InFOrmation syndicale

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26 mai 2017

Les vieux habits de l’homme neuf

par Michel Le Roc’h, secrétaire général de l’UD CGT-FO de Loire-Atlantique

Le programme du nouveau président de la République se situe clairement dans la continuité des mesures prises par Nicolas Sarkozy et François Hollande ces dix dernières années contre les conquêtes sociales. 
L’homme qui se présente comme « neuf », « hors système » et loin des partis, est dans les faits le plus pur représentant de la finance internationale. Ce poulain d’Attali, ancien banquier de chez Rotschild, habitué des clubs de réflexion et d’influence où se côtoient les ténors de la classe dirigeante, n’est certainement pas un « homme neuf ».

Il a déjà sévi comme ministre de l’économie. La loi dite « Macron » validée en juillet 2015  grâce au recours au 49-3 promeut le transport en car « low cost » plutôt qu’en train et l’ouverture dominicale des commerces. Il assouplit les règles des licenciements collectifs et accélère la privatisation de la gestion d’aéroports régionaux.

Quel progrès !

Emmanuel Macron « marche » depuis dans les pas de Denis Kessler, ex-vice-président du Medef, qui, en 2007, suggérait aux candidats à la présidentielle : « La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance ».

Le Conseil National de la Résistance se prononçait alors pour « l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie »,  « le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques », « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État », « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours » (…).

En finir avec le programme du Conseil National de la Résistance, c’est poursuivre l’œuvre de démolition de la sécurité sociale et des retraites par répartition, piller le salaire différé au bénéfice d’une minorité d’actionnaires et de banquiers, supprimer des dizaines de milliers de postes de fonctionnaires supplémentaires et éclater le statut général de la fonction publique, privatiser EDF et la SNCF, etc. En résumé,  faire du « neuf » sur le dos des conquêtes ouvrières…

N’oublions pas non plus que le nouveau président de la République situe son action dans la continuité de celle d’Emmanuel Mounier, initiateur du « personnalisme » et fondateur de la revue Esprit. Ce courant spirituel qui prétend militer pour une pseudo « troisième voie » entre le capitalisme libéral et le socialisme, souhaite construire un «ordre nouveau» au-delà de l’individualisme et du collectivisme, orienté vers une organisation «fédéraliste», « personnaliste et communautaire » des rapports sociaux. Ce n’est donc pas un hasard si Emmanuel Macron met un point d’honneur à poursuivre la réforme engagée par le précédent gouvernement concernant les relations sociales. Il souhaite que l’entreprise devienne « une communauté de destins entre dirigeants et salariés » et propose un basculement beaucoup plus radical que celui de la loi El Khomri.

Il souhaite ainsi renvoyer à la négociation d’entreprise « tous les sujets fondamentaux qui font les relations de travail ». Il s’agit de donner la primauté aux accords d’entreprise sur les conventions collectives pour l’essentiel des questions liées à la durée du travail, au salaire et aux conditions de travail. Cela conduirait bien entendu à vider les conventions collectives et le code du travail de leur substance.
Emmanuel Macron entend aller vite et « légiférer » par ordonnances dès cet été.
Mais il y a un hic ! Le passage en force de la loi El Khomri a laissé des traces profondes et la crainte d’une nouvelle victoire à la Pyrrhus, voire même d’un embrasement généralisé, hante les milieux dirigeants.
Le 15 mai, le jour même de sa nomination comme premier ministre, Edouard Philippe a expliqué prudemment, que la voie prise, celle des ordonnances, n’était pas un refus de discuter. Pour sa part, le président du Medef a enjoint Emmanuel Macron à baisser rapidement le coût du travail et à mettre en œuvre sa réforme du travail.

L’éditorialiste de BFM TV, Christophe Barbier, a renchéri: « il faudra que Macron démontre qu’il arrive à casser l’obstruction syndicale (…). Ça ne se fera pas sans barricades, ça ne se fera pas sans dégâts. Il faut qu’avec l’aide de la CFDT, il brise complètement l’obstruction syndicale de la CGT et de FO ».

Oui, mais cette position met Laurent Berger dans l’embarras. Berger juge «impossible» une réforme d’ici l’été. Il explique : « Personne n’a intérêt à ce qu’il [Macron] échoue. On ne sait pas ce qui se passerait alors, je pense même au risque d’affrontements violents. Face à une société angoissée, le nouveau chef de l’état doit être vigilant sur la méthode. Il n’a aucun intérêt à y aller «à la hache» en déroulant un programme technocratique sans concertation. Ce serait perdant pour le pays et perdant pour lui. Le dialogue n’est jamais une perte de temps (…) ». « En France, la CFDT a pris le risque de soutenir la politique de restauration des marges des entreprises » (…). «  Une réforme hâtive du Code du travail serait contre-productive. Il faut regarder sujet par sujet ce qui relève de la négociation d’entreprise. Le temps de la concertation est indispensable. Si Emmanuel Macron veut passer à la hussarde, ça ne marchera pas. Il se trompe s’il croit que légiférer par ordonnances dès la rentrée lui permettra d’éviter un conflit social ».

La CFDT a pris le risque de soutenir « la politique de restauration des marges des entreprises », mais elle ne se sent pas en capacité de poursuivre dans cette voie « sans concertation ».

Cette position est symptomatique de la situation fragile dans laquelle se trouve déjà le gouvernement pour imposer ses plans destructeurs contre les statuts, le code du travail et les conventions collectives, la protection sociale, les retraites et les salaires.

Pour notre part, déterminés à défendre les intérêts de la classe ouvrière, nous appellerons à la résistance dans le cas où le gouvernement déciderait, malgré nos avertissements, de passer en force pour imposer une nouvelle réforme du travail, conduisant à réduire les droits et garanties des salariés.