Extraits du rapport d'activité de Patrice Pambouc, secrétaire du syndicat des métaux de Nantes et Région, à l'AG du 9 octobre 2012
La situation dans la métallurgie est paradoxale. Des secteurs comme l'aéronautique (Airbus), le pétrole (Brissonneau, Sercel) ont des carnets de commande remplis. D'autres secteurs licencient, des usines ferment, des industries s'apprêtent à être délocalisées comme Saunier-Duval au nom de la cogestion prônée par la CFDT et les patrons allemands. La sous-traitance est étranglée par les donneurs d'ordre et les PME et PMI vivent au jour le jour.
La métallurgie de Loire-Atlantique a perdu deux mille emplois depuis 5 ans et on assiste à un transfert des emplois vers l'externalisation et vers les services.
Dans cette situation, la revendication de Force Ouvrière de soutien à l'industrie par les pouvoirs publics, est fondamentale. Mais les mesures concrètes tardent à venir, c'est le cas de la Banque publique d'investissement dont nous jugerons dans les faits, l'utilisation et l'efficacité.
(...) La bonne situation de certains secteurs ne veut pas dire que demain des nouveaux plans d’économie ne verront pas le jour.
La plus grande vigilance, c'est l'indépendance, donc c'est pour le syndicat de ne pas être associé aux plans quels qu'ils soient.
(...) L'objectif de FO reste d'offrir des perspectives : par la pratique contractuelle, et si nécessaire le rapport de force.
(...) La convention collective de la métallurgie, c'est "notre bébé", c'est notre outil
Nous avons mis 4 ans, de 1981 à 1985, pour bâtir et signer seuls le 29 mai 1985 la convention collective départementale, outil d'unité s'appliquant aux 35 à 40 000 métallos du département. Pendant 25 ans, nous l'avons portée à bout de bras. (...) Après avoir craché dessus pendant 25 ans, la CFDT l'a signée en 2010, sur recommandation de la Chambre patronale (...) pour tenter, au prétexte de réactualisation, d'en remettre en cause ses acquis, en particulier l'indemnisation à 100% des 3 premiers jours de carence-maladie.
La négociation de réactualisation va durer un an et demi, pendant lesquels, de rebondissements en incidents, nous avons tenu bon. (...) Au final, c'est FO qui a porté les négociations et fait les propositions.
(...) L'avenant que nous avons signé à la convention collective le 14 avril 2012 grave les avancées significatives que nous avons obtenues :
- sur l'intérim : reprise d'ancienneté pour toutes les missions d'intérim effectuées sur la période de 18 mois qui a précédé l'embauche en CDI; ce à compter du 1er janvier 2000,
- sur les jours de congés payés pour événements familiaux,
- sur les jours d'ancienneté,
- sur l'indemnité minimale de départ à la retraite, etc.
A noter parmi les nombreuses interventions dans la discussion générale
- M. Pontoizeau (Airbus) : "Si tout va bien pour nous actuellement, notre situation peut se dégrader rapidement. Dans l'hypothèse par exemple d'un conflit au Magrhreb."
- FR. Mariot (Saunier-Duval) : "Saunier-Duval est passée de plus de 800 à moins de 500 salariés en 10 ans. Une section de mercenaires CFDT accompagne la politique de délocalisation des productions";"
- Y. Brossard (Novoferm, Mazchecoul) : "La direction voulait geler les augmentations générales au profit des augmentations individuelles. Nous avons obtenu le maintien du pouvoir d'achat en augmentation générale".
- G. Douaud (EARTA, entreprise adaptée): "Depuis le plan de réorganisation de 2009, FO-EARTA a renforcé sa position après un long combat, avec le soutien de l'UD et du syndicat des Métaux. De 100 salariés, l'effectif est passé à 232 cette année."
- L. Pelloquin (Jallais) : " Après la mise en redressement judiciaire de l'entité Bâtiment de Jallais, c'est l'ensemble du groupe qui est menacé de restructuration. Le stress s'empare des salariés. Mais FO est là, et déterminée à se battre."
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Questions à Eric Keller, secrétaire fédéral en charge des Pays-de-la-Loire
- L'Ouest Syndicaliste : Qu'as-tu retenu de l'AG du Syndicat des Métaux de Nantes et Région à laquelle tu viens de participer ?
Eric Keller : D'abord félicitations aux copains pour le dynamisme et le sérieux du syndicat. Une centaine de camarades mobilisés, des débats d'une haute tenue, et une belle unité de vue sur les problèmes de l'heure, qui s'est traduite par un renouvellement acquis à l'unanimité des instances du syndicat.
Mais surtout je repars avec la conviction que la convention collective départementale que FO est parvenue à négocier en Loire-Atlantique va nous servir de base revendicative dans les autres départements, pour exiger des chambres patronales des avancées similaires à celles arrachées ici à l'issue d'un bras de fer qui aura duré quatre ans avec l'Union des Industries 44.
- L'OS : Cela signifie-t-il que s'il a fallu quatre années d'âpres négociations en Loire-Atlantique pour débloquer la situation, dans bien d'autres départements les mêmes blocages restent à lever, les chambres patronales opposant une fin de non-recevoir aux demandes de nos camarades ?
Eric Keller : Pour comprendre la situation, il faut savoir que dans la métallurgie, les conventions collectives sont territoriales. Avec des exceptions spécifiques. Ainsi pour les ingénieurs et cadres et pour les salariés des garages, qui disposent eux de leur propre convention collective nationale, et donc ne se trouvent pas impactés par la convention venant d'être négociée dans votre département. Mais, et c'est là un héritage de l'Histoire, pour la grande masse des métallos, ce qui détermine les garanties, c'est le contenu des conventions territoriales.
Or, dans bien des départements, ces dernières n'ont pas été actualisées depuis assez longtemps.
Du coup on en arrive alors à une situation paradoxale : ce sont les employeurs qui en viennent à utiliser les conventions territoriales comme un outil de gestion, en se protégeant derrière des dispositifs, qui, à l'époque où ils ont été négociés, constituaient indubitablement des acquis pour les salariés, mais ont depuis cessé d'être porteurs de points d'appui pour le progrès social.
Voilà qui explique que dans de nombreux départements les négociations pour actualiser les conventions collectives demeurent bloquées, les employeurs, l'oeil rivé sur la baisse du coût du travail, refusant d'en revoir les dispositions à la hausse.
D'où l'intérêt de leur mettre sous le nez ce qui a été signé à Nantes.
A commencer par les chambres patronales des autres départements des Pays-de-la-Loire, où la métallurgie représente 35% de la production industrielle et 45% des effectifs, la Loire-Atlantique comptant à elle seule pour 34% du salariat de la métallurgie régionale (106 133 travailleurs au total pour les 5 départements).
Et il ne faut pas perdre de vue que si, dans les gros établissements, les syndicats sont en situation de créer le rapport de force _y compris pour imposer le respect des conventions et accords collectifs territoriaux, ces derniers représentent par contre dans la plupart des TPE, voire certaines PME, l'unique filet juridique de secours des salariés.