par Michel Le Roc’h, secrétaire général de l’UD CGT-FO de Loire-Atlantique
Nous avons cent jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France » s’est exclamé le président de la République le 17 avril dernier. Cent jours jusqu’au 14 juillet pour tourner la page de la réforme des retraites et lancer les trois chantiers qui lui tiennent à cœur dont celui d’un « nouveau pacte de la vie au travail ».
Les « cent jours » font référence à la dernière période de règne de Napoléon Bonaparte à compter du 20 mars 1815. La fin de l’histoire est connue : la défaite de Waterloo le 18 juin 1815, puis l’abdication le 22. Macron donne-t-il là la date de son Waterloo ?
Le 28 mai dernier, le député Charles de Courson pronostique une fin de règne de gouvernement « s’il continuait à se comporter comme il se comporte ». Car nous sommes loin de l’apaisement. Le rejet très majoritaire est toujours là et Emmanuel Macron est plus que jamais isolé. Le discours très applaudi de la réalisatrice Justine Triet, à l’occasion du festival de Cannes, est à l’image de ce qu’éprouvent des millions de Français de toute classe sociale : « Ce soir, vous me donnez la parole et je ne peux me contenter seulement d’évoquer la joie que je ressens. Cette année, le pays a été traversé par une contestation historique, extrêmement puissante, unanime de la réforme des retraites. Cette contestation a été niée et réprimée de façon choquante et ce schéma de pouvoir dominateur de plus en plus décomplexé éclate dans plusieurs domaines. évidemment socialement, c’est là où c’est le plus choquant, mais on peut aussi voir dans d’autres sphères de la société, et le cinéma n’y échappe pas ».
Il y a un fait : après quatre mois de mobilisation, Emmanuel Macron et son gouvernement sont laminés. Ils ne tiennent que grâce aux institutions anti-démocratiques de la Vème République, taillées sur mesure pour agir contre la majorité. Nous n’avons aucune illusion sur l’issue de la proposition de loi « transpartisane » du groupe LIOT à l’Assemblée Nationale (8 juin). Une fois de plus, nous aurons la démonstration que le gouvernement et le Conseil constitutionnel s’assoient sur la démocratie.
De toutes ses forces, qui sont faibles, le gouvernement cherche à entraîner les organisations syndicales dans la mise en œuvre de ses plans (trois chantiers). à l’occasion des bilatérales à Matignon, les 16 et 17 mai derniers, non seulement les organisations syndicales ont réaffirmé l’exigence d’abrogation de la réforme des retraites, mais elles ont balayé les exigences du gouvernement. Pour notre part, nous avons remis notre cahier de revendications (8 pages), avec au centre la question des augmentations de salaire. Sur la méthode, nous avons rappelé à Élisabeth Borne notre conception de la négociation collective : nous revendiquons « de réelles négociations entre interlocuteurs sociaux conformément à l’accord national sur le paritarisme signé en juin 2022, qui ne soient pas un cadrage imposé par l’exécutif et qui permettent d’améliorer les droits et garanties des salariés » (Commission Exécutive Confédérale du 25 mai).
Les choses sont dites et clairement exprimées : nous restons indépendants (1). Il n’est bien entendu pas question pour nous d’accompagner les mesures du gouvernement et de nous laisser piéger par « le nœud coulant du dialogue social ». Alors nous n’avons pas d’autres choix que de poursuivre et de nous battre. Nous pouvons nous appuyer sur la détermination et la colère qui s’expriment depuis le 19 janvier dernier. Nous devons faire du 6 juin une journée puissante de grève et de manifestations et être de tous les combats, comme le 23 mai dernier devant l’Agence Régionale de Santé.
Ce jour-là, aux côtés des syndicats de la Santé, nous avons manifesté à 400 pour exiger l’arrêt des suppressions de lits en Psychiatrie et la création des postes nécessaires. Depuis plusieurs décennies maintenant et en particulier depuis la loi Juppé de 1996, l’hôpital public est attaqué et a subi une longue saignée. Dans les Pays de la Loire, les capacités hospitalières sur la période 2015/2021 ont été réduites de 763 lits en chirurgie, 213 en soins de suite et réadaptation, 236 en psychiatrie et 150 en obstétrique, pour ne citer que ces services. De manière générale (hôpitaux et médecine de ville), il manque 6 800 infirmières et 1 700 médecins dans les Pays de la Loire selon les chiffres de la Fédération des Hôpitaux de France. Les conséquences, nous les connaissons : depuis maintenant dix ans, l’espérance de vie recule d’un mois chaque année. Nous avons perdu un an en dix ans.
Nous sommes de fait en situation de légitime défense et il faut que tout cela cesse. Pour ce faire, comptons avant toute chose sur nos propres forces et, à partir de notre combat quotidien pour les revendications, sur le développement de nos implantations syndicales. Alors les 100 jours pourraient s’achever sur un nouveau Waterloo, celui de notre succès.
(1) C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé notre Confédération lors du 15e congrès de la Confédération européenne des syndicats (CES), qui s’est tenu du 23 au 26 mai dernier en Allemagne, en étant la seule à refuser de s’aligner sur une charte qui portait atteinte à notre liberté et notre indépendance. Nous y reviendrons dans le prochain numéro.
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