Ni la course à l'abaissement du coût du travail, ni celle au démantèlement/privatisation des services publics ne sont choses nouvelles. Elles sont les deux volets d'une même politique, initiée à la fin des années 1970 par Reagan aux USA et Thatcher Outre-Manche, puis généralisée à l'ensemble de la planète.
Du "Tournant de la rigueur" (1982-83)...
La conversion de la France au reagano-thatchérisme date du "tournant de la rigueur" de 1982-83, dont Jacques Delors, alors ministre du Gouvernement Mauroy, fut le maître d'oeuvre. De cette période date la revanche des profits sur les salaires dans la redistribution de la valeur ajoutée, ainsi que dans la fonction publique le décrochage croissant de la valeur du point d'indice par rapport à l'inflation.
Manches retroussées pour la "rigueur", les ministres communistes du gouvernement Mauroy donnèrent les coups de pioche inauguratifs de la grande entreprise de démantèlement des services publics (réforme hospitalière de Ralite, LOTI de Charles Fiterman pour la SNCF).
Quelques années plus tard le ministre socialiste Paul Quilès tapait plus fort encore en sonnant le glas de l'unité des PTT, ouvrant ainsi la voie à la privatisation des Télécoms puis de la Poste.
Depuis maintenant 30 ans, cette politique n'a cessé (en France comme partout en Europe et dans les monde), d'être déclinée et aggravée avec zèle par tous les gouvernements, qu'ils soient de "droite", de "gauche" ou d'union nationale.
Avec l'explosion des dettes souveraines suite aux perfusions massives de fonds publics d'Etat dans le système bancaire planétaire en crise, nous sommes entrés dans une nouvelle phase d'hyper laminage du pouvoir d'achat et des services publics: les peuples sont sommés de passer à la caisse pour solder la casse dont les spéculateurs sont seuls responsables.
... A la RGPP
De là, la kyrielle des nouveaux marteaux-pilons inventés pour laminer la dépense publique et les prestations sociales : le "Pacte pour l'euro", et en France la RGPP, la Loi Hôpital Patients et Territoires, la "constitutionnalisation" projetée de l'austérité budgétaire. (Ce à quoi il faut encore ajouter de multiples mesures complémentaires parallèles, parfois sibyllines, mais allant toutes dans le même sens.)
Voilà pourquoi la spirale de l'austérité, amorcée en 1982-83 et brutalement accélérée par les nouveaux dispositifs de guerre sociale évoqués ci-dessus, s'est aujourd'hui transformée en cercle infernal meurtrier.
En l'espace de 30 ans, la valeur réelle du point d'indice des fonctionnaires se trouve ainsi avoir chuté de 48%.
Concernant la RGPP, dès 2009 FO avait pris date par une formule-choc, qui avait alors pu paraître abusive : "La RGPP tue".
Or il est aujourd'hui bel et bien avéré que la RGPP "tue" effectivement, et "tue" même à tous les sens du terme. Comme l'a déclaré Jean-Claude Mailly au cours de sa conférence de presse du 3 mai
dernier : "la RGPP brade les services publics au mépris des droits, voire de la vie des usagers".
Cela se vérifie dorénavant et se vérifiera hélas de plus en plus. Ainsi la fermeture de centres départementaux de météo a déjà eu sa première conséquence dramatique en 2010 dans le Var : elle a empêché de prévenir, à tout le moins de limiter, les conséquences d'un violent orage qui fit 24 morts.
Concernant la sécurité hospitalière, et pour nous en tenir au seul département de Loire-Atlantique, nous avons déjà évoqué, dans ces colonnes, les sonnettes d'alarme (en particulier pour les services d'urgence) de nos camarades du CHU de Nantes et du Centre Hospitalier de Saint-Nazaire.
Dès lors que tout est lié, c'est "l'interpro" qui doit créer le rapport de force
A juste raison, la Confédération fait donc de l'arrêt de la RGPP la revendication partageant la priorité avec celle de l'augmentation des salaires.
Mais comment gagner la partie lorsque les gangues budgétaires valent plus que les vies ?
Pour casser les résistances à la RGPP, le gouvernement joue la carte de l'émiettement géographique au jour le jour des conflits générés par les coupes claires dans les moyens alloués aux établissements. Ne pas céder aux revendications locales pour rester dans le strict cadre des enveloppes budgétaires, épuiser et isoler les hospitaliers, les policiers, les enseignants, etc. des villes où le torchon brûle, c'est sa stratégie... Et c'est de bonne guerre.
Pour prévenir ces risques d'isolement, nos camarades hospitaliers nazairiens avaient convaincu leurs homologues et les unions locales de syndicats de créer le rapport de force en portant au niveau de "l'interpro" la bataille pour le retrait du "Plan de retour à l'équilibre" de leur établissement.
Du coup un millier de nazairiens, hospitaliers, métallos, enseignants, retraités, etc. avaient exprimé cette exigence lors de la manifestation (assortie d'appels à la grève) devant la sous-préfecture le 7 avril dernier.
Un rapport de force avait ainsi été créé, qui contraignit la direction de l'hôpital à amorcer quelques concessions. Nos camarades proposèrent donc d'utiliser le tremplin du 7 avril pour frapper encore plus fort en intégrant cette fois les Unions départementales au mouvement.
Les autres organisations syndicales se sont défilées. Mais n'était-ce pas pourtant la seule voie efficace ? Peut-on condamner les conséquences locales de la RGPP et/ou de la loi Loi Hôpital Patients et Territoires sans exiger le retrait de ces deux dispositifs nationaux et sans mener le combat interprofessionnel s'imposant en conséquence ?
... A moins bien sûr que le choix non-dit soit celui de l'accompagnement des "réformes" imposées par l'euro-gouvernance ?
De même, concernant les salaires, est-il une autre solution que l'action commune public-privé sur des revendications claires, évoquée par notre camarade Bruno Cailleteau lors du conseil fédéral de la Fédération FO des Fonctionnaires des 10 et 11 mai derniers ?
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Extraits de l'intervention de Bruno Cailleteau au conseil fédéral de la FGF des 10 et 11 mai 2011
" Le gel du point d’indice se déroule dans un contexte d’augmentation générale des prix.(...) Face à cette situation, nos revendications salariales trouvent plus que jamais leur légitimité. Nos camarades du privé l’ont bien compris. (...) C’est pourquoi, et c’est en tout cas l’opinion de la section FGF FO de Loire-Atlantique et de notre Union départementale, il nous semblerait utile d’unifier cette revendication avec un mot d’ordre Public-Privé.
Mes Camarades, j’ai pris connaissance de certains slogans pour la campagne du mois d’octobre 2011, et notamment de celui-ci : « Avec FO, nous portons ensemble des revendications claires et fortes pour mieux assurer nos missions ». Alors oui mes camarades, si nous évoquons nos revendications salariales, et si nous voulons les faire aboutir, il faut effectivement qu’elles soient claires et fortes.
(...) Nous attendons de la FGF qu’elle exprime plus clairement les revendications salariales des syndiqués. Pourquoi la référence à un rattrapage de 10 % lié à une perte de rémunération à partir de 2000, soit sur les seules 10 dernières années ? Pourquoi ne pas prendre en considération la régression de 48% du point d’indice sur les 30 dernières années, et notamment depuis le tournant de la rigueur de 1982 ?
Pourquoi encore n’avoir pas repris la revendication exprimée dans le communiqué de presse de l’Union Interfédérale des Agents de la Fonction Publique (UIAFP) du 28 avril, où Force Ouvrière revendique 5% d’augmentation immédiate de la valeur du point dès 2011 ?
(...) Si nous voulons être efficaces dans la construction du rapport de force, il me semble impératif d’étendre et d’unifier la revendication salariale, pour que celle-ci s’adresse aussi bien aux agents de la Fonction publique qu’aux salariés du Privé : 5% d’augmentation de la valeur du point d’indice dès 2011, attribution de 44 points d’indice pour rattraper la perte du pouvoir d’achat, et augmentation générale des salaires dans le privé.
Pourquoi ne pas imaginer une mobilisation Public-Privé sur la question des salaires, à l’image de ce qui s’est passé le 15 juin 2010 pour les retraites ?
Dans le cadre de la bagarre sur les retraites nous avons exprimé des revendications claires en exigeant le retrait de la contre-réforme.
Eh bien, de nouveau, et au-delà des enjeux liés aux élections de mois d’octobre, ne nous laissons pas transformer en machine électorale, n’ayons pas peur d’exprimer clairement nos revendications, y compris si cela doit passer par une rupture avec les autres organisations syndicales, comme ce fut le cas pour la bagarre sur les retraites. (...)"