Éditorial de Jean-Claude Mailly
L’affaire dite «Cahuzac» conduit à mettre en lumière les questions de fraude fiscale et de paradis fiscaux d’une manière générale. Des sommes importantes sont citées. Ainsi, on estime à 50/60 milliards d’euros annuels ce qui échappe au budget en France. Soit l’équivalent de la réduction des dépenses publiques annoncée pour cinq ans par le gouvernement!
Le chiffre de 1.000 milliards d’euros est évoqué pour l’évasion fiscale dans la zone euro.
Force est de constater –et personne ne le nie– que ces paradis fiscaux existent toujours et qu’en profitent des entreprises, des banques et des particuliers fortunés, toutes celles et ceux qui appellent à la réduction des dépenses publiques et à la rigueur/austérité!
Ces paradis fiscaux ne sont pas uniquement situés sur des îles exotiques. Il s’agit aussi d’un État des États-Unis (le Delaware), du Luxembourg, de la Suisse, de Jersey, Guernesey, etc. Ces trous noirs de la fiscalité sont donc aussi au cœur de la zone euro.
Y mettre fin est donc une urgence qui appelle une détermination sans faille aux niveaux international, européen et national. Et ce n’est pas gagné, compte tenu de la pratique de dumping fiscal inhérente au capitalisme financier et libéral.
C’est la logique d’un système qui est en cause, logique qui s’est développée dans les années 1980 avec son cortège de libéralisation, de privatisation, de déréglementation et qui a conduit à l’éclatement de la crise en 2007.
Les marchés financiers ont dicté la conduite des gouvernements. Ces derniers ont même renfloué à coups de milliers de milliards les banques et établissements financiers, conduisant à une augmentation importante des dettes publiques. Dettes qu’il faudrait réduire aujourd’hui en imposant à tous l’austérité!
Il est donc urgent de casser ce cercle vicieux en délibéralisant et en réglementant.
Le fait que quelques ministres mettent publiquement en cause l’austérité est un élément intéressant même si, pour autant, le président et le Premier ministre confirment la politique économique actuellement suivie...
Le social-libéralisme a la vie dure. Les débats sur les allocations familiales en sont une illustration. L’objectif n’est pas de s’interroger sur la nature des allocations (politique de sécurité sociale ou politique publique), mais bien de faire 2 milliards d’économie, ce qui conduirait à pénaliser ceux que d’aucuns appellent les classes moyennes.
Quand la politique monétaire relève d’une Banque centrale indépendante, quand la politique budgétaire s’inscrit dans un pacte budgétaire contraignant sur le plan européen, le social au sens large devient la principale variable d’ajustement. D’où la réduction des dépenses publiques et sociales, la flexibilité accrue, la pression sur les salaires.
C’est aussi pourquoi le 9 avril nous avons réaffirmé notre opposition au projet de loi dit de sécurisation de l’emploi.
Le patronat n’a pas tort de dire que ce projet n’a fait que grignoter l’ANI du 11 janvier. Mais cela signifie que les députés n’ont pas une grande faim sociale.
Nous continuerons donc à dénoncer la flexibilité sociale qui accompagne la rigidité économique. En toute liberté et avec détermination.