InFOrmation syndicale

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08 février 2016

Hôpital Saint Nazaire : Victoire de Force Ouvrière

Entretien avec Nathalie Pouhaud, secrétaire du syndicat CGT-Force ouvrière de l’hôpital de Saint Nazaire (à gauche) et Clair Guillet, secrétaire-adjoint (à droite).
Le syndicat FO de l’hôpital de Saint-Nazaire vient d’obtenir le redéploiement de 4 postes et le recrutement de 2 contractuels pour les services de nuit.


Avant de revenir sur votre victoire revendicative, pouvez-vous donner quelques éléments de contexte général sur l'hôpital de Saint-Nazaire ? D’ailleurs dit-on « hôpital », « centre hospitalier » ou « cité sanitaire » ?
Nous préférons le terme d'hôpital ou de centre hospitalier. La « cité sanitaire » a été créée en juillet 2012, dans le cadre d'un double « partenariat-public-privé » (PPP). D'une part, l'offre de soins a été « mutualisée » entre l'hôpital et deux cliniques privées, le plus rentable allant à ces dernières (chirurgie viscérale, urologique et vasculaire)... D'autre part, le PPP se fait sur le bâtiment, puisque l'hôpital loue à Eiffage ses bâtiments, dans le cadre d'un bail emphytéotique d'une durée de 35 ans, pour un loyer annuel de 27 millions d'euros. Ce loyer augmente tous les ans...

Pourtant les PPP n'ont-ils pas été épinglés dans un rapport de la cour des comptes ?
Si et nous l'avions utilisé. Nous avions été reçus en délégation au ministère avec la CGT, la CFDT et la députée Marie-Odile Bouillé pour obtenir la dénonciation du bail emphytéotique (la CFDT ne demandait qu'une simple étude...). Depuis, tout est resté en l'état. Un loyer de 27 millions d'euros, alors qu'on nous annonce un déficit de 10 millions d'euros, sur un budget de 290 millions, pour justifier les coupes franches dans les services.

Quelles sont les conséquences concrètes de ces PPP sur les services de l'hôpital ?
Lors de la création de la « cité sanitaire » en juillet 2012, l'ARS a exigé du nouveau directeur la suppression de 150 postes, dès fin 2012... A la même époque, nous revendiquions à FO la création de 150 postes. Depuis, nous estimons à plus de 200 le nombre de postes supprimés en trois ans : non remplacement des départs à la retraite, des invalidités et des mises en disponibilité... Et le directeur annonce 20 nouvelles suppressions début 2016 et 20 d'ici la fin de l'année. A cela s'ajoute la fermeture en mars d'un service psychiatrique sur six, soit 16 postes, ainsi que d'un service de chirurgie, soit 12 postes.

Pour rester encore sur le contexte général, pouvez-vous revenir sur les contre-réformes gouvernementales de ces dernières années ?
La loi Touraine, c'est 22 000 postes supprimés et 3 milliards de coupes budgétaires pour toute la fonction publique hospitalière, en application du pacte de responsabilité. Mais la grande difficulté, c'est que d'un côté, avec le fameux « virage ambulatoire » de la loi Touraine, l'offre de soins est réduite. De l'autre, en application de la « tarification à l'activité » (T2A) issue de la loi Bachelot de 2008, l'hôpital de Saint-Nazaire doit augmenter son offre de soins de 8 % pour obtenir les dotations qui permettraient de réduire son déficit... Et le nouveau directeur, qui est pourtant le référent « groupement hospitalier de territoires » (GHT) pour la CFDT, ne parvient pas à réduire ce déficit... 200 postes supprimés et le déficit est toujours au même niveau !

Groupement hospitalier de territoires... De quoi s'agit-il ?
Au 1er janvier 2017, tous les hôpitaux devront être regroupés dans un seul GHT. L'actuel directeur a obtenu dès le 1er janvier 2016 la mutualisation de Saint-Nazaire avec Savenay. Mais il vient de se faire retoquer et il risque de n'y avoir qu'un seul GHT pour toute la Loire-Atlantique... Cela génère de grandes inquiétudes, puisque cette nouvelle mutualisation pourrait impliquer 1 milliard d'euros de coupes et de nouvelles suppressions de postes...

Venons-en au syndicat FO et à votre activité revendicative. Quelle place occupe FO à l'hôpital de Saint-Nazaire ?
Force ouvrière est la première organisation syndicale depuis 2003, sous l'impulsion de la secrétaire du syndicat de l'époque, également secrétaire du groupement départemental, Anne Bourgeois. Notre camarade est aujourd'hui malheureusement décédée... Nous comptons 280 syndiqués sur 2 300 agents. Et nous avons obtenu 37 % lors des élections professionnelles de 2014.

Depuis combien de temps avez-vous pris des responsabilités au sein du syndicat ?
NP – J'ai adhéré il y a 3 ans et je suis secrétaire depuis 2 ans.
CG – Je suis déchargé à temps complet pour le syndicat depuis 7 ans et secrétaire adjoint depuis 4 ans.

Quelles initiatives a prises le syndicat ?
Depuis 2 ans, nous avons lancé plusieurs mouvements de grève pour défendre l'existant, notamment en médecine gériatrique et en chirurgie. En 2014, FO a été à l'initiative d'une intersyndicale pour défendre l'hôpital : 500 collègues s'étaient rassemblés devant le CH.

Et dernièrement, vous avez obtenu satisfaction concernant les personnels de nuit. Pouvez-vous revenir sur cette bataille ?
Le 6 janvier 2016, à la demande de collègues qui nous ont alerté sur la terrible dégradation de leurs conditions de travail, du fait des non remplacements, nous avons organisé une assemblée générale des personnels de nuit. A l'unanimité, la décision a été prise d'un mouvement de grève sur plusieurs revendications, dont une centrale : le remplacement systématique des arrêts de travail et des congés. Le 11 janvier, le syndicat a déposé un préavis de grève à compter du 17 janvier. Mais nous avons obtenu de premiers résultats avant même la grève. Le 13 janvier, le syndicat FO a été reçu en audience par la direction, soutenu par 46 agents. Pourtant, la direction avait placé le rendez-vous le mercredi à 17h00, sans doute pour éviter que nous organisions les choses massivement. La garderie que nous avons mise en place a permis cette mobilisation importante et de nombreux collègues ont pu prendre la parole en direct pour interpeller la direction sur la situation.

Le syndicat a mis en place une garderie, dites-vous ?
Oui, pour permettre l'organisation du rapport de forces, l'assemblée générale a pris des décisions concrètes, notamment l’organisation d'une garde d'enfants par le syndicat permettant aux collègues de se libérer. Mais l'AG avait également approuvé le principe d'une caisse de grève (les personnels assignés cotisant 5 € par nuit pour les grévistes)...

Qu'est-il ressorti de l'audience avec la direction ?
Nous avons été reçus pendant deux heures par la DRH, le directeur des affaires financières, ainsi que le directeur des soins. Le directeur était quant à lui parti en vacances en Inde, le lendemain de notre dépôt de préavis de grève. Confrontée à la réalité des situations décrites par les collègues et à leur épuisement, la direction s'est engagée à « faire des efforts »... A l'issue de la réunion, elle a annoncé deux redéploiements de postes (une infirmière et une aide-soignante). Le lendemain matin, elle rappelait le syndicat pour annoncer deux nouveaux redéploiements. Il s'agit du renouvellement de contractuels en fin de CDD et de mobilités internes souhaitées. Depuis, nous avons encore obtenu la création de deux postes contractuels pour apurer tous les congés et reliquats qui n'ont pu être pris en 2015 : cela représente 40 % du personnel de nuit (tous services confondus et EHPAD).

Quelles suites avez-vous données ?
Le 15 janvier, nous avons tenu une nouvelle assemblée générale qui a voté la suspension du préavis de grève, mais également un suivi attentif du respect par la direction de ses engagements. Cela a valu d'ailleurs un nouvel affrontement avec celle-ci, puisque dès le 21 janvier, nous lui avons adressé un mail intitulé « foutage de gueule ». La direction se devait de clarifier certains points, notamment le fait qu'elle imposait aux contractuels une période d'essai de 15 jours. Nous avons fait reculer cette période d'essai à 6 mois. Le 26 janvier, une assemblée générale s’est de nouveau tenue. Elle a voté le maintien de la suspension du préavis de grève et fixé une prochaine AG le 29 février prochain, avec ce même objectif de vérifier le respect par la direction de ses engagements. Par ailleurs, nous tenons ce 28 janvier une asssemblée générale des personnels de chirurgie, de nuit comme de jour, sur la question des fermetures de lit et des suppressions de postes.

Le 26 janvier, c’était également la grève des enseignants et de toute la fonction publique...
Avec le PPCR, les agents hospitaliers perdent en moyenne 200 € par mois en fin de carrière. La situation générale dans les hôpitaux est intolérable. Cette grève va dans le bon sens et nous étions présents à Saint-Nazaire. Mais faire reculer ce gouvernement implique d'aller encore plus loin, notamment sur le terrain interprofessionnel, et pose à nouveau la question de la montée à Paris.


Interview parue dans L'OS 662