InFOrmation syndicale

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08 décembre 2017

La parole à Jean Epiard, conseiller prudhomme FO depuis 1988

Interview parue dans INFONZ n°30
Nous avons rencontré Jean Epiard, conseiller prud’homal FO à St Nazaire dans la section Commerce, depuis décembre 1987. Son mandat se termine à la fin de l’année et ce sera le dernier.



Infonz : comment as-tu commencé ton activité de salarié ?
Jean : j’ai commencé en 1967 comme ouvrier agricole dans une ferme, à Marsac sur Don. En 1972 j’ai fait mon service militaire au cours duquel j’ai obtenu le permis de conduire transport en commun, ce qui m’a permis d’être ensuite embauché chez Drouin au Croisic, comme chauffeur de car.
Par la suite j’ai travaillé chez Migaud à la Turballe, à « la Brière » à Penhoët et pour terminer à Cariane en 1992 jusqu’en 2007 où j’ai signé un CFA (contrat de fin d’activité). Je suis retraité depuis 2013.

Infonz : tu es entré tôt dans le syndicalisme ...
Jean : c’est à « la Brière » en 1977 que j’ai été élu délégué du personnel. J’étais alors adhérent depuis 1974 à l’Union Régionale des Chauffeurs Professionnels de l’Ouest (URCP).
Cette organisation s’était dissociée de la FNCR (Fédération Nationale des Chauffeurs Routiers) une fédération de syndicats routiers créée en 1936 et qui avait des liens avec François de Saulieu, le créateur de la chaîne des restaurants les « Relais routiers ».

Infonz : comment es-tu venu à FO ?
Jean : nous avions un problème lorsqu’il s’agissait de défendre un conducteur à l’étranger, impossible à résoudre par l’UNCP seule. La défense des chauffeurs était assurée par des avocats à l’étranger. Seuls FO et la CFDT le permettaient, via leur appartenance à l’ITF (International Transports Fédérations).
Dans les années 80, l’UNCP a décidé d’intégrer Force Ouvrière. Le nom de notre Fédération FO-UNCP, vient d’ailleurs de là ... et je suis devenu Délégué Syndical FO à Cariane.

Infonz : mais aussi conseiller prud’homal ...
Jean : oui, en 1982 j’étais déjà deuxième sur la liste FO Commerce, avec Yvon Perot. Yvon est ensuite passé dans la section encadrement et en 1987 j’étais tête de liste et élu. J’ai prêté serment en janvier 1988 et suis donc devenu juge prud’hommal. J’ai été réélu quatre autres fois depuis. J’ai été durant deux ans président de la section et j’ai assuré plusieurs présidences d’audience ainsi que la composition de la formation de référé (procédure d’urgence).

Infonz : comment cela fonctionne-t-il ?
Jean : le conseil de prud'hommes est compétent pour des litiges entre employeurs et salariés de droit privé, liés à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail, entre autres.
Les décisions sont prises collégialement à partir des faits présentés. Nous décidons sur pièces et il arrive qu’un manque de preuves rende difficile un jugement en faveur du salarié. Ce peut être le cas par exemple dans des cas de harcèlement par un employeur.

Pour illustrer cela, je me souviens d’un cas qui m’a marqué il y a une quinzaine d’années. J’étais alors président de l’audience.
Cinq salariés d’une supérette, avaient déjà obtenu gain de cause devant le tribunal correctionnel, à l’encontre de leur patron qui avait été condamné par le tribunal correctionnel - confirmé par la Cour d’appel - à six mois d’emprisonnement avec sursis et 2000€ d’amende par salarié. Pour donner une idée de l’affaire, une des salariées avait été sérieusement blessé par le patron qui lui avait violemment projeté un chariot ! Ils réclamaient donc devant les prudhommes des dommages et intérêts. Ils étaient défendus par un avocat ... lequel est venu les mains dans les poches, sans dossier, sans même le jugement du tribunal correctionnel !
Sans éléments de preuve présentés, les salariés ont été déboutés de leur demande. Il a leur fallu aller en appel ... et changer d’avocat.

Un autre exemple : une jeune salariée était venue, seule, sans défenseur. Elle avait obtenu la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais, comme elle n’avait rien demandé en dommages et intérêts, elle n’a eu aucun dédommagement !

D’où la grande importance de la préparation des dossiers par le service juridique de notre UL.

Infonz : comment se passe les relations entre conseillers ?
Jean : entre conseillers salariés, je dirais qu’à 95 % les étiquettes syndicales s’effacent. Bien sûr il y a des affinités, nous nous sentons souvent plus proches de conseillers CGT que des conseillers CFDT ...
Avec les conseillers employeurs, il n’y a de liens de subordination comme dans une entreprise : nous discutons d’égal à égal, plutôt amicalement, bien que nous utilisions le vouvoiement pour marquer la distance.

J’ai vécu beaucoup de départages durant les 3⁄4 de mon mandat. Le départage est le recours à un juge professionnel du tribunal d’instance lorsqu’il y a partage de voix entre les conseillers salariés et employeurs. Depuis 4 à 5 ans c’est devenu moins fréquent, on s’écoute c’est plus cordial.

Mais j’ai l’impression que ça va changer ... Les prochains conseillers employeurs seront probablement plus « militants patronaux » avec des œillères ; c’est du moins mon sentiment.

Infonz : en lien avec le fait qu’il n’y aura plus d’élections des conseillers prudhommaux ?
Jean : sans doute. Car en application de l'ordonnance n°2016-388 du 31 mars 2016 ils seront désormais nommés - par le ministre de la Justice et le ministre du Travail - à partir de listes présentées par les organisations représentatives.
C’est une décision du gouvernement Hollande et une remise en cause de la démocratie selon moi.

Infonz : quel bilan tires-tu de toutes ces années de conseillers prud’homal ?
Jean : si c’était à refaire je recommencerai avec la même motivation. Ceci dit je suis inquiet pour l’avenir de cette juridiction, très utile et importante pour les salariés. Il faut en défendre l’existence, car les juges professionnels ne connaissent ni ne comprennent la situation dans les entreprises ....

Infonz : dernière audience bientôt ? et après ?
Jean : je préside une audience lundi, peut-être la dernière, à moins d’une procédure en urgence .... Après le 31 décembre c’est terminé pour moi.
Mais bien entendu je vais continuer à aider le service juridique de l’UL.
Je vais pouvoir consacrer plus de temps à ma famille. Et puis j’ai d’autres occupations, dans des associations (cibi, don du sang, aide à la recherche médicale/téléthon, crédit mutuel) ... le potager et les sorties en camping-car avec les amis qui ont la même passion.