Les chefs d’État ont promis une nouvelle directive pour la fin de l’année...
Enjeu: rapatrier 1.000 milliards d’euros par an dans les caisses publiques.
Les dirigeants des 27 États membres de l’Union européenne ont visiblement plus de facilité à s’entendre sur les politiques d’austérité et les réformes structurelles que sur la meilleure façon de juguler la fraude et l’évasion fiscale... Réunis le 22 mai pour un sommet inhabituellement court, ils n’ont pas réussi à trouver d’accord sur cette question, alors que la résoudre pourrait permettre de rapatrier au moins 1 000 milliards d’euros par an dans les caisses des États. C’est en effet le montant du manque à gagner fiscal annuel en Europe en raison de l’évasion et de la fraude fiscales.
AUCUNE AVANCÉE SUR LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES
La proposition de la Commission européenne, sur laquelle ont débattu les dirigeants européens, vise à appliquer l’échange automatique d’informations bancaires entre États non plus seulement à l’épargne, comme le prévoit l’actuelle directive européenne, mais aussi aux autres revenus, provenant notamment d’investissements dans des produits financiers innovants et d’assurance vie. Pour l’instant, un État qui a des soupçons de fraude et qui veut avoir ces informations doit en faire la demande. Un système totalement inefficace, comme l’a récemment démontré l’affaire Cahuzac en France, du fait du refus de certains États, à commencer par les paradis fiscaux, de coopérer... L’échange automatique d’information obligerait les banques de tous les États à identifier les comptes détenus par des particuliers originaires d’autres pays de l’Union européenne. L’ensemble des États devraient ensuite se transmettre les uns aux autres ces données bancaires, y compris celles concernant les intérêts, de façon systématique et périodique.
Mais alors que toute décision sur la fiscalité requiert l’unanimité des 27 États membres, l’Autriche et le Luxembourg refusent de se plier à l’échange automatique d’informations. Comment s’en étonner puisque ces deux États bénéficient déjà d’une dérogation qui leur permet de ne pas appliquer la directive concernant l’épargne? Leur argument est qu’ils ne peuvent appliquer des règles auxquelles échappent des pays tiers comme la Suisse ou le Liechtenstein.
À l’issue du sommet, les 27 ont promis de parvenir à un accord d’ici à la fin de l’année. «Il y a un consensus sur la révision de la directive épargne», a assuré le président du Conseil de l’Union européenne, M.Van Rompuy. «Quel que soit le dénouement des négociations avec les pays tiers, la nouvelle directive sera adoptée avant la fin de l’année», a notamment déclaré le président français, François Hollande. Le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Junker, a néanmoins insisté: «Avant l’extension de la directive, il faut entamer les négociations avec la Suisse et d’autres pays tiers.» Or les conclusions du sommet indiquent que ces négociations commenceront «dès que possible»...
Aucune avancée n’a par ailleurs été réalisée sur la fiscalité des entreprises. Alors qu’une polémique enfle à l’échelle internationale sur l’absence d’harmonisation fiscale, qui permet à des multinationales comme Apple ou Amazon de payer des impôts dérisoires. Enfin, la publication par l’Union européenne d’une liste de paradis fiscaux n’est toujours pas à l’ordre du jour...
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Article paru dans FO Hebdo 3077