves. En STI 2D par exemple, on est passé de moins de 20 à plus de 30 : tu imagines les difficultés : il y a beaucoup de travail de technologie réalisable qu’en petits groupes ….

Répondant à une question du journaliste sur l’attractivité du métier d’enseignant, elle répond que « les difficultés de recrutement … (n’ont plus) rien à voir avec la situation de 2011 ». 
- Jacques : La ministre est contredite par le dernier rapport  de la Cour des Comptes : le pourcentage de postes d’enseignants du secondaire (hors EPS2) non pourvus en 2011 était de  9,26 %, on en est à 19,5 % en 2016.
Ce même rapport fait état : « …. des disciplines de recrutement dans le secondaire (sont) sinistrées depuis des années : à noter que c’est de pire en pie ». En anglais, 16,71 % de postes sont non pourvus ; 17,33 % en lettres modernes ; 42,65 % en allemand et 54,29 % en lettres classiques !
- Jérôme : Le ministère, en difficulté, fait en conséquence appel à de plus en plus de contractuels et de vacataires. Des salariés au chômage se voient ainsi affectés dandes postes d’enseignants dans des conditions très difficiles.
J’ai l’exemple d’un collègue dans cette situation. Il doit enseigner les SVT1 pour un service de 13 h. par semaine (ce qui n’est pas un temps plein de 18 h), sur les trois collèges de Montoir de Bretagne, Pierre Norange à Saint-Nazaire et St Brévin … cela pour un petit salaire et avec des déplacements importants (il habite à 40 km) !

La ministre prétend de plus que l’attractivité du métier d’enseignant s’est améliorée du fait de « la nouvelle formation initiale et les revalorisations de salaires y sont pour beaucoup ».
- Eric : Au contraire de ce qu’elle affirme le métier n’attire plus. Revalorisation de salaires ? Elle fait référence à l’accord dit de PPCR1 signé par la CFDT, l’UNSA et la FSU. L’augmentation affichée de 21 points d’indice2 sur la carrière masque notamment :
- 9 points ne sont que l’intégration de prime au salaire
- la suppression de la prime annuelle de 500 € pour dépassement des 3 h. supplémentaires hebdomadaire.
- l’augmentation des cotisations retraites passant de 8 % à 11,1 % en 2020
- l’allongement de la carrière de 30 à 36 ans pour être au maximum ; beaucoup de jeunes débutant après 25 ans n’en verront pas la couleur…
- la notation dont dépendent nos progressions de salaires disparaît au profit d’ « évaluations de  comportement » !
- Jacques : Et puis, la ministre pense t’elle que les augmentations de 0,4 % en juillet et 0,8 % en janvier 2017 nous ferons oublier les salaires bloqués depuis 6 ans et les 8 % de perte de pouvoir d’achat !
- Isabelle : C’est d’ailleurs pourquoi beaucoup de collègues compensent les faibles niveaux de rémunérations par des heures sup.
- Jérôme : Quand à la prétendue  « attractivité » de la  nouvelle formation initiale, il est nécessaire de rappeler qu’un professeur stagiaire, en plus des journées de formation dans les  ESPE3, doit faire 9 heures de cours par semaine, occupant ainsi un demi-poste.
Il ne faut pas s’étonner que pas mal de jeunes stagiaires ayant réussi le concours jettent l’éponge pendant l’année de stage. Sinon, après 5 ans d’étude, le salaire de départ est de 1 320 € net et une nomination souvent en banlieue parisienne.

Répondant à la question sur les  « remous suscités par sa réforme des collèges », la ministre explique : « la réforme va se faire car nous avons actionné tous les leviers : … enseignements interdisciplinaires, nouveaux programmes … plan  numérique …  700 00 jours de formation ». 
- Jacques : Contrairement à ce qu’elle prétend il y a eu effectivement de sérieux « remous » et une franche résistance des enseignants à cette réforme  avec notamment 4 grèves bien suivies en début d’année à l’appel de FO, la CGT, la FSU et le SNALC.
- Jérôme : Parlons-en de ses « leviers ». Concrètement les programmes de 6ème, 5 ème, 4 ème et 3 ème changent en même temps ! Pour un prof., tous les cours sont à refaire la même année !
De plus, seule une partie des manuels ont pu être renouvelés : les éditeurs n’ont pas pu suivre et les établissements n’ont pas eu les crédits pour tous les achats nécessaires. En SVT par exemple on doit travailler avec des photocopies.
De plus on doit participer à de plus en plus de réunions, car les programmes sont maintenant par cycle de 3 ans, il faut donc se coordonner en permanence entre collègues.
- Isabelle : Les « 700 000 heures pour aider les profs»  c’est 4 jours l’an dernier et 2 jours cette année, non remplacés : pour écouter une propagande sur la réforme et pour en préparer, entre nous, la mise en œuvre …
- Eric : Le nouvel « enseignement interdisciplinaire » implique la diminution des heures de cours disciplinaires : par exemple un élève de 3 ème passe d’une fourchette de 29 h (sans option) à 34 h avant la réforme à un horaire imposé de 26 heures depuis la rentrée : ce qui fait jusqu’à moins 8 h d’enseignement pour certains !
Pour cette année, les effectifs en collège ont été maintenus. Mais les chefs d’établissement ont bien précisé : « pour cette année » !
- Isabelle : Un exemple de ce qu’est un projet d’EPI1 : en 3ème, construire sur deux trimestres, une éolienne. Cela mobilise ensemble la physique, les maths et la technologie. C’est intéressant bien sûr, mais d’abord pour nous c’est un « bouffe temps » important et c’est pris sur les 26 h des élèves : les bons élèves s’y retrouveront mais ceux un peu à la traîne ne suivront pas et perdront au final de précieuses heures d’enseignements disciplinaires.

Sur les classes bilangues, la ministre annonce que : «  Il n’y avait pas de raisons de maintenir les bilangues destinées à quelques élèves, alors que tous vont bénéficier de l’enseignement d’une seconde langue vivante dès la 5 ème grâce à la réforme ».
- Jacques : Par delà cette présentation « égalitaire » son objectif, c’est  encore une fois, de gagner des heures d’enseignement.
- Isabelle : Sur le bassin de St Nazaire, il y a disparition de classes bilangues prétendument « élitiste » : par exemple au collège Albert Vinçon la classe anglais / espagnol est supprimée,  de même la « classe euro » au collège Grand Air de La Baule.
- Jérôme : Avec cette réforme, les élèves apprendront les langues plus tôt mais sans heures de plus sur toute une scolarité de collège. Or 2 h ½ par semaine pour apprendre une langue étrangère cela ne suffit pas ….

Il y a aussi en cette rentrée, le « renforcement de la sécurité dans les établissement scolaires »
- Jacques : Pour FO, avant tout, il faut réaffirmer que la sécurité c’est l’affaire de l’administration, pas des enseignants lesquels ont seulement une mission d’instruction.
- Jérôme : Si tu prends le collège de Montoir, nous faisons déjà par an deux exercices incendie, plus trois de confinement « Seveso » et maintenant il faut ajouter – pris sur le temps d’enseignement – des exercices de « mise en sûreté » en cas d’intrusion / attentat. Il y a aussi des formations aux premiers secours : qui le fera ? Les infirmières manquent cruellement ; les profs volontaires ? Et sur quelles heures ?
- Eric : Tout cela est bien flou. D’autant que les simulations d’intrusion / attentat sont anxiogènes : tant pour le personnel que pour les élèves et les parents, le risque est de constater que nous sommes démunis. Les élèves sentiront qu’on ne sait pas vraiment comment réagir. On va peut être d’ailleurs plutôt s’orienter vers des « débats » avec les élèves ….