Protection sociale - Article paru dans L'OS n°757
Le président de la Cour des comptes, affirme que le système de protection sociale serait « hors de contrôle ». Mais derrière les chiffres alarmants, se cache une réalité bien différente.
Le soi-disant déficit de 15,3 milliards pour 2024 n’est en grande partie qu’une dette de l’État imputée à la Sécurité sociale, révélant une manipulation des comptes pour justifier des économies drastiques.Selon Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes et ancien ministre de François Hollande sous le gouvernement Ayrault, la situation financière de notre système de protection sociale serait « hors de contrôle ».
Qu’en est-il exactement ?
Les premières prévisions pour l’année 2024 annonçaient un déficit de 18 milliards d’euros. Finalement, il s’élèverait à 15,3 milliards. Cette somme gigantesque au premier abord, et dont nous n’avons pas pour habitude de disposer, ne représente en réalité que 2,3 % du budget de la Sécurité sociale de 643 milliards d‘euros.
Mais en creusant, on s’aperçoit que ces 15,3 milliards ne relèvent pas du déficit.
Dans son rapport, la Cour des comptes est obligée de noter que 5,5 milliards de ce « déficit » correspondent à une dette que l’État a contracté auprès de la Sécurité sociale au titre de la compensation des exonérations de cotisations (1).
Il est également utile de rappeler que l’État a transféré en 2021 la dette Covid sur la Sécurité sociale et qu'il oblige cette dernière à rembourser la totalité des dépenses au titre du Covid, à raison de 18 milliards d’euros par an à la CADES (2). Or, là encore, il s’agit d’une dette de l’État.
Il n’existe donc pas de déficit de la Sécurité sociale en 2024.
Ce mensonge relayé par une propagande agressive vise à justifier les mesures que ce gouvernement entend prendre en juillet dans le cadre de la préparation de la loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2026). L’objectif du gouvernement est d’économiser 40 milliards dont 18 milliards sur le budget de la Sécurité sociale.
Parmi ses pistes :
- diminuer les remboursements des indemnités journalières ;
- imposer une franchise globale dépendant des ressources de l’assuré sur les dépenses remboursables ;
- s’en prendre aux affections de longue durée après s’en être pris aux transports sanitaires.
Claire Compain
(1) La loi oblige les employeurs à verser les cotisations sociales de leurs salariés. Toute décision d’exonération de cotisations – 78 milliards en 2023 par exemple – oblige l’État à en assurer la compensation auprès de la Sécurité sociale. C’est à ce titre qu’est affectée une partie de la TVA que nous payons. Mais tous les ans, l’État n’en rembourse qu’une partie. Pour 2024, ce sont 5,5 milliards d’euros qui manquent !
(2) La CADES - Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale – a été créée par l’ordonnance du 24 janvier 1996 et est financée par la CRDS – Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale – dont le taux fixé à 0,5 % est prélevé sur les salaires, les revenus des indépendants, les retraites et les autres revenus de remplacement. Cet organisme se finance en empruntant sur les marchés financiers, ce qui engendre le remboursement de plus de 2 milliards d’euros par an d’intérêts aux banques. Un détail.
Pour couronner le tout, en 2020, l’État a fait porter à la CADES une dette de 92 milliards liée au Covid que la Sécurité sociale a finalement été obligée de rembourser.
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- L'Ouest-Syndicaliste : https://www.fo44.org/p/louest-syndicaliste.html
