Retraites, politique d’austérité, réforme de la fonction publique,
flexibilité du travail… Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de
FO, prévient qu’il ne fera aucun cadeau si le nouveau président ne tient
pas ses promesses...
François Hollande a promis aux syndicats d’inscrire dans la
Constitution l’obligation de les consulter avant tout projet de loi. Y
voyez-vous un gage de confiance?
Jean-Claude Mailly: Je n’en vois pas l’utilité. Le PS a-t-il peur de ne
pas être à l’écoute des syndicats? Hormis certains domaines déjà
délimités, le rôle des syndicats n’est pas d’être législateur à la place
des parlementaires. Sinon cela s’appelle du corporatisme. Nous
attendons surtout un dialogue social normal. Qu’on soit d’accord ou pas,
il faut que ce soit plus serein qu’avec le président sortant. Autre
erreur à éviter : avec Nicolas Sarkozy tout se traitait à l’Elysée, ce
n’est pas bon, y compris en termes de démocratie. Il faut un Premier
ministre avec de réels pouvoirs et un gouvernement avec qui l’on
discute. Ce sont les deux points clefs de la méthode de travail.
Le 23 mai, le nouveau président a rendez-vous à Bruxelles avec tous les dirigeants européens. Qu’en attend FO?
Nous verrons quelle sera la position de la France. Il y a deux options.
Soit François Hollande tape du poing sur la table et demande de
renégocier les traités européens. C’est la position que nous défendons.
Soit, au nom de je ne sais quel réalisme, il accepte l’idée de faire
quelques compléments au traité et inscrit de fait dans le marbre la
politique d’austérité. Ça va être un événement clé. De ce qui va se
décider le 23 mai à Bruxelles va découler ce qui se décidera après pour
la France notamment. J’annonce qu’en cas de référendum sur le traité tel
qu’il est aujourd’hui, FO appellera à voter non.
L’état de grâce est-il terminé?
Oui, à cause du contexte général de crise. Il y a à la fois les attentes
des salariés et les enjeux au niveau européen. Sur les marges de
manœuvre budgétaire, c’est là que François Hollande va devoir faire des
choix. Si l’on reste dans une logique de réduction des dépenses, ça
risque de se tendre socialement. La fonction publique est à bout. Le 10
mai, les policiers FO doivent manifester. L’arrêt de la revue générale
des politiques publiques (NDLR : réduction des effectifs via le
non-remplacement d’un agent sur deux, fusion des services, etc.) qu’a
promis Hollande est une attente très forte de FO.
Avez-vous rencontré le président?
Non. Le plus tôt sera le mieux. Car il y a toute une série de décisions
qui vont être prises par le futur gouvernement par décret. Il faut des
consultations assez rapidement, des réunions en face à face avec le
président ou un émissaire, le temps qu’il y ait un gouvernement.
Que comptez-vous lui dire vis-à-vis des mesures d’urgence?
Concernant la retraite, il a été dit pendant la campagne que le droit à
la retraite à 60 ans serait rétabli pour ceux ayant cotisé 41 ans.
Comment va être calculée cette durée de cotisation? Avant d’être élu,
François Hollande a indiqué que seules les périodes « cotisées »
c’est-à-dire 41 ans travaillés effectivement seraient retenues, excluant
ainsi les périodes « validées ». FO n’est pas d’accord. Quatre
catégories de salariés vont être pénalisées : les femmes du secteur
privé ayant élevé un ou plusieurs enfants et bénéficiant d’une
bonification de deux ans; toutes les personnes ayant connu des périodes
de chômage; tous les hommes ou femmes ayant eu un congé parental
d’éducation; toutes celles qui ont eu un congé maladie ou un accident du
travail de plus d’un an. Autrement dit, tous ceux qui ont eu des
périodes heurtées ne seront pas retenus. Ce serait discriminant et
injuste. Et cela pourrait être un des premiers accrochages avec le
gouvernement.
Quelles sont les qualités requises pour le prochain ministre du Travail?
La fibre sociale, une bonne connaissance et une vision des syndicats et
du patronat. Et pas que des contacts. Sinon, il va perdre du temps à
comprendre. Quelqu’un sachant pratiquer le dialogue et respectueux de
ses interlocuteurs. Capable aussi de résister aux pressions de Bercy.
Une qualité que devra aussi avoir le ministre de l’Industrie, si l’on
veut une vraie stratégie industrielle.
Allez-vous signer l’accord de compétitivité-emploi?
Non. Nous refusons de rentrer dans une logique obligeant les salariés à
travailler moins et gagner moins en cas de difficultés, avec à la clé,
une rupture du contrat de travail. S’il devait y avoir un tel accord,
nous porterons plainte devant le Bureau international du travail. Comme
pour le contrat nouvelle embauche (CNE). Le gouvernement devra trancher
très vite. Pendant la campagne, le candidat Hollande n’y était pas
favorable.
FO est restée à l’écart pendant la campagne. Pourquoi?
Pour être libre et indépendant il faut l’avoir été pendant la campagne.
FO n’a rien coproduit avec Sarkozy, ce sera pareil avec Hollande.
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Propos recueillis par Catherine Gasté | Publié le 10.05.2012, 07h27