par Michel Le Roc’h, secrétaire général de l’UD CGT-FO de Loire-Atlantique
Pierre Gattaz est un homme comblé. Il obtient à peu près tout ce qu’il demande et ne s’embarrasse plus de précautions oratoires pour exiger toujours plus.
Il affirmait en 2014 qu’un allègement de 100 milliards d’Euros de cotisations sociales conduirait à la création d’un million d’emplois. Depuis, avec le pacte de responsabilité et les diverses exonérations sociales et fiscales, le patronat a obtenu des « allègements » comme jamais, sans pour autant que soit inversée la courbe des créations d’emplois. Pierre Gattaz dans une interview aux Échos datée du 6 janvier dernier ne s’en cache pas : « le marché du travail est bloqué, verrouillé. Les entreprises (…) investissent peu, elles n’embauchent pas ». Malgré une conjoncture internationale relativement favorable -ce qu’ils appellent le « bon alignement des planètes »- c’est-à-dire un euro faible, un pétrole pas cher et des taux d’intérêt proches de zéro, les patrons n’embauchent pas et n’investissent pas.
Les exonérations diverses n’ont donc pas permis de relancer les investissements, ni de créer les emplois escomptés, et le gouvernement le sait très bien. Myriam El Khomri a avoué samedi dernier que la croissance était trop « molle » et la création d’emplois insuffisante pour enrayer la montée du chômage (1). L’industrie qui est le poumon de toute économie continue à détruire des emplois, 41 000 en un an, 140 000 depuis le début du quinquennat.
Le président de la République et le 1er ministre savent donc parfaitement que les exonérations sociales, fiscales et le pacte de responsabilité ont surtout permis de doper les dividendes versés aux actionnaires. Rien moins que 56 milliards d’euros en 2015 !
Pourtant, ils continuent dans la même direction, celle de l’abaissement généralisé du coût du travail, qui est responsable de la réduction du pouvoir d’achat et qui conduit, faute de demande intérieure, à la désindustrialisation, à la décroissance et au chômage de masse. La mesure consistant à « former » 500 000 chômeurs vers « de nouveaux métiers » n’y changera rien. Tout juste permettra t-elle de sortir ces chômeurs en formation des chiffres officiels du chômage.
Le 18 janvier prochain, François Hollande détaillera donc devant le Conseil économique, social et environnemental, son plan d’urgence pour l’emploi. Aucune bonne surprise n’est à attendre. Le Premier ministre a reçu, en présence de Myriam El Khomri, et à tour de rôle, les organisations patronales et de salariés. François Asselin, le leader de la CGPME, est ressorti satisfait de sa rencontre avec le premier ministre. Le plafonnement des indemnités patronales en cas de licenciement injustifié, prévu dans la loi Macron, mais censuré en août par le conseil constitutionnel, serait réintroduit dans la future loi. Il confirmera sans aucun doute une « prime à l’embauche » comprise entre 1 000 et 2 000 euros annuels. Cette prime viendra s’ajouter à la mesure d’exonération totale de cotisation patronale de sécurité sociale au niveau du Smic en vigueur depuis le 1er janvier 2015. On ne sera donc pas éloigné de la formule réclamée par le patronat de « zéro charge » pendant deux ans, en cas d’embauche dans les PME de moins de 250 salariés. Nous imaginons les conséquences dramatiques sur les comptes de la protection sociale, déjà mise à mal par plus de trente années d’attaques incessantes.
Le patronat réclame également un assouplissement du contrat de travail, dit « contrat de travail agile » permettant aux employeurs de se séparer plus facilement de leurs salariés en CDI. Mais la mesure « phare » attendue par le patronat est celle de la simplification du code du travail. L’objectif est de le réduire à un ensemble de principes fondamentaux permettant de limiter le niveau des garanties collectives. Le projet de loi, qui sera présenté au mois de mars, contiendra une refonte immédiate de sa partie relative au temps de travail avec le but d’assouplir les « 35 heures ».
Alors, dans une telle situation, où patronat et gouvernement, main dans la main, s’attaquent à toutes les conquêtes ouvrières, détruisent les garanties collectives, affaiblissent les services publics, jettent au chômage des centaines de milliers de salariés et abaissent le pouvoir d’achat de la grande majorité, le temps est venu de préparer sérieusement la contre-offensive.
Dans la situation actuelle et après les attentats des 11 janvier et 13 novembre derniers, la grève du 26 janvier revêt un caractère particulier. Surfant sur l’émotion, le Président de la République a tenté au nom du « vivre ensemble » de nous entraîner dans l’union sacrée. Nous savons que l’état d’urgence (2) est utilisé pour nous contraindre à renoncer aux revendications et à l’action syndicale. Conjugué à la pression exercée sur les organisations syndicales par cet état d’urgence, certains, dont évidemment la CFDT et l’UNSA, utilisent le prétexte du « barrage au populisme » pour accompagner jusqu’au bout le gouvernement et abandonner toute revendication (3). Ne nous laissons donc pas entraîner par ceux qui soutiennent, même de façon critique, un gouvernement aux abois, et voudraient nous rallier au « vivre et travailler ensemble » avec le patronat et le gouvernement, dans l’objectif donc que nous renoncions ni plus ni moins à notre indépendance !
La grève des fonctionnaires et des enseignants du 26 janvier, pour l’augmentation du point d’indice et l’abandon des réformes qui détruisent le service public, montre la voie. Et l’appel des Unions Départementales CGT, Cgt-FO, Solidaires et FSU de Loire-Atlantique, invitant les salariés du secteur privé à rejoindre, sous une forme ou une autre, les manifestations organisées à Nantes et St Nazaire, prépare les conditions du « tous ensemble public-privé » qui permettra de faire aboutir les revendications.
Le 26 janvier, l’état d’urgence ne nous fera pas taire ! Le 26, pour les revendications, par les grèves et les manifestations, nous construirons le rapport de force qui finalement l’emportera.
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(1) Myriam El Khomri a déclaré : « La croissance avec 40 000 créations d’emplois ce n’est pas suffisant pour faire reculer le chômage ». Chaque année, il y a « entre 800 000 et 850 000 entrées sur la marché du travail » pour environ « 700 000 départs à la retraite ». Il faudrait 100 000 départs à la retraite supplémentaire pour laisser la place aux jeunes. Myriam El Khomri n’en tire pas comme conséquence, « économies obligent », de revenir à la situation antérieure à celle de 1993 d’une retraite à 60 ans avec 37,5 annuités de cotisation pour tous, permettant ainsi aux jeunes de ne pas se retrouver sans travail.
(2) La défense des libertés et de l’Etat de droit est une nécessité en démocratie. C’est la raison pour laquelle nous revendiquons la levée de l’état d’urgence.
(3) C’est là l’esprit du document de huit pages intitulé « Après le 11 janvier, vivre ensemble, travailler ensemble » signé avant les vacances d’été par les dirigeants des sept autres organisations syndicales.