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23 mars 2017

STX : L’exigence d’une intervention de l’état gagne du terrain

Le 27 février dernier, 250 personnes ont assisté à la table ronde organisée par l’Association des ingénieurs et cadres des Chantiers de l’Atlantique (AICCA) concernant le rachat de STX.
Cette table ronde a été animée par François Billet, membre de l’AICCA. Les autres intervenants ont été Jean-Noël d’Acremont, ancien PDG des chantiers de l’Atlantique de 1994 à 1997, Paul Tourret, directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime (Isemar), Bertrand Chédotal, économiste, et Vincent Groizeleau, journaliste à Mer et Marine.

Lors de l’ouverture de la discussion au public, trois camarades de Force Ouvrière ont pu réaffirmer l’analyse et les revendications de Force Ouvrière : Nathalie Durand-Prinborgne et Jean-Marc Perez pour la section FO STX, ainsi que Jean Alséda au titre de l’Ouest syndicaliste.

Face aux risques que comporte le rachat par Fincantieri du chantier naval - qui serait bradé à 80 millions d’euros, alors que le carnet de commandes s’élève à 1 milliard d’euros -, la question de la nationalisation s’impose, même temporairement, pour le maintien du site, des emplois et des garanties sociales. Sur cette base, FO en appelle à l’action commune, comme cela a été possible en 2010 et en 2012.

Les prises de parole de nos camarades ont chacune reçu un accueil chaleureux du public. Elles ont permis d’écarter certaines propositions illusoires, tel que l’actionnariat salarial ou citoyen. Elles ont également incité les intervenants à affiner leurs prises de position. Dans leurs conclusions, Vincent Groizeleau et Bertrand Chédotal se sont ainsi clairement prononcés pour l’exercice du droit de préemption par l’état des parts actuellement en vente, ne serait-ce que pour mieux ordonner la discussion concernant l’avenir industriel du chantier naval.

Jean-Noël d’Acremont a pour sa part exprimé son intérêt pour une prise de contrôle de l’état, dans un partenariat actionnarial avec DCNS, notamment aux regards des enjeux stratégiques de défense nationale.

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Extraits de l’intervention de Nathalie Durand-Prinborgne, secrétaire de la section FO STX
Je souhaite revenir sur les inquiétudes concernant Fincantieri. Lorsqu’il y a eu une rencontre entre les organisations syndicales et Fincantieri au mois de décembre dernier, Fincantieri s’est engagée à ce que son accord avec SSC, le chantier chinois, ne soit qu’un simple transfert de plans... Mais deux mois après, on est bien au-delà puisque Fincantieri a signé la semaine dernière un contrat avec SSC, qui implique que Fincantieri va construire des bateaux en Chine. Dès lors, les promesses de Fincantieri, quand bien même l’état français en obtiendrait, ne seraient pas à croire...
On se doute bien également qu’en cas de difficultés, Fincantieri étant détenue majoritairement par l’état italien, ce dernier commencerait par dégager des salariés français, plutôt que des salariés italiens. C’est évident.
Quand FO revendique la nationalisation, et c’est le cas depuis 2006, c’est une façon pour nous de mettre à l’abri le chantier des prédateurs, dont Fincantieri. »


Extraits de l’intervention de Jean-Marc Perez, secrétaire-adjoint de la section FO STX
De deux choses l’une, ou bien on accompagne le gouvernement pour l’entrée de Fincantieri au capital, avec tout ce que cela génère comme problèmes en terme de gouvernance. Par exemple, où seront les emplois des services commerciaux, projets, bureaux d’études ? Seront-ils délocalisés, au compte de la réduction des coûts ? Fincantieri ne répond pas sur le maintien des emplois sur place (...)
Ou bien, du point de vue  de la défense des intérêts particuliers des salariés, je considère qu’il est de la responsabilité des organisations syndicales de faire ce qu’elles ont fait ensemble dans les périodes très difficiles, autour de 2010 et 2012.
Elles se sont accordées à cette époque pour chercher la protection de l’état, afin de garantir la pérennité du site, les emplois et les garanties sociales qui sont associées. »


Extraits de l’intervention de Jean Alséda, au titre de L’Ouest Syndicaliste
Monsieur d’Acremont a selon moi bien posé la question de l’alternative : ou le parapluie - ce n’est pas une question de météo, mais je pense que c’est la bonne solution - ou l’aventure.
Parce que Fincantieri, c’est quoi ? Je veux bien que l’on demande des garanties ou que l’on acte des promesses. Mais l’on sait très bien que les garanties et les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
Fincantieri, ce n’est pas n’importe quoi. Vous l’avez analysé, vous l’avez démontré. Pour 80 millions d’euros, elle se paierait les chantiers de Saint-Nazaire, alors que c’est un groupe endetté - vous l’avez dit -, derrière lequel il y a les banques italiennes au bord de la faillite. Fincantieri, c’est l’aventure, c’est la spéculation.
Il ne faut pas que les chantiers tombent dans les mains des spéculateurs !
Nous ne sommes pas indifférents à la forme du patron. Le rapport de forces avec l’état, avec les gouvernements,  dans l’état où ils sont, sera infiniment plus favorable qu’avec Fincantieri et ce qu’il y a derrière.
Et ce qu’il y a derrière, quelqu’un l’a dit ici, je crois que c’est la CGT : 80 % des salariés sont des travailleurs détachés, en particulier dans les sous-traitants contrôlés par la mafia. C’est ça Fincantieri. Et ça, on n’en veut pas à Saint-Nazaire !
La responsabilité que devraient prendre tous les syndicats, c’est celle qu’ils ont prise tous ensemble dans les années 2010 : la nationalisation.
Je ne suis pas un idéologue de la nationalisation, ni de l’anti-nationalisation. C’est simplement quelque chose de pratique. Aujourd’hui, je pense qu’il faudra en passer par là : je suis pour la montée majoritaire, au moins temporairement, de l’état, donc du gouvernement,  dans le capital de STX. 80 millions, ce n’est rien ! En tout cas, pour le rapport de forces, ce sera tout bénéf pour nous.
Quant à l’actionnariat populaire... Eh bien, faisons la quête ! »


Mer et MarineExtraits de l’interview de Nathalie Durand-Prinborgne, réalisée le 20/02/2017 par Vincent Groizeleau
STX France : Pour FO, « l’état doit nationaliser, même si ce n’est que temporaire ».
Vous avez de nombreuses craintes au sujet d’une reprise par Fincantieri ?
A part notre cale de construction, qui est bien plus grande que tout ce qu’ils possèdent, les Italiens n’ont pas besoin de nous, tout comme d’ailleurs ils ne nous apporteront rien. (...)Le danger est donc que progressivement, dans le cadre d’une évidente logique de groupe, on assiste à une rationalisation, avec des chasses aux doublons, une réorganisation des études, du commercial et des achats. En tout état de cause, il ne faut pas se leurrer, le centre de décision ne sera plus à Saint-Nazaire. (...)

Vous ne croyez donc pas au statut quo comme cela s’est passé avec Aker puis STX ?
Absolument pas, la situation est très différente. Aker n’est resté que deux ans et STX avait racheté ce groupe norvégien essentiellement pour ses chantiers spécialisés dans l’offshore, que Fincantieri a d’ailleurs repris depuis. Les Coréens n’étaient en fait que très peu intéressés par les paquebots et ils ont, au final, été des actionnaires assez transparents. Avec les Italiens, ce ne sera pas du tout la même histoire car ils viennent précisément pour la croisière.

La question du partenariat entre Fincantieri et le constructeur CSSC pour la réalisation de paquebots en Chine vous fait également très peur…
Il y a en plus, en effet, la question du partenariat de Fincantieri avec les chantiers chinois CSSC. (...) Nous craignons que cette décision facilite l’émergence rapide d’une concurrence chinoise contre laquelle il sera très difficile de lutter. Nous avons d’ailleurs vu, ici, ce que cela donnait avec les méthaniers, pour lesquels nous avons fait du transfert de technologie. Résultat, la Chine a inondé le marché et Saint-Nazaire n’a pas construit un seul navire de ce type depuis plus de 10 ans.

Les Italiens ont besoin de la cale de construction géante de Saint-Nazaire pour se maintenir sur le marché des très grands paquebots, qui font l’objet d’une course au gigantisme. Redoutez-vous d’être concentrés sur ce segment d’activité ?
(...) Le vrai problème dans le cas d’une spécialisation, c’est le jour où il y aura un fléchissement des commandes de paquebots géants. Que fera-t-on alors? De même, on peut logiquement imaginer qu’en pareil cas, ce serait l’ensemble du marché de la croisière qui ralentirait. Or, Fincantieri est un groupe public détenu à plus de 70% par l’état italien. Par conséquent, s’il n’y a plus assez de commandes pour tous les chantiers dans les deux pays, on se doute que la France ne sera pas prioritaire et que s’il faut supprimer des postes, on commencera par Saint-Nazaire.

Lorsque le secrétaire d’état à l’industrie est venu à Saint-Nazaire en janvier, il faisait remarquer que Fincantieri n’avait pas fermé de chantier même quand la situation fut difficile en Italie il y a quelques années…
C’est oublier que la direction de Fincantieri voulait fermer trois de ses huit chantiers et supprimer 2000 emplois en 2011, lorsque qu’il n’y avait plus assez de travail pour tous les sites. C’est uniquement la mobilisation syndicale et politique en Italie qui a empêché cette restructuration, que Fincantieri a été obligée d’enterrer sur ordre du gouvernement italien.

Force Ouvrière a une position très tranchée par rapport aux autres syndicats de STX France, qui se sont plutôt axés, comme les pouvoirs publics, sur l’idée d’obtenir des garanties auprès de Fincantieri. Vous ne croyez pas à cette stratégie ?  
Quand bien même l’état obtiendrait certaines garanties, Fincantieri ferait ce qu’il voudrait car il serait le seul maître à bord. Pour FO, les promesses n’engagent que ceux qui y croient et les engagements qui pourraient être pris n’ont, en réalité, aucune valeur. On l’a encore vu récemment dans le dossier Alstom/GE. (...)

Le montant du prix de rachat proposé par Fincantieri, soit à peine 80 millions d’euros, a beaucoup surpris. Qu’en avez-vous pensé ?
Ce montant a sidéré tout le monde. En 2006, Alstom nous avait vendu à Aker pour 50 millions d’euros alors que le carnet de commandes n’était pas celui que l’on a aujourd’hui et qu’il n’y avait pas la diversification. L’état serait donc prêt, aujourd’hui, à laisser cette entreprise se faire brader pour 80 petits millions ? (...)

Quelle solution préconisez-vous?
L’état doit utiliser son droit de préemption sur les parts de STX. Les enjeux sont trop importants et, avec Fincantieri, nous ne savons pas où nous allons. (...) Compte tenu de la situation, la seule solution est donc une nationalisation, ne serait-ce que temporaire, pour se donner le temps de discuter sereinement et sans contrainte extérieure de la meilleure solution pour l’avenir du chantier. (...)

Que pensez-vous de l’argument selon lequel l’Europe pourrait s’opposer à une nationalisation ?
(...) Nous pouvons nous appuyer sur le pacte d’actionnaire signé en 2008 avec STX et qui prévoit précisément la possibilité pour l’état de racheter les parts des Sud-coréens en cas de vente. Mais au-delà, une reprise par Fincantieri pose quand même une évidente question au regard de l’Europe : c’est en effet un groupe public qui est en train de racheter des entreprises privées européennes... Et là, on ne dirait rien ? (...) Une nationalisation française oui, mais pas une nationalisation italienne. Nous serons très fermes et nous nous battrons jusqu’au bout.