Trois questions à... Pascal Pavageau, Secrétaire confédéral de FO
Vous dénoncez l’abdication politique du marché carbone, préférant que les problèmes environnementaux soient résolus par la puissance publique. Quels sont les autres problèmes que pose cet outil de régulation?
Le marché carbone n’est pas clair d’un point de vue juridique. Il tente de combiner la contrainte réglementaire minimale et les mécanismes de marché. C’est donc un outil de marché et un instrument normatif pour les entreprises. Cette nature juridique incertaine a d’ailleurs provoqué des débats sur la qualification à retenir. Comment considérer les quotas? Sont-ils des autorisations administratives, des instruments économiques de régulation, des biens, des droits d’usage (des droits à polluer)? Ces quotas constituent en plus une sorte de privatisation de portions de l’atmosphère qui appartient à tous, et donc à personne en particulier.
La vente aux enchères de certains quotas va ramener des ressources à l’État, n’est-ce pas intéressant?
Il n’est pas cohérent de condamner d’un côté la spéculation financière, dont on connaît les effets déstabilisateurs sur l’économie, l’emploi et le social, et d’un autre côté de vouloir recourir au marché spéculatif pour financer des politiques publiques. La décision de financer la rénovation thermique des bâtiments par le marché des quotas d’échange de CO2 est donc absurde: souhaite-t-on que la pollution demeure ou se développe pour assurer des ressources fiscales qui financeront les politiques environnementales? L’effondrement du marché carbone montre en plus qu’il n’est pas possible d’en tirer des ressources pérennes pour financer les politiques publiques.
Le marché carbone ne peut donc rien résoudre?
Non. Le marché ne résoudra pas les problèmes des nuisances environnementales car il ne modifie les comportements qu’à la marge. Cet instrument a en plus incité les entreprises à réduire ou à délocaliser leurs activités, tout en procurant à certaines des profits importants. C’est la politique publique, et sa mise en œuvre par la voie réglementaire normative, assortie de contrôles, qui sera la plus efficace.
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Propos recueillis par Nolwenn Weiler - Article paru dans FO Hebdo 3066