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13 juin 2013
JEAN-CLAUDE MAILLY: «ON VA DROIT DANS LE MUR»
Le Figaro du lundi 10 juin 2013
Personne ne sera épargné par la réforme à venir, dit l’exécutif. Êtes-vous d’accord ?
Personne ne doit être concerné par la réforme, c’est le contraire : tout le monde doit être épargné. Sinon, on va reconstituer la retraite des morts. On ira droit dans le mur. On ne peut pas isoler le dossier des retraites du contexte de la politique économique du gouvernement. L’acceptation du pacte budgétaire européen nous a propulsés dans la seringue de l’austérité et tout en découle depuis. D’ailleurs, la question d’une réforme des retraites revient partout en Europe. Or l’austérité engendre une hausse des déficits : sur un autre registre, 300 000 chômeurs de plus se traduisent ainsi par une progression de 1,2 milliard d’euros des dépenses d’assurance-chômage. Je ne nie pas le besoin de financement des régimes de retraite, mais il est largement conjoncturel. Si on enlève les effets crise et politique de rigueur, le problème est moins criant.
L’idée est pourtant de faire cotiser tout le monde plus longtemps…
Cela fait des années que l’on nous ressort les mêmes curseurs. La piste de l’allongement de la durée de cotisation est inacceptable. Imaginez que la génération 1989, compte tenu de son âge d’entrée sur le marché du travail, devra alors cotiser 44 annuités et partir à la retraite à 68 ans pour avoir une pension à taux plein ! Et la moitié des salariés qui liquident aujourd’hui leur retraite n’est déjà plus en activité. Si on augmentait la durée de cotisation, ce chiffre serait bien plus important et le coût pour l’assurance-chômage, notamment, bien plus que conséquent. Ce serait donc tout le contraire d’une politique guidée par la justice et relèverait surtout d’une grande hypocrisie, car augmenter la durée de cotisation revient de facto à reporter l’âge de départ en retraite. Ce qui ne marquerait, au final, aucune différence avec l’ancienne majorité.
Que pensez-vous d’un rapprochement des modalités de calcul des pensions public-privé ?
Beaucoup de Français continuent de croire que les fonctionnaires ont une meilleure retraite que les salariés du privé. Mais ce qui compte, c’est le taux de remplacement, le pourcentage entre le dernier salaire et la pension, qui est quasiment identique. Pourquoi changer les règles alors, sauf à vouloir opposer les salariés du public à ceux du privé, et aussi remettre en cause le statut général de la fonction publique pour mieux fusionner à terme tous les régimes ? Cette piste n’est pas, en tout cas, discutable et si on doit aller dans la rue pour le rappeler au gouvernement, on le fera.
Quelle contre-réforme proposez-vous ?
La modification de la politique économique menée, la fin de la cure d’austérité et la hausse des cotisations. Mais je vois bien que ce n’est pas la priorité du gouvernement. Le dossier des retraites sera l’un des plus anxiogènes des six mois à venir et provoquera beaucoup de tensions avec l’exécutif, c’est inévitable.
Propos recueillis par M. L.