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18 octobre 2012

Édito: LE VILLAGE POTEMKINE


C’est fait ! Le Parlement, «droite-gauche» réunies, a adopté le TSCG (Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance). Il est probable que de nombreux députés et sénateurs, au fond d’eux-mêmes, n’approuvent pas ce traité, et plus largement la politique imposée par la Troïka. Et pourtant, ils ont voté pour !

Mettons de côté les problèmes de conscience que peuvent éventuellement provoquer de tels comportements à caractère schizophrène. Ces élus ont été conduits à voter contre leur propre conviction, parce qu’ils sont convaincus qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Nous sommes au cœur du problème. Dans les années 1960, les députés gaullistes se qualifiaient eux-mêmes de «parti Godillot». Ils voulaient ainsi exprimer leur soutien indéfectible à la personne du Général De Gaulle et à sa politique. C’est la logique bonapartiste des institutions de la Vème république.

Mais aujourd’hui, cette discipline des votes et des consciences ne s’exerce plus à l’égard d’un homme, ce qui est déjà fort discutable, mais envers des institutions internationales regroupées dans la Troïka, qui sont aujourd’hui parvenues à imposer leur politique, et à enrégimenter y compris la pensée.

Cette politique, chaque jour le confirme, conduit à la catastrophe. Le taux officiel de chômage en Grèce vient de passer la barre des 25%. Les cures d’austérité infligées au peuple grec, de véritables purges, n’ont rien réglé. Bien au contraire, le taux d’endettement est resté à l’identique, et le pays s’est considérablement appauvri. La situation est comparable en Espagne, au Portugal, en Italie … Beaucoup, parmi ceux-là mêmes qui appliquent cette politique, sont conscients de son caractère absurde. Et pourtant, ils continuent à la mettre en oeuvre. Ils ne veulent pas, ils ne peuvent pas, le plus souvent ils n’osent pas sortir de la nasse.

En France, Claude Bartolone, Président de l’Assemblée nationale, quelques jours après l’adoption du TSCG, déclare qu’il est inapplicable… Et pourtant, il l’a voté !!!

Un ministre déclare que, pour sauver des emplois, il est conduit à prendre des mesures contraires à la fameuse règle du traité de Maastricht (concurrence libre et non faussée). Il contourne, il ruse, il maquille pour ne pas se faire taper sur les doigts par les «commissaires» de Bruxelles et les «hommes en noir» de la Troïka. C’est la méthode du «village Potemkine»(1) nous dit le ministre !!!

C’est extraordinaire, mais aussi effrayant et attristant. Un ministre de la République, pour tenter de sauver des entreprises et des emplois, est contraint de traficoter comme un petit combinard de seconde zone.

Certes, c’est pour «la bonne cause», mais que c’est pitoyable ! Ils sont dans la nasse, prisonniers. Le carcan les étouffe, mais ils n’osent pas s’en libérer. Alors, de temps en temps, ils tentent de desserrer l’étreinte. «Un moment encore, rien qu’un moment, Monsieur le bourreau», aurait dit la comtesse Du Barry avant son exécution.

Nous sommes dans cette étrange situation : le gouvernement continue à appliquer la politique assassine de la Troïka, tout en sachant qu’elle conduit au pire. Alors, parce qu’il est prisonnier de cette véritable dictature, qu’il se refuse à en sortir, il tente de gagner un peu de temps, un peu d’air. Mais à chaque fois, c’est reculer pour mieux sauter !

Comment qualifier un système, un régime dans lequel il n’est pas tenu compte de la volonté du peuple ? Comment qualifier un régime dans lequel, même le gouvernement a perdu sa liberté d’agir ?

Ces questions sont fondamentales, car c’est la démocratie qui est en cause; et défendre la démocratie, c’est aussi défendre la liberté. On ne fait pas une bonne politique avec des bons sentiments, mais avec des actes.

La Troïka nous conduit à notre perte. Cette évidence saute aux yeux, même à ceux qui ne veulent rien voir. Alors rien ne sert de tricher avec les réalités.

«Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques» (Jean Jaurès – Discours à la jeunesse. 1903).

La vérité, c’est que la classe ouvrière n’acceptera pas longtemps de subir la politique de rigueur et les charrettes de licenciements en préparation.

A propos de Potemkine, n'oublions pas que le même ministre qui avait donné son nom au "village Potemkine", le donna également à un cuirassé : celui-là même où éclata, le 14 juin 1905, la célèbre mutinerie qui allait devenir l'un des événements marquants de la Révolution russe de 1905, et allait être considérée par la suite par les historiens comme un signe avant-coureur des mutineries des "poilus" de 1917 et aussi de la vague révolutionnaire qui suivit dans toute l'Europe la (seconde) révolution russe, survenue elle aussi en 1917 !

Alors, du "village" au "cuirassé"... d'aucuns, en 2012, feraient bien de retenir la leçon. Et aussi méditer sur cette phrase de La Boétie, qui dans son discours de la servitude volontaire, écrivait : "soyez donc résolus à ne plus servir, et vous serez libres".

Mais loin des enseignements de l'Histoire, le gouvernement tergiverse. Il va au secours des entreprises en difficulté pour, en bout de course, avouer son impuissance. Il se résigne à subir "la loi du mensonge triomphant qui passe".

Pour notre part, nous disons qu’il faut faire sauter les carcans qui nous emprisonnent depuis le Traité de Maastricht. Il faut sortir de la nasse.

Notre Confédération, à l’occasion de son dernier Comité Confédéral National, a défini une orientation qui est claire. Nous condamnons et nous combattons le TSCG. Nous n’acceptons pas la dictature de la Troïka, relayée par le gouvernement, qui prétend détruire toutes nos conquêtes sociales (en particulier celles issues du Conseil national de la Résistance, dont la Sécurité Sociale).

Pour défendre les intérêts de la classe ouvrière, nous prendrons nos responsabilités, y compris, quand les conditions seront réunies, en appelant à la grève interprofessionnelle.


(1)"Village Potemkine" : désigne un trompe l’œil. Lors de la visite de Catherine II de Russie en Crimée, le Ministre Potemkine avait érigé des façades luxueuses en carton-pâte pour cacher la misère de certains villages.