Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail
À la Carsat des Pays de la Loire, comme dans beaucoup de Carsat, l’application de la réforme des retraites a provoqué un tsunami de nouvelles difficultés pour les salariés.
De par sa date d’application au 1er septembre 2023, du jamais vu puisque les réformes s’appliquaient généralement au 1er janvier, et l’arrivée des deux premiers décrets cet été ainsi qu'un outil mis à jour uniquement pour le report d’âge et le nombre de trimestres supplémentaires, il était évident qu’on allait « droit dans le mur » !
Un désarroi complet
Autant dire que cette impréparation chronique du gouvernement a laissé place à un imbroglio de situations laissant les salariés dans un désarroi complet. Et pourtant, grâce au professionnalisme de chacun, des services réglementations notamment, les salariés ont réussi à garder quelque peu la tête au-dessus de l’eau, en ayant des supports techniques locaux.
L’entraide entre collègues a permis de traiter les premières demandes de retraite mais il a fallu s’auto-former sans supervision des dossiers et souvent sans contrôle a posteriori.
Les délais de traitement des dossiers sont rallongés du fait de nouvelles procédures, de traçages de certains dossiers pour qu’ils soient repris ultérieurement et de l’appropriation de nouvelles connaissances en masse. Il est certain que le reporting va aussi créer dans les mois à venir une nouvelle charge de travail à gérer par les équipes, comme c’est déjà le cas avec le traitement des dossiers en liquidation provisoire ou validés par anticipation.
Ce 11 juillet 2023, le Conseil de la Carsat* se réunissait pour voter son Contrat Pluriannuel de Gestion de 2023 à 2027 (CPG) qui fait suite aux Convention d’Objectif et de Gestion (COG).Ces COG (une par branche de la Sécu, et ici celle de la Caisse Nationale Assurance Vieillesse, CNAV) ne sont que la déclinaison des dépenses que l’Etat « souhaite investir » dans la Sécu.On l’a peut-être oublié, mais la réforme Juppé/Notat de 1995 qui a notamment instauré ces COG a permis une nouvelle étape pour l’Etat tentant de s’approprier notre sécu, nos cotisations salariales, notre salaire différé. Et on sait ce qu’il en est : déremboursement des médicaments, et dernièrement des soins dentaires ; réforme des APL ; réforme des retraites… et exonérations à tout va : CICE pérennisé et des dispositifs de dégrèvement de cotisations pour les patrons jusqu’à des salaires atteignant parfois 3,5 fois le SMIC. Oui, les « déficits » de la Sécu, pour toutes les branches, ne sont pas tant des problèmes de dépenses trop fastes, mais au combien davantage des soucis de recette… que les gouvernements successifs enveniment et accélèrent (autour de 80 Milliards d’€ l’an dernier), chacun d’entre eux tentant de faire mieux que ses prédécesseurs. Pour autant, ne leur en déplaise, « la sécu reste à nous, on s’est battu pour la gagner et on se battra pour la garder ».Ainsi lors du vote de ce CPG en conseil de la CARSAT des Pays de la Loire, les personnels de cet organisme qui y ont 2 représentants (1 FO, l’autre CFDT) se sont exprimés à leur tour. Et au-delà de leurs revendications propres, ils ont pointé du doigt des sujets qui concernent tous les assurés (retraités… et futurs retraités). Extraits :« Ainsi, de 2023 à 2027, la Carsat Pays de Loire va perdre 19 ETPMA (Equivalent Temps Plein en Moyenne Annuelle) »« Nos agents ont le sentiment de ne plus pouvoir rendre un service de qualité aux assurés, car ils doivent choisir quel dossier sera prioritaire sur quel autre… »« à ce jour, ce sont plus de 18 000 dossiers qui sont à reprendre sur la seule Carsat des Pays de Loire, dont le montant est inférieur pour la plupart à ce que chacun (des assurés) devrait percevoir. Le devoir de la Carsat est aussi de verser à nos assurés le juste montant qui leur est dû. De la même façon, l’augmentation importante de l’objectif (celui avancé par ce nouveau CPG) concernant le nombre de rendez-vous à tenir de 23 865 en 2023 jusqu’à 53 033 en 2027, sans renfort des effectifs, présage une perte de qualité dans le conseil donné aux assurés. Cela va revenir à augmenter le nombre de rendez-vous téléphoniques et les réunions collectives, au détriment des rendez-vous physiques individuels, qui eux verront leur durée diminuer, alors qu’ils sont généralement les plus adaptés aux questions précises des assurés. »« La mise en place de la réforme des retraites, dans une temporalité très courte, va venir encore mettre à mal l’organisation des services, et les risques de blocages et de retards de paiements vont logiquement augmenter. »« Les élus Force Ouvrière du personnel, se réjouissent donc de la position de leur confédération ayant voté contre cette nouvelle COG, et regrettent la baisse des moyens cumulée à des objectifs de résultats utopiques et dangereux pour les salariés de la Sécurité Sociale et la qualité du service rendu aux assurés. Pour toutes ces raisons, les élus Force Ouvrière invitent les administrateurs à voter contre ces CPG. »A noter aussi, et ce n’est pas anodin, que ce CPG prévoit une économie de plus de 1,8 millions d’€ à son terme, dont plus d’1,7 sur la masse salariale.Par ces temps d’inflation galopante, les agents de la Carsat vont « être à la fête »… à n’en pas douter, même si elle ne le dit pas ouvertement, la Direction compte sur le déploiement de France Service après les fermetures de points d’accueil des Carsat depuis les COG/CPG successifs de ces dernières décennies. Or, France Service n’est assuré que par des agents qui ne sont pas formés. Ces derniers n’assurent de renseignements que très basiques, et sont totalement incapables de traiter les demandes auxquelles ils sont confrontés, et encore moins les dossiers Retraites.Pourtant, à ce jour, ce ne sont que 58 % des demandes de pension de réversion qui sont traitées dans les 3 mois ; les demandes d’ASPA (Allocation Spécifique aux Personnes Âgées) sont très régulièrement traitées au-delà des 4 mois… pour ne prendre que ces deux exemples. Comment dans ces conditions voter Pour ? Les administrateurs Force Ouvrière ont bien entendu voté Contre.Les employeurs (Medef, CGPME, U2P…) et les PQ (Personnes « Qualifiés »), ont, eux, voté pour. L’adoption de ce CPG est donc tristement confirmée.Décidément non, la bataille des Retraites n’est absolument pas terminée, et c’est dans toute l’organisation qu’il nous faut discuter d’une suite, et la prévoir la plus efficace, et si possible avec toute l’intersyndicale. Macron, Borne, Véran… n’ont-ils pas dit eux-mêmes « exprimez-vous, mais ne bloquez pas le pays »… ?
Fabien Milon, AdministrateurFO au Conseil de la Carsat PDL