* "De ce lieu et de ce jour date une nouvelle époque de l'histoire du monde, et vous pourrez dire : J'y étais" - Goethe, après la bataille de Valmy
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Depuis le 17 décembre, le monde bouge et des têtes tombent ! Après Ben Ali et Moubarak, à qui le tour ? Peut-être Kadhafi ?
Avec la chute de ces dictateurs, c’est tout « l’ordre mondial » imposé par les grandes puissances, avec à leur tête les Etats-Unis, qui est ébranlé. Personne ne peut prévoir avec quelle ampleur et à quel rythme ce mouvement révolutionnaire se développera. Mais il est une certitude, rien ne sera plus comme avant. Les travailleurs et les démocrates, en France comme dans le monde entier, soutiennent ces mouvements, et d’une certaine manière s’y identifient. Il est certain que ces brèches béantes dans l’ordre mondial ouvrent la voie à d’autres bouleversements. Nous sommes probablement entrés dans un processus, qui peut certes s’étaler dans le temps et dans l’espace, mais qui est irréversible.
Il est souvent utile de revenir à l’Histoire pour mieux comprendre les événements présents.
En France, les historiens estiment que la Révolution française a commencé au début de 1789 avec la convocation des Etats généraux par Louis XVI, pour se terminer avec le coup d’état du 18 Brumaire (9 et 10 novembre 1799) de Napoléon Bonaparte, soit onze longues années ponctuées de nombreux événements.
Ironie de l’Histoire, c’est en particulier pour rétablir les finances du royaume, c'est-à-dire pour décider de nouveaux impôts, que Louis XVI convoqua les Etats généraux. Il voulait en quelque sorte diminuer la « dette publique ». (... Et certains prétendent que l’Histoire ne se répète pas !)
Rappelons que ce sont ces Etats généraux convoqués par le roi et ouverts le 5 mai 1789 qui deviendront le 9 juillet 1789 l’Assemblée constituante.
Nous connaissons la suite. Cette initiative du roi allait conduire à sa chute et à l’abolition de la monarchie. (La relation avec les événements en cours est naturellement fortuite).
En 1792, la révolution en cours étant menacée par les monarchies européennes (l’ordre mondial) c’est Danton qui appela à la levée en masse des français : « Pour les vaincre, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace et la France est sauvée ».
Le 20 septembre, à Valmy, au cri de « Vive la Nation! », les troupes autrichiennes sont écrasées.
Le 21 septembre, au lendemain de Valmy, la convention décrète : « La royauté est abolie en France »; et le 22 est proclamé l’An I de la République.
Goethe, présent à Valmy (du côté autrichien), plus lucide que bien des hommes politiques de l’époque écrira : « De ce jour et de ce lieu date une nouvelle ère de l’Histoire du monde ». Bien sûr, Valmy peut paraître bien éloigné, pourtant, à l’échelle de l’Histoire, c’était hier !
Aujourd’hui, en France, comme dans les autres pays, l’Union européenne prétend aller jusqu’au bout de sa logique. Elle veut imposer le « pacte de compétitivité » et une nouvelle réforme constitutionnelle qui interdirait aux Etats de voter des budgets en déficit.
Après le Traité de Maastricht et le Traité constitutionnel (rejeté par référendum le 29 mai 2005 et adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès le 4 février 2008 par 560 voix contre 181), l’adoption de cette nouvelle réforme porterait un coup déterminant à la démocratie.
Ce projet porte atteinte, bien sûr, à la souveraineté nationale, et en particulier empêche le Parlement (déjà croupion) de voter librement le budget. Il pourrait aussi rendre anti-constitutionnelles donc illégales des revendications, dès lors que celles-ci seraient jugées contradictoires avec les impératifs budgétaires décidés par l’Union européenne. C’est pourquoi notre Congrès a décidé de s’opposer à ce projet qui veut « constitutionnaliser la rigueur ».
Mais, une fois encore, nous sommes confrontés à un projet qui n’est pas seulement européen. Pour imposer la rigueur à la classe ouvrière, les gouvernements n’ont pas d’autres solutions que d’intégrer les syndicats pour en faire des complices, ou de les interdire. C’est ce dernier choix qui a été fait aux Etats-Unis dans l’Etat du Wisconsin. Le Sénat vient de voter une loi qui, pour combler un déficit de 137 milliards de dollars, prévoit de dénoncer toutes les conventions collectives et de retirer aux syndicats le droit de négocier.
Pour empêcher que le quorum ne soit atteint, 14 sénateurs se sont « réfugiés » dans un état voisin. Le gouverneur Walker a publié un avis de recherche et envoyé les forces armées à leurs domiciles dans l’espoir d’en récupérer quelques uns.
Mais surtout, durant deux semaines les manifestations se multiplient, réunissant 70 000 salariés. Les manifestants brandissent des pancartes avec les photos du gouverneur Walker et de Moubarak, exigeant le départ de : « Hosni Walker ».
Sur une autre pancarte on peut lire : « Un dictateur au tapis, un autre à abattre ».
Dans de nombreux autres Etats des manifestations ont été organisées par l’AFL-CIO en soutien aux travailleurs du Wisconsin.
En Europe, les mœurs sont moins brutales. En Espagne par exemple le gouvernement « socialiste » de M. Zapatero vient d’imposer aux syndicats un nouveau « pacte social », qui prévoit entre autres la retraite à… 67 ans. Quand on constate que Bernard Thibault trouve des vertus à ce dernier (voir "météo sociale" page 4) on ne peut que se féliciter que notre Congrès confédéral ait réaffirmé avec force notre attachement à la Charte d’Amiens, c'est-à-dire à notre indépendance. La politique d’extrême rigueur imposée par le FMI et l’Union européenne n’est plus supportable. Au Moyen Orient comme aux Etats-Unis la classe ouvrière la rejette.
Au plan politique, la complicité de tous les partis institutionnels est patente, mais elle est aussi dangereuse pour la démocratie. La politique, comme la nature, a horreur du vide.
C’est pourquoi aussi, face à ce vide politique, il nous revient de prendre nos responsabilités.
Se résigner, ou céder d’une manière ou d’une autre aux pressions, mêmes amicales, contribuerait probablement à faciliter des aventures dangereuses pour la démocratie.
Au moment où les événements qui secouent le monde nous confortent dans notre attitude, nous n’avons pas d’autres choix que de rester rebelles libres et indépendants.
Patrick HEBERT, Secrétaire général de l'UD CGT-FO de Loire Atlantique