InFOrmation syndicale

16 AU 20 DÉCEMBRE STAGE "DÉCOUVERTE FO ET MOYENS D'ACTION DU SYNDICAT" --- 17 DÉCEMBRE DE 9H30 À 16H30 FORMATION "RETRAITE" --- ...

25 septembre 2017

N’en jetez plus...

par Michel Le Roc’h, secrétaire général de l’UD CGT-FO de Loire-Atlantique
Ce vendredi 22 septembre, le gouvernement présente officiellement, en conseil des ministres, les cinq ordonnances et les trente-six mesures de sa «réforme» du travail avec le sentiment du devoir accompli. 

Malgré quelques concessions faites au cours des réunions de concertation, les objectifs de régression sociale fixés début juin ont été globalement atteints. Le patronat jubile et salue «la courageuse» Muriel Pénicaud. Elle a réussi à faire sauter les verrous du code du travail et des branches, afin de permettre aux entreprises d’être «plus réactives, plus flexibles et donc plus compétitives». Elle a réussi à réduire le coût des licenciements et même à les faciliter.

Et, cerise sur le gâteau, elle a obtenu que les patrons puissent «négocier» en direct avec leurs salariés dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Le patronat pourra ainsi imposer son «droit divin» à ses subordonnés. C’est le retour au XIXe siècle. Pas de syndicat ! Pas même de «syndicat maison» (au grand dam de Laurent Berger...).

Il est important ici de souligner qu’Emmanuel Macron a exprimé sa volonté de modifier à très court terme la nature même du Conseil économique social et environnemental (CESE), dans le but d’intégrer les représentants syndicaux dans un Sénat chargé de participer à l’élaboration des lois. Une nouvelle fois, derrière un discours de pseudo-modernité, Emmanuel Macron réaffirme sa place dans l’Ancien monde. Il reprend ici à son compte – et avec lui Patrick Bernasconi, actuel président du CESE et membre exécutif du bureau du MEDEF – la vieille idée pétainiste d’intégrer «les forces vives de la nation», et donc en particulier les syndicats, à la gestion de l’état pour aliéner leur indépendance. C’est le coup du référendum sur lequel le général De Gaulle s’était «cassé les dents» en 1969, suite au refus net de notre confédération… mais cette fois-ci sans référendum ! Comme pour les ordonnances, Macron s’inscrit dans les pas du précédent quinquennat : en 2015, un «groupe de travail» dirigé par le président PS de l’Assemblée nationale de l’époque, Claude Bartolone, remettait un rapport prônant déjà l’élection de «sénateurs socio-professionnels» (1).

De plus, le gouvernement annonce déjà qu’il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. La semaine prochaine, ce sera au tour du projet de budget pour 2018. Bruno Le Maire promet « une rupture complète avec ce qui a été fait depuis trente ans ». L’exécutif prévoit de faire des économies à hauteur de 16 milliards d’euros, c’est-à-dire plus de 3% des dépenses de l’état sur une seule année, en taillant  dans le vif des services publics. Par contre, les contribuables assujettis à l’Impôt Sur la Fortune (ISF) se frottent les mains. La transformation de l’ISF, en impôt sur la fortune immobilière (IFI), centré sur le seul patrimoine immobilier devrait rapporter gros. « Pour un patrimoine de 2,5 millions d’euros, dont 1,5 millions en immobilier, l’impôt passerait de 11 000 à 4 000 euros. Et un contribuable à la tête d’un patrimoine de 1,5 millions d’euros, dont 800 000 euros investis en immobilier repasserait en dessous du seuil de l’impôt », détaille un spécialiste de l’immobilier.

Et ce n’est pas tout. Emmanuel Macron annonce la fin des cotisations sociales et une réforme en profondeur de l’assurance chômage. Dans l’hebdomadaire Le Point, il explique : « La maladie et le chômage ne sont en effet plus des risques personnels sur lesquels on s’assure par la cotisation sur le travail, ce qui était la base du contrat de 1945. Ce sont les risques sociétaux qui justifient la solidarité nationale. Il faut donc les financer par l’impôt, la CSG et non par les cotisations du travail ».

Mais ce n’est encore pas assez! Après les déclarations provocatrices d’Emmanuel Macron visant le régime spécial des cheminots, le gouvernement vient de nommer Jean-Paul Delevoye au poste de haut-commissaire en charge de réformer les retraites. L’objectif est d’engager rapidement les discussions avec « les partenaires sociaux » pour aboutir à une loi-cadre dès le premier semestre 2018 fusionnant tous les régimes dans un système par points ou comptes notionnels qui mettra fin au système actuel « par répartition » et aboutira à réduire considérablement le montant des pensions.

Comment s’étonner dans ces conditions de la chute de popularité du chef de l’état, quatre mois seulement après son arrivée au pouvoir. La coupe est pleine et une colère sourde gronde inexorablement dans tout le pays. La politique du gouvernement est maintenant suspendue à un fil avec comme seul soutien celui du capital financier et de la commission européenne, qui exigent que le gouvernement poursuive son œuvre de destruction des acquis ouvriers.

Dans ce contexte, nous n’avons pas d’autre solution que d’organiser la résistance pour faire reculer le gouvernement. Le 4 septembre dernier, la Commission exécutive confédérale a adopté une résolution, rédigée par le camarade Jean-Claude Mailly, secrétaire général de notre confédération, condamnant le contenu des ordonnances Macron : «nombre d’éléments constituent aujourd’hui une régression sociale et sont en tant que tels inacceptables, ce qui explique notamment que dans les consultations officielles et obligatoires qui seront organisées, FO votera contre, et ce d’autant qu’à la lecture des textes d’autres éléments négatifs apparaissent».

Il est évident que notre confédération a toujours été partisane de la discussion et de la pratique contractuelle. Comme on l’écrit souvent, cela fait partie de son « ADN ». à ce titre, elle a participé aux concertations estivales, malgré le cadre extrêmement contraint que celles-ci représentaient. Car « concertation » ne veut pas dire « négociation ». Et nous n’avions aucune illusion sur le fait que les ordonnances s’inscriraient intégralement dans la continuité de la loi El Khomri et de toutes les lois antérieures – à commencer par les lois Auroux de 1982 – que nous avons toujours combattues… Force est de constater que sur ce point, malheureusement, nous n’avons pas été déçus. En effet, même si les négociateurs FO ont arraché sans doute quelques concessions, le contenu même des ordonnances implique qu’il ne peut y avoir d’autre issue que d’en revendiquer l’abandon. C’est ce que nous avons exprimé le 12 septembre dernier en manifestant à Nantes et à Saint-Nazaire.

Dans ces conditions, nous sommes confrontés à une vraie difficulté. Le gouvernement Macron/Philippe est ultra-minoritaire dans le pays. Un dernier sondage indique que la majorité des sondés, non seulement est opposée à la casse du code du travail, mais également à l’intégralité de sa politique générale. Nous pourrions mécaniquement en conclure que ce gouvernement est faible et qu’il ne tient que par le seul poids des institutions de la Ve République. Pour autant, nous savons que ce n’est pas par le seul levier des manifestations et des grèves saute-mouton que nous arriverons à le faire céder. Le rapport de force se situe nécessairement sur le terrain économique, donc celui de la grève. Dans le même temps, plusieurs décennies de politiques de désindustrialisation et de régressions sociales ont accentué le chômage de masse et la précarisation du travail dans ce pays. De ce fait, malgré la combativité de la classe ouvrière – comme le démontre la multiplication au quotidien des conflits dans nombre de secteurs, d’entreprises ou de services –, le mouvement, qui se cherche, de la généralisation de la grève est plus difficile à trouver. Et pourtant, c’est bien vers cela qu’il faut s’orienter. Pour l’instant, faute de mouvement généralisé, plusieurs journées de manifestations sont d’ores et déjà annoncées dans plusieurs secteurs. Les revendications des camarades sont bien entendu légitimes. à titre d’exemple, la journée des fonctionnaires du 10 octobre prochain risque d’être très suivie, compte tenu des coups assénés. Mais nous savons que les attaques portées par le gouvernement sont globales et qu’elles nécessitent une réponse interprofessionnelle pour gagner. Cela fera partie de la discussion de fond que mènera le Comité confédéral national des 28 et 29 septembre prochains.


(1) Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la confédération CGT, participait à ce groupe de travail en qualité de « personnalité qualifiée ». C’est sans doute sa grande compétence en matière de  « syndicalisme rassemblé » avec la CFDT, dont il est un partisan acharné, qui lui était alors reconnue…