Ce succès tient à la pratique contractuelle du syndicalisme indépendant depuis la signature par FO, voilà maintenant 42 ans, en 1970, de l'historique "accord société" à Sud-Aviation (aujourd'hui Airbus), accord dont le "bouguenaisien" Yvon Rocton fut l'un des acteurs essentiels.
L'aéronautique est depuis des décennies un des secteurs les plus performants de la métallurgie. Par la négociation, et au besoin par l'appel des salariés à la mobilisation, FO a su obtenir des directions successives de l'aéro la contrepartie des succès industriels et commerciaux : des accords salariaux qui, d'année en année, renforcent le pouvoir d'achat et ont creusé l'écart avec la moyenne des rémunérations pratiquées dans la branche.
Mais le bas de la feuille de paye n'est pas tout. Il est lié à la préservation hexagonale de l'outil de production, à l'heure où la "mondialisation" aiguise les tentations "low cost" de la direction. D'où la vigilance de FO sur le triptyque externalisation/délocalisation/sous-traitance (ce dernier point étant très "sensible" localement).
D'où aussi la présence à l'AG, aux côtés de Frédéric Homez (secrétaire général de FO-Métaux), Jean-François Knepper (délégué syndical central FO à Airbus), Yvonnick Dreno (nouveau coordinateur FO pour EADS-France) et Patrice Pambouc (secrétaire de l'Union des Syndicats de la Métallurgie 44), des représentants FO des entreprises locales dont l'activité est directement liée à celle d'Airbus: nos camarades Laurent Pelloquin de chez Jallais, Nadia Pambouc de Idea-Services, ainsi que Claude Arnau et Bertrand Bauny des entreprises nazairiennes Aérolia et Daher.
On lira ci-dessous les interviews accordées à notre journal par Jean-François Knepper, délégué central FO-Airbus et Michel Pontoizeau, secrétaire de la section Airbus-Nantes. Nous avions également convenu avec Frédéric Homez d'une interview faisant le point sur la situation d'ensemble dans la métallurgie à la veille de la rentrée sociale de septembre. Les agendas "aoûtiens" de l'Ouest Syndicaliste et du secrétaire général de FO-Métaux ne l'ont pas permis. ... Partie remise donc à une prochaine occasion...
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Interview de Jean-François Knepper
L'Ouest Syndica-liste : 42 ans après « l'accord société » signé par FO à ce qui s'appelait alors Sud-Aviation, la pratique contractuelle de FO a été une nouvelle fois payante à Airbus au cours de l'année écoulée : si l'on met bout à bout tous les accords signés, le grain à moudre supplémentaire arraché par FO est supérieur aux 4,2% obtenus par vos camarades allemands d'Airbus...
J.F. Knepper : Cette année l’avenant salarial entérine une augmentation de la masse salariale de 3,5% chez Airbus, à laquelle on peut ajouter :
- le financement d’une partie des évolutions de classifications, hors politique salariale,
- le versement d’une prime de participation d’un montant moyen de 800 €,
- celui d’une prime d’intéressement d’un montant moyen de
1 310 €.
Si on met bout à bout les acquis de la politique contractuelle 2012 dans Airbus en France, on notera que nos accords supportent facilement la comparaison avec ceux obtenus par nos collègues allemands.
Et si l’on observe les effets sur le long terme de notre action, on constate qu’entre l’année 2000 date de la constitution d’EADS en société privée et l’année 2011, les salaires ont progressé dans Airbus France de 40,7%, dont 18,6% d’augmentations générales, quand l’inflation progressait dans le même temps de 20,3%.
Si ce résultat est le fruit de la négociation, il est aussi celui d’une action combative quand cela s’avère nécessaire, comme ce fut le cas chez Airbus en 2010.
En résumé, une politique contractuelle efficace nécessite d’être portée par des syndicats puissants et responsables, parce qu’au final, les patrons ont les syndicats qu’ils méritent et inversement !
L'O.S. : En annonçant la création d'une chaîne d'assemblage à Mobile aux USA, votre direction accentue et matérialise une politique d'externalisation que tu dénonçais justement dans l'interview que tu nous avais accordée l'année dernière lors de l'AG d'Airbus-Nantes 2011...
J.F. Knepper : Même avec la perspective de ventes d’avions aux USA, nous avons la conviction que cette stratégie est très risquée. D’abord parce qu’au contraire de ce qui s’était passé en Chine au moment de la décision d’y implanter une chaîne d’assemblage, aucune garantie de commandes n’est à ce jour actée en contrepartie aux USA. Ensuite, si les dirigeants actuels d’Airbus déclarent ne s’en tenir qu’à l’implantation d’une seule chaîne d’assemblage en Alabama, rien ne dit que leurs successeurs ne souhaiteront pas à l’avenir aller plus loin, pour installer à proximité de cette usine américaine des activités qui s’exécutent aujourd’hui en Europe. En dernier lieu, même la parité des monnaies, qui voit l’euro s’affaiblir face au dollar, ne justifie plus cette stratégie.
L'O.S. : Pourquoi FO a-t'elle désapprouvé le projet de création d'une banque EADS ?
J.F. Knepper : La presse économique s’est faite l’écho de cette perspective. Devant la situation inquiétante des plus importantes banques de la planète qui peinent à résister à la crise, nos dirigeants s’inquiètent en effet pour la trésorerie du Groupe EADS, qui s’établit aux alentours des 12 milliards d’euros. Par ailleurs de plus en plus de compagnies rencontrent des difficultés à emprunter pour financer leurs achats d’avions.
C’est donc cette logique qui conduit certains groupes industriels comme le nôtre, à créer leur propre banque. Nous, nous estimons que, comme souvent, ces stratégies qui partent de bons sentiments, finissent toujours par dériver.
Par conséquent pour FO, EADS et Airbus doivent rester uniquement des sociétés industrielles et de services. Faute de quoi on viendra bientôt nous expliquer que pour ne pas entamer les résultats financiers de nos activités bancaires, il faut se dispenser d’investir et de développer nos activités industrielles, donc nos compétences et nos emplois !
L'O.S. : A priori FO continue d'avoir le vent militant en poupe à Airbus....
J.F. Knepper : Oui, FO se porte bien dans Airbus ! Avec 6500 adhérents et 40% de voix aux élections, notre organisation syndicale y reste évidemment la première.
Par notre action réformiste et combative, nous continuons de progresser autant chez les ouvriers que chez les techniciens et les cadres. D’ailleurs la présence massive de nos adhérents et de nos militants à cette assemblée générale nantaise de notre syndicat, démontre par les faits cet élan et cette force.
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Interview de Michel Pontoizeau
L'Ouest Syndica-liste: Si FO au niveau national a négocié avec la direction des accords payants, votre syndicat peut aussi se prévaloir de résultats locaux tanglibles...
M. Pontoizeau : Nous avons notamment obtenu, pour le personnel d'Airbus-Nantes effectuant des heures supplémentaires le samedi, qu'il soit rémunéré, en plus de l'indemnité de 25% pour heures supplémentaires, de la majoration d'équipe de semaine, soit 25 ou 40% selon les cas.
Pour les collègues ayant travaillé les 1er ou 11 novembre, en plus de la majoration d'incommodité de 50%, FO a négocié une prime de 23 euros, auxquels s'ajoutent 17, 10 euros pour les repas.
Avec Jean François Knepper, qui est intervenu au plus haut niveau d'Airbus, on a arraché pour Bouguenais une centaine d'embauches, en plus des 150 initiales prévues par la direction. Ce sont majoritairement des compagnons issus de l'intérim qui en seront les bénéficiaires.
De plus, dès sa publication au Journal Officiel, nous demanderons que la nouvelle Convention collective départementale de la métallurgie, dont notre camarade Patrice Pambouc a été l'un des acteurs essentiels, soit mise en application dans notre établissement.
Je parlais à l'instant des intérimaires, qui grâce à l'action de FO, vont être embauchés par Airbus. Auparavant, en cas d'embauche après une mission d'intérim, la reprise d'ancienneté était au maximum de 3 mois. Eh bien, avec la nouvelle convention collective départementale, cette reprise d'ancienneté va passer de 3 à 18 mois, et tous les CDI conclus à partir du 1er janvier 2000 sont concernés. ça, c'est des résultats concrets !
L'OS : Si, répondant à votre revendication, la direction développe les embauches, vous êtes cependant amenés, de plus en plus, à contester le niveau hiérarchique auquel se trouvent recrutés nombre des nouveaux embauchés.
Il y a, dites vous, une sous-qualification par rapport au niveau d'études. Et, dénoncez vous, cela obère non seulement le déroulement de carrière des intéressés, mais aussi, par ricochet, celui des plus vieux embauchés pouvant prétendre à des promotions. Pourrais-tu nous éclairer sur ce point ?
M. Pontoizeau : Un exemple. En mai dernier, sur 114 embauchés, 30 avaient le niveau de cadre ou ingénieur. Mais nombre de ces derniers se retrouvent en fait occuper des fonctions de technicien ou technicien supérieur. Un ingénieur qui arrive dans l'établissement se voit souvent propulsé chef d'équipe pour quelques mois.
C'est démotivant pour les ingénieurs, qui ont été formés pour des emplois d'une qualification supérieure. Mais cela bloque aussi par contre-coup les perspectives de carrière des techniciens ou chefs d'équipe visant des postes occupés par des ingénieurs. Et si cette politique de sous-qualification à l'embauche perdure, du haut en bas de la hiérarchie, c'est l'ascenseur de la promotion professionnelle qui va gripper. Mais à FO on a la gnaque, et en soudant les salariés, du compagnon à l'ingénieur, et les anciens comme les nouveaux embauchés, on va faire pression sur la direction pour redresser les choses.
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L'Ouest-Syndicaliste : http://www.fo44.org/p/louest-syndicaliste.html