InFOrmation syndicale

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25 novembre 2014

L'offensive Medef-Macron-Valls contre l'Assurance-chômage

Interview de Fabien Milon,délégué syndical central FO à Pôle-Emploi



- L'Ouest Syndicaliste : Dans le cadre de la mise en œuvre du pacte de responsabilité, Manuel Valls et Emmanuel Macron notamment évoquent une révision potentielle des droits des chômeurs. Peux-tu revenir sur le fonctionnement de l’Assurance chômage pour qu’on y voie plus clair ?

Fabien Milon : D’abord un peu d’histoire.
Lors de la création de la Sécu en 1945, le Conseil National de la Résistance avait également prévu la mise en place d’une protection contre le chômage, vieille revendication syndicale… Sauf que la pression de ce dernier était quasi nulle, pas de chômeurs ! Le dossier a été renvoyé à plus tard.
C’est en 1958, et sur les mêmes bases que celles qui ont prévalu à la création de la Sécu (le paritarisme ; la répartition ; une relative mais non négligeable indépendance vis-à-vis de l’Etat et des marchés…), que la CGT-FO, André Bergeron et Alexandre Hébert en tête, ont porté la création du Régime d’Assurance Chômage (RAC) devant le CNPF de l’époque. La tâche n’était pas colossale, le nombre de chômeurs ne dépassait pas les 50 000. Pour autant, pas si simple, car la CGT, qui avait changé de nature entre 45 et 58 (la scission…), s’y opposait. Elle n’a d’ailleurs pas signé cette 1ère convention de création du RAC. Pour elle, la protection contre le chômage devait relever de l’impôt. Si c’était le cas aujourd’hui, personne ne pourrait renvoyer Valls et Macron à 2016, l’Etat pourrait dès maintenant réduire les allocations des chômeurs !
Aujourd’hui donc et depuis 1958, tous les 2 ou 3 ans, les interlocuteurs sociaux (MEDEF /CGPME/UPA et CFE-CGC/CFDT/CFTC/CGT/CGT-FO) se réunissent pour définir les règles d’indemnisation, de prélèvement de cotisations… par convention. Si à l’époque, par la création de l’Unédic et des Assédic, ils assuraient eux-mêmes et collecte des cotisations et versement des allocations des Travailleurs Privés d’Emploi (1)  depuis la fusion ANPE-Assédic fin 2008, Pôle Emploi se charge de l’indemnisation, les URSSAF de la collecte.
Notons que si la confédération a été moteur dans la vie du RAC, sa signature au bas de chacune des conventions ne va pas de soi,  rappelons notre opposition au PARE en 2001 et  à celle de 2004.

- L'O.S. : Alors selon toi, pourquoi ces propos de nos ministres ?

F.M. : La dernière convention négociée début 2014 entre en vigueur au 1er octobre. Sans doute nos ministres sont-ils chagrinés de constater que celle-ci n’est pas entrée de plain-pied dans le pacte de responsabilité ? (même si tout n’est pas rose, loin de là…). La place et le rôle de notre confédération dans cette négociation n’y sont pas pour rien, mettant en échec un MEDEF et son président qui souhaitaient aller bien plus loin dans le démantèlement du Régime.
Aujourd’hui, et au gré des conventions et réformes successives, avec la complicité de qui l’on sait, moins de la moitié des Travailleurs Privés d’Emploi perçoit des allocations du Régime. Près de 52% perçoivent soit l’ASS, soit le RSA, voire… rien du tout ! Mais pour MEDEF et gouvernement, moins de la moitié, c’est encore trop, et trop bien. C’est en mars 2000, date d’un précédent «Sommet de Lisbonne», que l’UE décide qu’il faut «transformer les indemnités chômage en instrument de retour à l’emploi ». Peut-on être plus clair ? À travers cette phrase, l’UE considère que toute indemnisation est par définition un frein à la reprise d’emploi… Mais alors pourquoi le gouvernement a-t-il agréé cette nouvelle convention sans broncher le 14 mai dernier ?

- L'O.S. : Si on te comprend bien, on semble tranquille pour 2 ans, mais les négociations dans 2 ans risquent bien d’être difficiles ?

F.M. : Tranquille, c’est vite dit ! Dans la bataille, on ne peut véritablement compter que sur nos propres forces ! En effet, si la CFDT a signé les conventions RAC tout au long de ces années, je te rappelle qu’elle revendique depuis toujours la mise en place d’un grand service PUBLIC de l’emploi, donc en dehors du paritarisme et à la main essentiellement de l’Etat. Bien sûr, la création de Pôle-Emploi va dans son sens.
Je te rappelais aussi ci-dessus pourquoi la CGT n’a pas signé en son temps la convention de création du RAC.
Ces deux organisations ne sont pas défenderesses du paritarisme, pourtant à ce jour seul vecteur certifié d’acquis en matière de protection sociale collective.
Par ailleurs, nombre de militants considèrent, non sans raison d’ailleurs, qu’aujourd’hui, et depuis la fusion /création de Pôle Emploi, l’Unédic n’est plus que l’ombre d’elle même. Pour autant, il reste là l’un des tous derniers segments de ce paritarisme qui a permis tant de progrès social. Ce segment est donc à défendre, pied à pied, comme dans les caisses de retraites complémentaires et/ou les OPCA… et dès maintenant.
Si JC Mailly répond à juste titre à nos ministres : « De quoi je me mêle ? » gageons qu’il sait bien que si ceux-là se permettent d’intervenir dès maintenant, c’est qu’ils n’ont pas l’intention d’attendre 2 ans… si ça leur est possible !


1- " Travailleurs Privé d’Emploi" (TPE) : dénomination pratiquement totalement abandonnée aujourd’hui mais pourtant ô combien explicite, justifiant particulièrement le fait que c’est bien aux organisations syndicales confédérées de salariés que doit revenir le rôle de négociateurs et décideurs dans l’affaire et non à de douteuses organisations dites de chômeurs…
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L'Ouest Syndicaliste : http://www.fo44.org/p/louest-syndicaliste.html