InFOrmation syndicale

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12 avril 2011

INTERVIEW: JULIO TURA, REPRESENTANT DE LA "CUT" (Central Única dos Trabalhadores) DU BRESIL

" Strauss-Khan, Lamy, Papandréou. Avec à la CSI de tels amis, qui aurait encore besoin d'ennemis ?"
Julio TURRA, qui représentait la CUT  (de loin la première organisation syndicale du Brésil) à notre récent congrès confédéral de Montpellier, a bien voulu accorder une interview à l'Ouest-Syndicaliste, puis l'actualiser au vu des derniers rebondissements du bras de fer désormais engagé entre la CUT et la nouvelle Présidente du pays, Dilma ROUSSEF, laquelle fait de l'austérité sa priorité sociale et politique.
L'Ouest Syndicaliste : Quel bilan la CUT tire-t'elle des "années Lula" ?
Julio Turra : Aux élections présidentielles de 2002, la plupart des militants et responsables de la CUT se sont engagés en faveur de la candidature de Lula, la CUT elle-même, sans appeler à voter pour lui, déclarant que des deux candidats en présence, il était celui dont le programme était le plus proche de nos intérêts.  
Une fois élu, Lula a formé un gouvernement, que je caractériserais, pour faire simple, comme étant sur le modèle "Front populaire" de Mitterrand en 1981.   
Au cours de ses deux mandats (2002-2010), il y a eu de fortes avancées salariales, plus particulièrement au bas de l'échelle: 56% d'augmentation du salaire minimum en 8 ans. 
Mais il y a eu aussi des revendications non satisfaites, et même des contre-réformes.
Ainsi Lula a fait passer en forcele plafonnement des retraites de la fonction publique.
Il a aussi et surtout renoncé à la réforme agraire qui s'imposait et continue de s'imposer : 3% des propriétaires fonciers possèdent 53% des terres cultivables. L'explication : la présence dans les gouvernements Lula des représentants de la grande propriété.
L'O.S. : Comment se présente aujourd'hui la situation?  
J. Turra : Comme pour Lula,la CUT a joué de fait un rôle déterminant dans l'élection à la Présidence de Dilma Rousseff. Mais en même temps elle a clairement annoncé que c'était sur la base de ses propres revendications qu'elle se battrait. Notamment : la poursuite de la revalorisation du salaire minimum, la réduction de 44 heures à 40 de la durée hebdomadaire du travail, la défense des services publics, la nationalisation du pétrole et la réforme agraire.
D. Rousseff vient de prendre fonctions le 1er janvier. Elle a aussitôt donné à comprendre que sa priorité n'était pas la satisfaction des revendications, mais la lutte contre l'inflation... par des mesures d'austérité.
Je n'exclus nullement, bien au contraire, des conflits majeurs avec le gouvernement dans les mois à venir. La CUT a fait sa première manifestation de "l'ère Rousseff" le 15 février dernier devant le siège du Parlement pour contraindre le gouvernement à porter le salaire minimum à 580 "reais" au lieu des 545 proposés.
Le gouvernement a fait le choix de rompre les négociations avec la CUT et les autres centrales. Il a fait voter au Congrès les 545 reais, en "disciplinant" les députés et sénateurs du Parti des Travailleurs et des autres partis de la coalition majoritaire.
C´est là un premier choc avec la CUT, dont la direction exécutive a critiqué publiquement le gouvernement. La CUT organise de plus aujourd'hui une campagne nationale sur d`autres points de sa plate-forme, en particulier pour la ratification par le Brésil de la convention 87 de l´OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical.
L'O.S. : C'est du Brésil que sont parties les grand-messes médiatisées des "Forums mondiaux". Ton jugement sur ces gesticulations ?
J. Turra : A l'intérieur de la CUT j'ai toujours été opposé à ce genre de spectacle de la "société civile". L´invention du Forum Social Mondial a été le fait de la Mairie de Porto Alegre, capitale de l´Etat du Rio Grande do Sul, dirigée à l'époque (2000) par un courant du Parti des Travailleurs aux liens politiques étroits avec les amis de Besancenot et avec des secteurs liés à l´Eglise catholique. L'objectif était, et reste, la dissolution des organisations syndicales dans la soupe des ONG, des églises, et des patrons "progressistes". Tous frères pour donner un visage humain à la "mondialisation"!
A mon avis, c'est là une opération niant les intérêts antagoniques à la base de la lutte des classes. En dernier ressort, c'est l'accompagnement par un vernis social participatif de la politique destructrice de l'impérialisme.
L'O.S. : Tu as participé à la Conférence Mondiale Ouverte d'Alger de novembre dernier.
Sidi Saïd, le secrétaire de l'UGTA, qui était à son initiative, y a dénoncé les pratiques de la CSI. Marc Blondel s'en est de même inquiété, démontrant la fumisterie de la notion de "travail décent"...
J. Turra : Blondel a raison. Le "travail décent" est un concept inventé pour obscurcir les enjeux de la lutte des classes, pour créer un consensus sur des choses incompatibles.
Malheureusement, la CSI galvaude ce concept et en fait même son cheval de bataille dans les institutions internationales, qu´elle pense influencer.
A cela à vrai dire, rien d'étonnant : au dernier congrès de la CSI, à Vancouver (Canada) en juin 2010, Dominique Strauss-Kahn du FMI, et Pascal Lamy de l´OMC, comptaient parmi les "VIP" invités d'honneur à la tribune. Ils ont délivré la bonne parole aux délégués, dont j'étais au titre de la CUT. Nous avons eu droit aussi à la vidéo-diffusion du message du "camarade" Papandréou, le premier ministre grec champion de l'austérité. Et le trio DSK-Lamy-Papandréou nous fut ainsi presque présenté comme celui des meilleurs "amis des travailleurs" de la planète !
Avec de tels "amis", qui aurait encore besoin d'ennemis ?
L'O.S. : Que pense le représentant de la CUT invité au 22ème congrès de la CGT-Force Ouvrière des débats auxquels il assiste ?
J. Turra : Je vois un congrès de militants très attachés aux libertés et à l'indépendance syndicales. Au cours de l'année précédente, l'attitude de FO sur le dossier des retraites avait été exemplaire. L'indépendance syndicale, c'était en effet d'avoir le courage d'exiger le "RETRAIT" du projet gouvernemental.
J'avais connu et apprécié Alexandre Hébert dans le cadre de l'Entente internationale des peuples. L'intervention de son fils Patrick au congrès FO de Montpellier se situe dans la droite ligne du souvenir que je garde d'Alexandre. Continuez sur cette voie, camarades.