L’équilibre entre flexibilité pour les entreprises et sécurité pour les travailleurs n’a pas été trouvé.
Entamée en décembre 2011, la négociation sur la révision de la directive temps de travail, entre la CES (Confédération européenne des syndicats) et les organisations patronales européennes, s’est terminée sur un échec en décembre dernier. Un «échec politique majeur», selon la Commission européenne qui, depuis 2005, cherche à «donner aux entreprises et aux États membres une plus grande flexibilité dans la gestion du temps de travail», tout en assurant œuvrer aussi pour garantir «un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs».
En 2010, après cinq ans de discussions infructueuses entre le Conseil et le Parlement européens autour des versions successives proposées par la Commission, celle-ci s’est tournée vers les interlocuteurs sociaux pour qu’ils négocient une solution à cet épineux problème. La négociation, prévue pour durer neuf mois, a finalement été prolongée jusqu’à la fin décembre 2012. La négociation s’est déroulée entre une délégation patronale rassemblant trois syndicats et une de la CES dans laquelle siégeait FO, représentant l’ensemble des organisations syndicales françaises. La démarche de la délégation de la CES était de limiter le périmètre de la négociation afin d’éviter la réécriture d’une nouvelle directive.
Les organisations patronales n’ont rien voulu entendre quant à la suppression de l’opt-out, cette clause de la directive qui permet aux employeurs de négocier de gré à gré avec un salarié un temps de travail supérieur au maximum de 48 heures hebdomadaires (heures supplémentaires incluses) prévu par la même directive.
Remise en cause de la notion de temps de travail
Cette possibilité pour les employeurs de déroger à la règle avait été introduite à la demande du Royaume-Uni lors de l’adoption de la directive d’origine en 1993 et devait faire l’objet, au terme de sept années d’application, d’une évaluation en vue d’une remise en cause progressive. Vingt ans plus tard, elle est toujours là.
Outre leur refus d’en finir avec l’op-out, les organisations patronales, s’appuyant là encore sur les travaux de la Commission européenne, ont cherché à imposer une modification de la notion de temps de travail. Alors que la directive dans sa version actuelle ne distingue que deux temps, le temps de travail et le temps de repos, le patronat a voulu introduire une troisième notion: le temps de garde inactif. Jusqu’à présent, le temps de garde (celui des médecins et des personnels hospitaliers par exemple) a toujours été considéré comme du temps de travail à part entière, sans qu’il soit tenu compte des moments de repos ou d’inactivité qu’il peut inclure puisque le salarié reste de toutes les façons à la disposition de l’employeur et ne peut quitter son lieu de travail. La Cour de justice européenne elle-même a toujours tranché en ce sens, s’en remettant à la directive actuelle. C’est d’ailleurs pourquoi la Commission européenne avait déjà proposé, en 2004, de la modifier pour établir que les périodes inactives de temps de garde ne sont pas du temps de travail.
La délégation syndicale a également dû s’opposer à une modification de la période de référence pour le calcul de la durée hebdomadaire de travail. L’actuelle directive la fixe à quatre mois. Les employeurs voulaient la porter à un an, comme Bruxelles l’avait déjà suggéré dès 2004.
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Article paru dans FO Hebdo n°3062