Au Portugal, en Espagne ou en Grèce... le prétendu assouplissement des objectifs de réduction des déficits va de pair avec l’austérité.
«Déficit: l’Europe donne de l’air au Portugal», titrait le quotidien Les Échos du 12 septembre. Le 10 juillet déjà, l’Espagne avait obtenu un «assouplissement de ses objectifs de réduction du déficit». Faut-il espérer moins d’austérité pour autant?
Le 11 septembre, le Portugal a obtenu de ses créanciers –l’Union européenne, la BCE et le FMI– un délai pour redresser ses comptes publics. Mais quand la troïka concède un sursis, elle le fait payer cher. Certes, le déficit public du Portugal pourra atteindre 4,5% du PIB en 2013, au lieu des 3% prévus, et le pays disposera donc d’une année de plus, jusqu’en 2014, pour ramener son déficit à 2,5% du PIB, soit en deçà des 3% du PIB, comme l’exigent les traités européens. Mais en échange, le Portugal devra redoubler d’efforts pour atteindre ces nouveaux objectifs. Cinq jours avant cette annonce de la troïka, le Premier ministre portugais avait déjà annoncé une augmentation de 7% des cotisations salariales, qui passeront de 11% à 18%, ce qui équivaut à la perte d’un mois de salaire, et la baisse simultanée de celles des entreprises.
L’Espagne a elle aussi obtenu, le 10 juillet dernier, un délai d’un an pour réduire son déficit à 2,8%. Le lendemain, le gouvernement espagnol annonçait la diminution des allocations chômage et la suppression de la prime de Noël des fonctionnaires (l’équivalent d’un mois de salaire).
53,8% DES JEUNES GRECS ET 52,9% DES JEUNES ESPAGNOLS AU CHÔMAGE
Deux mois plus tard, l’Espagne est au bord de s’endetter un peu plus en faisant appel au Mécanisme européen de stabilité (MES), ce qui ne pourra qu’entraîner de nouvelles mesures d’austérité.
De son côté, la Grèce tente d’obtenir elle aussi un délai supplémentaire pour atteindre son objectif d’ajustement budgétaire, alors que le versement des prochaines tranches de son prêt reste gelé depuis juin. La troïka juge les nouvelles coupes prévues dans les retraites, les prestations sociales et les salaires encore insuffisantes. «Les résistances des Grecs ont atteint leurs limites, cela signifie qu’il faut une relance le plus vite possible», a plaidé le Premier ministre Antonis Samaras. De l’aveu même du gouvernement grec, le niveau de vie de la population a chuté de 35%. Selon Eurostat, l’office officiel des statistiques de l’Union européenne, les coûts unitaires du travail (ce qu’un employeur, entreprise ou administration paye en coûts salariaux pour une heure de travail) ont chuté de 11,5% au premier trimestre 2012 par rapport au même trimestre de 2011. Le taux de chômage des jeunes Grecs s’élève à 53,8%, selon la Commission européenne.
En Espagne, il atteint 52,9%. Au Portugal, la demande intérieure a reculé de 3,3% en un an, indique l’Institut national des statistiques. Partout la récession s’accélère et les sursis octroyés par la troïka n’y changent rien. Ils ne suffisent pas non plus à calmer le mécontentement des populations. Le 15 septembre, des centaines de milliers de travailleurs, de retraités, de jeunes et de chômeurs ont manifesté spontanément à Lisbonne et à Madrid à l’appel des organisations syndicales. À Athènes, au vu de la multiplication des grèves et des manifestations sectorielles, la GSEE pour le secteur privé et la fédération des fonctionnaires ADEDY ont appelé à une nouvelle grève générale de vingt-quatre heures le 26 septembre...
Face à l’ampleur de la contestation, le gouvernement portugais a renoncé, dans la nuit du 21 au 22 septembre, à imposer l’augmentation des cotisations des salariés et la diminution de celles des employeurs. Réuni pendant plus de huit heures, le Conseil d’État, convoqué en urgence par le président portugais Anibal Cavaco Silva, a fait part de «la disponibilité du gouvernement pour étudier des alternatives aux dernières mesures d’austérité». En Grèce, la troïka a annoncé, le 21 septembre, une pause d’une semaine dans les négociations avec le gouvernement grec sur les nouvelles mesures d’austérité, tout en assurant que «cette pause n’est pas le signe de problèmes»...
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Article paru dans FO Hebdo n°3044