InFOrmation syndicale

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29 avril 2013

LES POISSONS ROSES


Dans la nuit du samedi 20 au dimanche 21 avril, à la sauvette et par une courte majorité, le Sénat a voté la transposition de "l’ANI" signé par le patronat, la CFDT, la CFTC, et la CFE-CGC.
Le gouvernement, qui bavasse sur «le dialogue social», a utilisé la technique bonapartiste du «vote bloqué» pour imposer sa volonté … mais aussi pour se garder de tout risque de modification du texte, comme il s'y était engagé auprès des signataires, devenus de ce fait co-législateurs. Ainsi, le gouvernement confirme sa conception corporatiste de l'Etat.


Il faut noter que ce texte n’est finalement passé que grâce à l’abstention des écologistes et de l’UMP. On peut imaginer que tous ces «braves gens», en réalité, complices de ce mauvais coup porté aux salariés, avaient «en loucedé» fait leurs calculs.

Autre fait marquant, les sénateurs centristes, c'est-à-dire la démocratie chrétienne, se sont associés aux sénateurs socialistes pour obtenir cette petite majorité.
Il est possible bien sûr qu’il ne s’agisse là que d’une coalition de circonstance. Mais on peut aussi imaginer que ce rapprochement obéit à des considérations bien plus fondamentales. Nous savons qu’il existe une très grande proximité idéologique, philosophique, et parfois même théologique, entre la démocratie chrétienne et de nombreux responsables socialistes.
François Hollande, lui-même co-fondateur du club «Témoin» se rattache à ce courant de pensée. A l’origine, ce club était un regroupement autour de Jacques Delors. Pour le fonder, ils étaient douze, douze apôtres.
Il y avait entre autres : Jean-Yves Le Drian - actuellement Ministre -, Pascal Lamy - directeur de l’OMC (Organisation mondiale du commerce, centre de la déréglementation internationale), Jean-Pierre Jouyet - président de la BPI (Banque Publique d’Investissement) et aussi membre du Comité de parrainage du collège des Bernardins, qui abrite l’Académie catholique de France et du club «Le siècle » (1), et bien sûr l’inévitable Ségolène Royal ainsi que Martine Aubry, fille de Jacques Delors. La boucle étant ainsi bouclée.
Autre curiosité : au hasard de la lecture d’une revue bien pensante, nous découvrons un Philippe de Roux, fondateur et délégué général des «Poissons roses». Il écrit : «nous avançons aussi avec d’autres sur la création d’un mouvement personnaliste à gauche, avec un grand rendez-vous prévu le 9 avril au Parlement».
Le personnalisme est un courant philosophique catholique, fondé par Emmanuel Mounier autour de la revue «Esprit» au cours des années noires, à partir de 1930. Ce mouvement a eu quelques accointances avec le régime corporatiste du Maréchal Pétain.
Mounier a, entre autres, soutenu l’Ecole d’Uriage qui avait pour ambition la formation des cadres du régime de Vichy.
Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal «Le Monde» en 1944, fut "directeur des études" à l'Ecole d'Uriage.
«Poissons roses» ne nageant pas en surface, il est d’ailleurs probable qu’ils aient choisi cette appellation originale en référence aux premiers chrétiens, qui avaient adopté le symbole du poisson comme signe de ralliement (2).
Tous ces mystérieux rapprochements, que ce soit en eaux troubles, ou plus officiellement comme à l’occasion du vote de l’ANI au Sénat, ne sont certainement pas le fruit du hasard.

D’ailleurs, il est tout aussi remarquable que de la CFDT, la CFTC et l’UNSA aient décidé de manifester ensemble le Premier mai pour défendre l’ANI.
L’UNSA soutient le gouvernement : quoi de plus normal puisqu'elle-même n’est qu’une créature du Parti Socialiste?
Mais que la CFDT et la CFTC se retrouvent ensemble le Premier mai, voilà qui est nouveau !
Depuis leur scission en 1964, ces deux organisations issues de la même matrice, se comportaient le plus souvent comme des sœurs ennemies.
Toutes deux puisent leurs références dans la doctrine sociale de l’Eglise. Leurs principaux dirigeants ont été formés par les jeunesses chrétiennes. Laurent Berger, le nouveau secrétaire général de la CFDT, a, auparavant, pendant trois ans, été secrétaire général de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne).

Il y a donc des raisons objectives au rapprochement CFTC-CFDT. Mais après 50 ans de querelles de famille, pourquoi maintenant ?
Sans doute faut-il voir là une réponse du Berger à la bergère : en effet, pour la première fois depuis la scission de 1947, notre confédération a signé avec la CGT un appel à manifester le 5 mars contre l’ANI, puis, sous la forme d’appels convergents et simultanés, le 9 avril.
Nous avons pris cette initiative parce que la classe ouvrière est confrontée à une attaque sans précédent.
Profondément attachés à notre indépendance, nous savons que l’action commune est nécessaire pour gagner et obtenir satisfaction à nos revendications.
Nous avons toujours combattu le concept de «syndicalisme rassemblé», cher à certains dirigeants de la CGT. En effet, c’est cet inter-syndicalisme permanent, sans principe ni objectif revendicatif clair, qui a, entre autres, conduit à la défaite à l’occasion de la dernière bataille sur les retraites en 2010.
Sans aucun doute, de grands combats sont devant nous. La Troïka en France, comme en Espagne, en Italie ou en Grèce, impose sa politique d’austérité. Le gouvernement prétend allonger à nouveau la durée de cotisations afin d’obtenir une retraite à taux plein. Très hypocrite, il déclare ne pas vouloir changer l’âge légal de départ … Laurent Berger a déjà déclaré que ce projet du gouvernement était «insuffisant» …
Il est certain que chacun se prépare aux affrontements à venir. D’un certain point de vue, c’est d’ailleurs assez inquiétant, même si nous savons que la peur du danger n’évite pas le danger.
Alors, il faut, nous aussi, nous préparer et fourbir nos armes. Le concept unicitaire de syndicalisme rassemblé a du plomb dans l’aile. Il faut maintenant lever toute ambiguïté en lui opposant l’action commune sur une base de classe commune.

Le Premier mai, conformément à nos traditions, nous réaffirmerons nos revendications en réunissant les militants de notre organisation. Nous irons aussi apporter le salut de notre Union Départementale au rassemblement organisé par la CGT, la FSU et Solidaires. Nous dirons clairement : «Il n’y a pas de place pour les tergiversations. Un axe moyen-âgeux et réactionnaire est constitué autour de la CFDT, la CFTC et l’UNSA». C'est pourquoi, chacun restant lui-même, il faut plus que jamais, renforcer par l’action commune l’axe de la résistance.


(1) Le club «Le siècle» regroupe du «beau linge». Organisé sur un mode extrêmement strict, et très discret, il est actuellement présidé par Nicole Notat, qui a pris la suite de Denis Kessler - ancien vice-président du MEDEF. 
En sont également membres : Jean-Christophe Le Duigou - ancien dirigeant de la CGT, Laurence Parisot – Présidente du MEDEF-, et Ernest-Antoine Seillières- ancien président du MEDEF.
(2) Poisson, "Ichtus" en grec ancien, est un acrostiche de «Jésus Christ, fils de Dieu, Sauveur»