Interview parue dans L'OS n°716 - Nathalie Durand-Prinborgne, Secrétaire section FO les Chantiers de l’Atlantique
Comment a réagi la section FO des Chantiers de l’Atlantique suite à l’annonce de l’échec du rachat du chantier naval par Fincantieri ?
Nous sommes d’autant plus satisfaits que nous sommes la seule organisation syndicale à avoir refusé ce rachat et avoir alerté sur les dangers qu’il comportait dès 2017. Je dis bien la seule. J’ai été très surprise du retournement de veste de la CFDT et de la CFE-CGC lors du dernier comité social et économique (CSE), le 28 janvier dernier, qui se félicitaient de ce non-rachat au lendemain de son annonce. Trois semaines auparavant, la CFDT répétait à l’envi que la vente devait se faire. Le positionnement de la CGT est différent, puisqu’elle considère que la nature de l’employeur importe peu. Ces divergences ont été autant d’obstacles à l’action commune, mais FO a pris toutes ses responsabilités et joué pleinement son rôle.
Que penser des annonces du patron de l’enseigne de bricolage Bricorama, Jean-Claude Bourrelier, qui se porte candidat au rachat ?
Nous ne croyons pas aux bons samaritains. L’apparition soudaine d’un aventurier, prêt à investir sa fortune personnelle dans une entreprise qui n’apporte pas immédiatement de dividende, nous paraît suspecte. Cela faisait à peine deux heures que l’annonce du non rachat avait été faite que M. Bourrelier se portait publiquement candidat. Il a déclaré qu’il ne voulait pas se mêler des questions industrielles, mais il indique dans le même temps au quotidien Les Echos qu’il avait de grandes idées, notamment écologistes. Comme si les Chantiers l’avaient attendu pour s’engager sur les technologies moins polluantes : « nous sommes notamment engagés sur des recherches pour un paquebot à voiles ». Par ailleurs, M. Bourrelier pose ses conditions : il exige au moins 40 % des parts et que la décision soit prise avant l’été.
Quelle est la position de FO ?
On sort de plusieurs années d’incertitudes avec Aker Yard, le fiasco STX et maintenant le dossier Fincantieri : nous voulons la paix. Pour nous, il n’y a pas d’urgence à trouver une autre solution et l’actionnariat doit rester tel qu’il est actuellement. Nous avons le savoir-faire, nous avons les compétences, mais nous avons besoin du rapport de force avec les banques pour les montages financiers et les garanties bancaires que l’Etat, actionnaire majoritaire, apporte. Il faut savoir que nous vendons un paquebot environ 1,2 milliard d’euros. 70 % de cette somme ne nous parvient qu’à la livraison au client, soit dans un délai de 22 à 24 mois après la commande. Notre besoin en trésorerie et en garantie bancaire est donc immense.
L’actualité porte énormément sur l’actionnariat, qui est loin d’être indifférent du point de vue de la défense des intérêts matériels et moraux des salariés. Mais qu’en est-il de ces derniers justement ?
Le cycle des négociations annuelles obligatoires concernant les salaires s’est tenu sur le mois de décembre. La direction est restée figée sur sa proposition de 0,5 % d’augmentation générale (AG) et d’1% d’augmentation individuelle (AI). La section FO revendiquait 1 % d’AG et 1,7 % d’AI. Aucune organisation syndicale n’a soutenu la direction et les NAO ont donc débouché sur un PV de désaccord et une décision unilatérale de l’employeur. Nous avons organisé avec la CGT et la CFDT deux débrayages, qui ont réuni entre 500 et 600 salariés, malgré le télétravail. Cela n’a pas suffi à faire basculer le rapport de force. Un cabinet d’audit a eu beau expliquer que les résultats de 2020 étaient bien supérieurs aux attentes, sans annulation de commande, la direction s’en est malgré tout tenue à sa décision unilatérale. Cette dernière explique qu’on ne sait pas de quoi sera fait 2021. C’est d’autant plus rageant que l’on évoque 1 700 € d’intéressement pour l’année 2020, versés en juin 2021, que l’on annonce potentiellement de la participation. La direction aurait pu mettre plus sur la table.
Quelles sont les prochaines négociations ?
En avril prochain, nous entamons justement une nouvelle négociation sur l’intéressement, qui portera sur les trois ans à venir. Comme ce que nous avions obtenu pour l’intéressement en cours, nous maintenons notre revendication d’une somme forfaitaire d’intéressement, versée de manière égalitaire à tous les salariés et non de manière proportionnelle.
Qu’en est-il de la discrimination contre des élus FO que tu as évoquée notamment lors de la Commission administrative de l’Union départementale ?
Plusieurs élus FO du 1er collège ont subi des préjudices, relevant de la discrimination syndicale, de la part de managers intermédiaires. Le secrétaire du syndicat FO des Métaux de Saint-Nazaire, Sylvain Hérisson, et moi-même avons rencontré la DRH. J’ai également apostrophé le directeur général sur cette question, car les choses n’évoluent pas assez vite. Trois de nos élus, victimes de cette discrimination, ont depuis également été reçus par la DRH. Nous demandons à cette dernière d’agir vite pour que de tels agissements cessent. Ces cadres intermédiaires ont une méconnaissance aiguë du syndicat. De ce fait, ils en ont peur. Il est donc nécessaire de faire suivre à ces managers une formation sur la relation avec les élus, sur le droit syndical… Dans tous les cas, de tels actes doivent cesser immédiatement.
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- La vente des Chantiers de l'Atlantique à Fincantieri est abandonnée