par Michel Le Roc’h
En ce mois de juin, et à quelques
jours des congés d’été, une vague
de grèves secoue le pays.
C’est le cas à l’Assistance Publique
des Hôpitaux de Paris (AP-HP), dans
les collèges, mais également dans
de nombreuses administrations et
entreprises de Loire-Atlantique, à
la mairie de Nantes pour le déroulement
de carrière, à Manitou pour
l’obtention d’une augmentation générale
des salaires de 1,8%, à la CAF
pour le maintien des accords « RTT »
et des congés pour évènements exceptionnels
ou enfin à Orvault où la
grève victorieuse a permis de maintenir
10 postes d’Atsem.
A l’AP-HP, 15000 agents ont fait
grève et manifesté jeudi dernier,
pour la 3ème fois, pour demander
le retrait du plan Hirsch.
Comme dans de nombreux hôpitaux
contraints à des économies
drastiques, le directeur général de
l’AP-HP, Martin Hirsch, a rouvert
le dossier des trente-cinq heures,
avec l’objectif de réduire le nombre
de jours de «RTT» des agents. Devant
la menace d’un embrasement
total, ce dernier, acculé et esseulé,
propose aujourd’hui de reprendre
«la négociation à zéro». Mais à
nouveau, comme au lendemain de
la grève du 28 mai, il annonce déjà
qu’il ne renoncera pas à réorganiser
le travail dans les 37 hôpitaux de
l’AP-HP pour préserver «les 4000
emplois menacés par les économies
à réaliser» qu’il fixe à 30 millions
d’euros. Chassé par la porte, il tente
de rentrer par la fenêtre.
C’est décidément « la marque de
fabrique » des fidèles et zélés serviteurs
en France de la Troïka et de
la finance, avec à leur tête François
Hollande et Manuel Valls comme
chefs d’orchestre. Pour eux, la démocratie,
c’est «cause toujours» !
Les syndicats de l’AP-HP avaient
demandé à être reçus par le Président
de la République. Après une
heure et demie d’attente, les forces
de police n’ont pas hésité à utiliser
les gaz lacrymogènes, matraques
et lances à eau contre les manifestants,
avant qu’une délégation ne
soit enfin reçue par le secrétaire général-
adjoint de l’Élysée.
La grève des territoriaux de Nantes
pour des augmentations de salaires
a pris soudainement son envol la
semaine dernière. Comme dans
les hôpitaux où le gouvernement
compte économiser trois milliards
d’euros d’ici à 2017, la réforme territoriale
conduit à une réduction de
la dotation de fonctionnement
des collectivités
locales de
11 milliards d’ici 2017,
avec toutes les conséquences
sur le service
public de proximité,
les droits statutaires
des agents et leur
déroulement de carrière.
N’acceptant
pas cette situation,
plus de 1000 agents
ont manifesté dans
les rues de Nantes
le 8 juin pour demander
l’ouverture
de négociations sur
les avancements de
grade. Jeudi dernier,
500 agents réunis en
assemblée générale avec leurs organisations
syndicales ont adopté
à l’unanimité le cahier de revendications,
exigeant 600 promotions
de grade supplémentaires (de 400
à 1000) pour les catégories B et C,
au titre de 2015. Ils seront à nouveau
en grève le vendredi 19 juin à l’occasion
du conseil municipal et manifesteront
devant les grilles de la
mairie de Nantes. L’assemblée générale
a décidé de relever le défi de
réunir 2000 manifestants au moins,
condition fixée semble t-il par un
responsable de la mairie pour l’ouverture
de négociations !
C’est dans ce contexte de grèves et
d’actions revendicatives tous azimuts,
que les 7 dirigeants de la
CFDT, CGC, CFTC, CGT, FSU, Solidaires
et UNSA ont décidé de publier
un document de huit pages à
faire pâlir les plus acharnés partisans
de la collaboration de classes.
Ils se sont vus cinq fois « dans
l’ombre et sans médiateur ». Le texte
commun « Après le 11 janvier, vivre
ensemble, travailler ensemble » est
inspiré par « l’esprit du 11 janvier ».
Il est présenté par la presse comme
historique. Sans aucun doute, ce
document l’est ! Pas un mot de la
politique du gouvernement et de la
Troïka, pas un mot
du pacte de responsabilité,
pas un mot
des projets de loi
Macron, Rebsamen
ou Touraine et de la
réforme du collège,
pas un mot sur les
exonérations versées
au patronat qui mettent
en danger la sécurité
sociale, pas un
mot sur les juteux dividendes
versés aux
actionnaires. Pour
les signataires de ce
texte, la nécessité
de « barrer la route
au populisme » est
prioritaire, quitte à
accepter de ne plus
revendiquer.
La journée du 11 janvier a été celle
d’une manipulation que l’on peut
véritablement qualifier d’historique.
D’un côté, un million et
demi de manifestants, saisis par
l’émotion, réprouvant la barbarie
; de l’autre une brochette de 44
chefs d’État, pour la plupart va-t-en
guerre et ennemis des libertés. Au
coude à coude derrière François
Hollande, les Junker (commission
européenne) et autres chefs d’État
européens, les représentants du
Qatar et de l’Arabie Saoudite qui financent
les « groupes extrémistes »,
le président ukrainien qui fait la
part belle dans son gouvernement
aux représentants des organisations
« néo-nazies », ou encore le
bourreau de Gaza, Netanyahou, accompagné
de deux ministres d’extrême
droite, dont l’un connu pour
avoir déclaré : «J’ai tué beaucoup
d’Arabes dans ma vie et je n’ai aucun
problème avec cela.» Que pensent
de tout cela les 7 signataires du
texte commun du 5 juin ?
Au lendemain du 11 janvier, surfant
sur l’émotion, le président de
la République a tenté au nom du
« vivre ensemble » de nous entraîner
dans l’union sacrée. En vain !
N’en déplaise aux signataires du
texte commun, à Berger de la CFDT,
qui défilait ce jour là, bras dessus,
bras dessous, avec Pierre Gattaz,
président du Medef, la société reste
plus que jamais divisée en classes
sociales aux intérêts opposés.
La grève interprofessionnelle du 9
avril, les grèves massives actuelles
-bien souvent avec la présence des
sections locales UNSA et CFDT
comme à l’AP-HP ou à la mairie de
Nantes- confirment que la classe
ouvrière est à l’offensive. Malgré ces
avertissements, le gouvernement
continue à mettre en oeuvre sa
politique ultra réactionnaire. Face
au gouvernement, au patronat et
à leurs collaborateurs, il nous faut
renforcer l’axe de la résistance et
ainsi bloquer le Pacte de responsabilité
ainsi que leur volonté d’aller
plus loin dans le démantèlement
des garanties collectives. C’est ce
que nous avons fait en manifestant
le 12 juin, en commun avec les UD
CGT, FSU et Solidaires, à l’occasion
de la venue de Hollande, Gattaz et
Berger à Nantes et à La Baule.
«Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux
dans la plaine (...)»
(Chant des partisans)