InFOrmation syndicale

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14 octobre 2011

ALEX GORDON, SECRETAIRE DE LA FEDERATION BRITANNIQUE DES TRANSPORTS, REÇU A L'UD-FO44

Alex Gordon est Président du RMT (Rail, Maritime and Transport Workers Union), l'un des plus anciens syndicats, né au 19ème siècle, à partir d'une société d'entraide mutuelle du secteur ferroviaire. 
"Nous appelons à des alliances avec des syndicalistes qui luttent dans toute l'Europe" 
" Vos revendications, les nôtres, celles des grecs, des espagnols sont toutes euro-incompatibles"
Il syndique en  Grande-Bretagne  : Angleterre, Pays De Galle et Écosse. ( Donc pas en Irlande du Nord considérant que les 6 comtés du Nord sont Irlandais.)

A l'occasion de sa venue à Paris pour participer à un meeting européen de l'EIT (Entente Internationale des Travailleurs et des Peuples), réunissant des syndicalistes espagnols, allemands, portugais, grecs, irlandais, britanniques et français, Alex Gordon a souhaité rencontrer des syndicalistes français.
Patrick Hébert, intervenant à titre personnel dans ce meeting, l'a cordialement invité à Nantes.

PS : La presse locale, qui avait donné son accord pour une conférence de presse, ne s'est finalement pas déplacée... Question d'habitude.
Mais les absents ont toujours tort. Le tableau extrêmement précis brossé par Alex Gordon, notamment sur le processus de privatisation des transports en Grande-Bretagne en aurait instruit plus d'un(e).

S'il faut en tirer un autre enseignement, ils se seraient rendu compte qu'il ne suffit pas de cacher le thermomètre pour faire tomber une fièvre. La classe ouvrière britannique, que les médias ignorent, n'a pas été écrasée par Margaret Thatcher. Elle est combative et organisée malgré toutes les lois antisyndicales.

C'est dans le bureau de l'UD qu'Alex Gordon a bien voulu répondre à nos questions en présence de militants FO de Loire-atlantique.

Alex Gordon : «Je dois d’abord vous dire que je suis très honoré de rencontrer des syndicalistes français.

Je suis le président de RMT, le plus grand syndicat des transports de Grande-Bretagne. Cela concerne les cheminots, mais également les travailleurs du secteur maritime, des transports urbains, notamment les employés des métros de Londres et d’autres grandes villes et une partie des transports routiers.

Nous comptons 80 000 adhérents.

Le syndicalisme anglais, s’il est bien différent, dans son histoire et son développement, du syndicalisme français, présente des similitudes, notamment avec les Unions départementales comme la vôtre et la tradition anarcho-syndicaliste.

En Grande-Bretagne, ce sont les "workers councils", des petites structures locales interprofessionnelles qui ont été à l’origine, par exemple, de la première grève générale de l’histoire, en 1911.

C’est à l’issue de cette grève que fut fondé le premier syndicat industriel, le syndicat national des cheminots, influencé par la CGT française, l’anarcho-syndicalisme et le syndicalisme révolutionnaire.

La revendication au cœur de toutes les batailles était la nationalisation des chemins de fer. A l’époque, les sociétés privées étaient de véritables petits états dans l’état. C’est finalement en 1945 que la nationalisation aura lieu. Elle ne sera remise en cause que dans les années 90 sous le gouvernement de John Major au nom de la "libéralisation des transports en Europe".

En fait le processus de privatisation s’est échelonné tout au long de la décennie. Le schéma est connu, et il est identique dans tous les pays.

La première phase est la séparation des voies et des services. Puis, dans chaque secteur, par le biais de la sous-traitance, on introduit petit à petit la privatisation de tous les services, notamment sous la forme du PPP (partenariat public/privé).

C’est la méthode qui a été utilisée pour privatiser le métro de Londres. D’un côté, la circulation est restée du domaine public quand, de l'autre, la maintenance des voies et des rames était transférée au privé pour 30 ans.

Au bout de huit ans, nous avons cassé la privatisation dans le métro de Londres !

La lutte syndicale pour maintenir les emplois et les conditions de travail a duré huit années. Au bout de huit ans, les deux plus importantes sociétés ont quitté le partenariat, et la maintenance a été réintégrée dans le secteur public.

Pour tout le monde cela a été une victoire importante.

Dans l’Angleterre thatchérienne, dans le pays d’Adam Smith, nous avons donné la preuve qu’il est possible de gagner !

Cette victoire dépasse le cadre des salariés du métro. Il faut bien se rendre compte que la conjonction de la privatisation des chemins de fer et des règles de l’Union européenne diminue les capacités de développement des industries.

Depuis Maastricht, la capacité industrielle est concentrée dans un très petit nombre de pays.

Même si nous ne sommes pas membres de l’eurozone, même si nous n’en avons pas les contraintes, nous sommes sous le coup du pacte de stabilité et de croissance de l’UE.

Nous assistons à la mort de la construction ferroviaire britannique. Il ne reste qu’une grande usine, à Darby. Cette usine à connu cinq propriétaires différents en quinze ans. Actuellement, c’est Bombardier.

Mais le gouvertnement vient d’annoncer que le contrat serait désormais passé avec l’allemand Siemens. Par conséquent, Bombardier va fermer d’ici deux ans, alors que c’est une industrie très rentable.

Nous sommes au cœur d’une grande bataille politique.

Les états n’auront plus la souveraineté sur leur politique industrielle.

Nous, à la RMT, nous avons d’ailleurs adopté, en 2010, la position de quitter l’Union européenne. Mais notre position reste pour l’instant très minoritaire.

Ceci dit, déjà en 1988, la position des TUC* était contre le Marché commun

Cette année là, Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, s’est adressé à la Conférence nationale des TUC. Il leur a déclaré : "En 84-85, vous avez perdu la plus grande grève des mineurs, de l’imprimerie, des dockers, votre histoire est finie. Tournez-vous désormais vers l’Europe sociale."

Il est clair maintenant qu’avec la catastrophe économique, l’Europe sociale est un cauchemar. C’est pourquoi nous appelons à des alliances avec des syndicalistes qui luttent dans toute l’Europe.

* Le Trade Union Congress, Congrès des syndicats, est l'organisation fédératrice des syndicats britanniques qui compte environ 7 millions d'adhérents
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Article paru dans L'Ouest-Syndicaliste
L’OS : Quelle est la situation dans les autres secteurs économiques, dans les services publics, la santé... ? Du point de vue syndical, y-a-t-il le même consensus qu’en France, à l’exception de FO, pour accepter l’austérité ?

Alex Gordon : "Le 26 mars dernier, on a manifesté à près d’un million pour défendre les services publics. Nous avons par exemple un système de santé dont l’accès est totalement gratuit. Mais la Commission européenne exerce de fortes pressions pour faire appliquer ses directives santé.
Il y eu aussi de grandes manifestations étudiantes contre le triplement des droits d’inscription à l’Université. Il y a donc une vraie mobilisation, mais on ne voit pas assez la combativité des directions syndicales.
Le ministre des finances anglais, M. Osborne, a annoncé un plan de près de 100 milliards d’euros de réduction des dépenses publiques.
Pour les syndicats des fonctionnaires, il n’y a aucune raison de faire des coupes budgétaires.
On connaît les leçons de l’histoire. Si tout le monde réduit son budget, il y aura une récession générale.
Pour d’autres syndicats également il n’y a pas de raisons de faire ces coupes budgétaires. Il faut redistribuer les richesses, augmenter les salaires pour relancer la croissance. Nous sommes la 6ème ou 7ème puissance économique au monde, nous sommes un pays riche."

Patrick Hébert : Je suis d’accord avec tout ce que tu viens de dire. On peut même se demander si, pour régler la crise du capitalisme, ils n’iront pas jusqu’à déclencher une guerre. J’aimerais savoir ce que tu penses de la CES (confédération européenne des syndicats) et quel est le rapport du mouvement syndical anglais avec cette organisation.

Alex Gordon : "Le TUC est adhérent de la CES. Mais il faut bien reconnaître qu’en ce qui concerne notre secteur, la Fédération des ouvriers des transports européens n’est pas utilisable pour construire un syndicalisme d’opposition. C’est pourquoi nous devons chercher des alliances avec des syndicalistes qui luttent dans toute l’Europe.
Le 30 novembre prochain, à l’occasion du congrès des cheminots portugais, à Lisbonne, il y aura une réunion des syndicats des transports. Je peux d’ores et déjà vous lancer une invitation.
A l’échelon national, nous avons déjà créé un groupe de coordination de syndicats (pompiers, fonctionnaires, boulangers, journalistes, enseignement supérieur, instituteurs, …) pour s’opposer à l’austérité et à la privatisation de l’industrie.
Pour l’instant cela représente environ un million d’adhérents. Nous tenons une réunion mensuelle. La particularité de ce groupe est qu’aucun syndicat n’est affilié au parti travailliste.
L’appartenance des autres syndicats au parti travailliste les empêche de bien défendre leurs adhérents. Nous allons fonder un comité permanent des syndicats des transports pour lutter contre la privatisation des chemins de fer. C’est dans ce cadre que nous irons à Lisbonne".

J.P. Charaux : Tu nous as également parlé d’une négociation de l’UE avec l’Inde. Peux-tu préciser ?

Alex Gordon : "Bien sûr, c’est extrêmement important. Dans la conférence annuelle des TUC, chaque syndicat a la possibilité de soumettre deux motions d’urgence à l’approbation des délégués. Notre syndicat en a déposé une concernant la privatisation des transports, évidemment, mais également une seconde concernant une négociation en cours entre l’UE et l’Inde. En tant qu’ancienne puissance coloniale, la City, la bourse de Londres, lorgne sur la finance indienne en pleine santé. Il s’agit d’aboutir à un accord de libre-échange en application de la quatrième directive de l’OMC (l’organisation mondiale du commerce) concernant le transfert des ouvriers d’un pays à l’autre en maintenant les droits sociaux du pays d’origine.
Cela ne concerne pas seulement la main d'oeuvre non qualifiée, mais tous les emplois (ingénieurs, cadres, médecins, etc.) Si l’accord était ratifié par l’Union européenne, aucun pays ne pourrait s’y opposer ,puisque, depuis le traité de Lisbonne, les états ont concédé le droit de négocier à l’UE.
Il faut absolument faire connaître ce projet d’accord. Côté indien, les salariés sont farouchement contre, et leurs syndicats des banques sont puissants. Là-bas aussi, cet accord est perçu comme une lourde menace."

L’OS : Où en est le droit syndical en Grande-Bretagne ?

Alex Gordon : "Chez nous, le droit du travail est différent du reste de l’Europe. Historiquement, le gouvernement avait promulgué des lois martiales contre les associations républicaines des guerres napoléoniennes jusqu’en 1820.
En 1899, mon syndicat avait été condamné pour une grève illégale. La décision de la Cour était qu’un patron qui a subi un préjudice à cause d’une grève est fondé à porter plainte contre le syndicat pour récupérer l’argent perdu.
Un siècle plus tard, à la fin des années 80, le patronat anglais avait décidé d’écraser le mouvement syndical.
Après la grève des mineurs, Thatcher a promulgué une loi interdisant l’action secondaire, c'est-à-dire la solidarité interprofessionnelle. La grève politique est depuis interdite.
Enfin toute grève ne peut être décidée qu’après référendum auprès des adhérents par voie postale. Le courrier est dépouillé par un juge auquel le syndicat remet le fichier des adhérents. La moindre petite erreur est suffisante pour déclarer la grève illégale.
La grève est devenue difficile mais pas impossible. Les mêmes attaques contre le droit du travail sont actuellement à l’étude en Hongrie.
Enfin une entrave supplémentaire est venue de l’application des traités européens. Au nom de la « libre circulation des biens et des personnes », la Cour européenne a rendu des arrêts contre le droit syndical (arrêts Laval, Viking, Rufert, ...)"