Estimée à 10, voire 20 milliards d’euros, une vaste fraude à la TVA exigible sur le marché carbone s’est déroulée en 2008 et 2009.
Comment? Le mécanisme est plutôt simple: un escroc crée une société bidon et importe hors taxes un bien dans un pays A. Il le revend ensuite dans un pays B. Mais en gardant pour lui la TVA qu’il est censé reverser au pays B. Il a bien entendu fait disparaître au préalable sa société fantôme. Les escroqueries à la TVA sont pratiquées depuis fort longtemps sur diverses marchandises. Elles coûtent même 10 milliards d’euros par an à l’État français. Mais dans le cas du marché carbone les biens échangés étaient immatériels, ce qui a permis aux escrocs d’aller très vite et d’engranger des sommes colossales en peu de temps.
«Carbone connexion, TVA, le casse du siècle»
Pour Aline Robert, journaliste et auteure de «Carbone connexion, TVA, le casse du siècle», les personnes qui ont mis en place ce marché, en l’ouvrant à tout un chacun, ont péché par excès de naïveté. «Avoir de la TVA sur un marché financier, cela ne s’était jamais vu! Avec en plus l’absence totale de contrôles, on avait un cocktail parfait pour qu’il y ait des problèmes.»
Autre souci mis en évidence par la journaliste: la réputation d’irréprochabilité de la Caisse des dépôts, qui a abrité cette fraude du fait de son rôle de gestionnaire du marché. Pour pouvoir acheter et vendre des quotas, il faut avoir un compte à la Caisse des dépôts. Mais contrairement à ce qui se passe dans les autres banques, on n’est pas obligé de déclarer aux douanes un transfert de plus de 10.000 euros vers un autre pays. Des millions d’euros ont ainsi pu partir tranquillement vers des paradis fiscaux. Le «casse» aurait-il pu être minimisé? Sans doute. «La réaction de la hiérarchie a été assez tardive», estime Aline Robert. Qui cite dans son ouvrage divers signaux tels que les milliards d’euros de TVA remboursés à Bluenext, la Bourse carbone, sans que personne ne dise rien. «Bluenext s’est même retrouvée le premier débiteur TVA de l’État, devant Total, alors que c’est une petite boîte de vingt employés», s’étonne Aline Robert. Les escrocs ont-ils payé? Pas vraiment. Les quelques personnes qui sont tombées n’ont écopé que de faibles peines, quatre années tout au plus, pour des dizaines de millions d’euros gagnés qui ne seront jamais remboursés. «Le droit pénal n’est pas assez organisé aujourd’hui sur la question de la criminalité financière, estime Aline Robert. Aucun vol à main armée portant sur des sommes équivalentes n’a jamais été constaté; mais pour le casse d’une agence bancaire, les voleurs encourent facilement des peines de prison d’une quinzaine d’années.»
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Article paru dans FO Hebdo 3066
«LE MARCHÉ NE RÉSOUDRA PAS LES PROBLÈMES DES NUISANCES ENVIRONNEMENTALES» Pascal Pavageau