Nathalie Durand-Prinborgne, secrétaire de la section FO de STX : " La disparition de ses sous-traitants nazairiens déstabilise le chantier naval. C'est l'heure de relancer l'unité syndicale pour une participation majoritaire de l'Etat au capital de STX, et contre tout licenciement"
Nathalie Durand-Prinborgne, secrétaire de la section FO de STX
Article paru dans l'Ouest-Syndicaliste n°602
L'Ouest Syndicaliste : En cette veille d'élection présidentielle, les candidats à l'Elysée se sont lancés, plans de sauvetages en poche, dans un tour de France des entreprises en difficulté.
Mais concernant la sous-traitance navale (et par ricochet l'ensemble de l'industrie navale), c'est un autre discours qui prévaut : reprenant la formule du gouvernement Jospin pour cautionner la fermeture par Renault de son usine de Vilvorde, on vous objecte que "l'Etat ne peut pas tout".
Nathalie Durand-Prinborgne : Telle fut en effet la réponse des représentants de l'Etat, qui, à défaut du sous-préfet lui-même, reçurent la délégation intersyndicale à laquelle je participais le 14 février dernier à l'issue de la manifestation interprofessionnelle organisée ce jour-là.
Il nous a été dit que l'Etat n'avait aucun moyen de décider d'un moratoire afin de mettre fin aux licenciements. Et comme nous posions aussi la question de la violation de la législation du travail par les entreprises important une main d'oeuvre étrangère à bas coût dans l'industrie navale, on nous a servi la même réponse, aussi stupéfiante que scandaleuse :
- impossible de mener une grande enquête sérieuse et transparente sur les durées du travail réellement pratiquées par ces entreprises,
- impossible de leur imposer le respect du code du travail et des conventions collectives, et pas davantage le paiement des cotisations sociales.
Fortes de ce feu vert aux licenciements, Baudet la SMCO et la SMCN ont posté dans les jours qui ont suivi leurs courriers signifiant aux salariés concernés leur mise sur le pavé.
O.S. : C'est la raison pour laquelle FO revendique maintenant l'embauche des licenciés par STX...
N. Durand-Prinborgne : Tout à fait. Et nous avons d'ailleurs un excellent argument à mettre en avant pour que ces licenciés économiques soient repris par STX.
En effet, à travers ces fermetures d'entreprises sous-traitantes, c'est tout un savoir-faire qui disparaît, déstabilisant le chantier naval lui-même. Qu'adviendra-t-il si nous laissons tous nos sous-traitants fermer les uns après les autres, alors que d'ores et déjà la direction de STX se trouve, dans certains secteurs de production, contrainte à faire appel à des consultants extérieurs, retraités des chantiers ? Cela parce que nous n'avons plus ces compétences en interne !
O.S. : Ce serait somme toute une fragilisation supplémentaire de STX, à l'heure même où le devenir du site industriel redevient incertain...
N. Durand-Prinborgne : La situation de STX aujourd'hui n'est effectivement guère des plus rassurantes. Lors du CE de mars prochain, la direction devrait présenter sa prévision de sous charge pour les mois à venir. Il est déjà annoncé du chômage partiel dans certains ateliers et bureaux d'études. En effet, nous n'avons pas eu de commandes récemment. Les 2 paquebots pour la compagnie Viking Lines pour lesquels nous faisions déjà les études n'ont toujours pas de financements. De ce fait, nous ne travaillons plus dessus, ce qui commence à générer une sous-charge importante. Sur le plan de la diversification, nos "jackets" pour support d'éoliennes n'ont pas été retenues par Alstom dans le cadre de l'appel d'offre pour le parc éolien au large de Guérande.
D'ordinaire d'un total mutisme vis-à-vis des salariés quand l'absence de perspectives industrielles inquiète les salariés de STX, la direction, innovant, à défaut d'autre chose, dans sa politique sociale de "communication", vient d'adresser à tout le personnel un courrier se voulant rassurant. ... Attention aux promesses un peu vides qui n'engagent que ceux qui y croient !
O.S. : Et si les "promesses rassurantes" devaient tourner court dans les prochains mois, ne vous entendriez-vous pas alors répondre pour STX ce qui a été répondu aux licenciés économiques de Baudet, de la SMCO et de la SMCN : "L'Etat ne peut pas tout ..." ?
N. Durand-Prinborgne : C'est justement pourquoi, depuis maintenant plus de 3 ans, FO se bat pour contraindre l'Etat à s'impliquer dans le devenir de la navale française, au lieu de se réfugier dans la "concurrence libre et non faussée" des traités européens, synonyme de désertification industrielle.
M'exprimant au nom de FO lors de la manifestation du 14 février, j'ai rappelé que pour notre organisation syndicale, la solution industrielle pour le chantier naval, c'est la nationalisation de STX, ou qu'au moins à défaut l'Etat augmente sa participation au capital de STX pour en devenir l'actionnaire majoritaire.
Il y a 3/4 ans quand nous avons avancé cette perspective pour la première fois, nous avions été quelque peu esseulés. Mais fin 2009, début 2010, alors que la pérennité de STX était, comme aujourd'hui, sur le fil du rasoir, l'idée dont nous étions porteurs s'est peu ou prou imposée, tant parmi les élus politiques de la région, que dans les autres organisations syndicales.
Après avoir rencontré l'Union Départementale Force Ouvrière, nombre d'élus locaux, souvent de premier plan et de toutes tendances politiques (maires, parlementaires, conseillers régionaux et généraux, etc.) ont fait des déclarations publiques favorables à l'actionnariat majoritaire de l'Etat.
Parallèlement les UD FO, CGT, CFDT, CFTC, CFE-CGC, Solidaires, ainsi que la FSU et l'UNSA 44 lancèrent un appel départemental commun à faire grève et manifester le 3 mars 2010 à Saint-Nazaire "pour l'emploi industriel" à "STX et la sous-traitance". La revendication portée intersyndicalement était ainsi exprimée : "L'Etat doit assumer ses responsabilités d'actionnaires, s'impliquer totalement (..) y compris en devenant actionnaire majoritaire".
La situation étant devenue aujourd'hui aussi critique (voire davantage) qu'elle l'était en 2012, cette plate-forme intersyndicale retrouve donc toute son actualité.
Dans les jours qui viennent, FO proposera aux autres organisations syndicales de reprendre l'unique combat possible contre la désertification industrielle.