par Patrick Hébert
Le gouvernement vient une nouvelle fois de faire appel à «l’esprit du 11 janvier», c’est-à-dire à «l’union sacrée».
Cette énième tentative, comme les précédentes, court à l’échec. Depuis l’échec de la Conférence sociale de cet été, MM. Hollande et Valls multiplient les initiatives dans le but d’associer les confédérations à la mise en œuvre de leur politique. Pour mener à bien leur entreprise, ils disposent toujours du soutien des confédérations collaboratrices menées par la CFDT.
Mais de tous temps, face aux collabos, la résistance a fini par s’organiser et l’emporter.
Evidemment, la situation actuelle n’est pas identique à celle de la deuxième guerre mondiale. La France n’est pas occupée par une armée étrangère. Il est pourtant toujours utile de tirer les leçons du passé. Il faut se souvenir que si le responsable de l’Action française, Charles Maurras, s’extasiait à l’arrivée du Maréchal Pétain, la «divine surprise», il n’était pas seul.
D’autres, venus des rangs de la «gauche», et même du mouvement syndical, devenaient ministres. C’est le cas en particulier de Marcel Déat, issu de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière), et de René Belin, ancien secrétaire confédéral de la CGT. Le Parti communiste n’était pas en reste, Jacques Doriot finissait dans les rangs de la LVF (Ligue des Volontaires Français), sous uniforme allemand.
Ces quelques rappels montrent que les choses ne sont pas toujours aussi simples. Les manichéens considèrent qu’il y a le bien et le mal, mais ils oublient que «les chemins de l’enfer sont pavés de bonnes intentions».
A l’occasion du 1er mai, nous avons dû subir une nouvelle campagne médiatique sur le thème : les syndicats ne sont pas représentatifs. Nous pourrions nous contenter d’un haussement d’épaules, surtout après les élections cantonales et les records d’abstentions.
Mais en politique, il y rarement des hasards. Cette entreprise de décervelage a bien-sûr un but. Il faut convaincre l’opinion qu’il faut réformer les syndicats. Alors que nous allons commémorer cette année les 120 ans de la création de notre CGT, et l’année prochaine les 110 ans de la charte d’Amiens, le gouvernement nous ressort les vieilles recettes corporatistes.
Ainsi M. Bartolone, Président de l’Assemblée Nationale, vient de créer un «groupe de travail sur l’avenir des institutions». Il reprend à son compte, purement et simplement, le projet du général de Gaulle de 1969. Il va même encore plus loin, puisqu’il propose la création d’un nouveau sénat dans lequel des syndicalistes seraient élus au suffrage universel. (voir page 2).
Annihiler notre capacité de résistance en nous transformant en législateur, voilà qui est "moderne" !
Ce projet débouchera-t-il sur une proposition de loi, voire un référendum, ce qui serait particulièrement risqué? Nous l’ignorons. Mais sa simple existence est significative de l’orientation de l’actuelle majorité.
Alors que le gouvernement envisage de liquider purement et simplement nos conventions collectives, nos statuts et même le code du travail au profit des accords d’entreprise (voir page 8 groupe de travail Combrexelle), il phosphore simultanément sur la suppression des syndicats indépendants.
C’est réactionnaire mais c’est logique !
Mais fort heureusement, «il y a loin de la coupe aux lèvres». De Gaulle, qui avait une autre carrure, a échoué en 1969.
Il faut pourtant se méfier, car ce gouvernement agit dans le cadre de l’Union Européenne, qui trouve son fondement dans la doctrine sociale de l’Eglise, donc dans le corporatisme. Ce n’est certainement pas un hasard si la secrétaire générale de la CES, Bernadette Ségol, au congrès de l’UNSA, a vanté les mérites de «la France, deuxième force économique, pays fondateur de la Communauté européenne, le pays de Robert Schuman, de Jean Monnet et de Jacques Delors». N’en jetez plus … !
Encore que, elle aurait pu rappeler que la France est la fille aînée de l’Eglise … !
Face à cette offensive néo-corporatiste, il est nécessaire de renforcer le camp de la résistance et de la démocratie.
Le 9 avril a, de ce point de vue, marqué un tournant. Mais comme toujours, car «la vie n’est pas un long fleuve tranquille , il a été immédiatement contesté, notamment à l’occasion du 1er mai. Les partisans du syndicalisme rassemblé ont tenté de prendre leur revanche. Le coup a échoué…
Le 9 avril a incontestablement ouvert des perspectives. Le 19 mai, les personnels des collèges seront en grève, appelés par la CGT-FO, la CGT, la FSU, le SNALC et Solidaires. Dans de nombreux départements, d’autres catégories de personnels, notamment les instituteurs, appellent aussi à la grève. Ce même 19 mai, les fonctionnaires territoriaux, à l’appel de notre fédération et de la CGT, seront également en grève.
Incontestablement, ça bouge …
Personne ne peut prédire comment la lutte de classes va se développer. François Hollande invoque les mânes du 11 janvier, mais «l’état d’esprit», qui lui est bien réel, des travailleurs est au rejet de sa politique.
Face à l’axe de la collaboration, renforçons encore l’axe de la résistance !