Le jeune syndicat AMCU déclare représenter dorénavant 70% des mineurs salariés du groupe Lonmin.
Les bidonvilles sont toujours là. La pauvreté frappe toujours 62% des familles noires. Près d’un tiers de la population dépend toujours de l’aide sociale faute de salaires décents. Les multinationales continuent leur pillage. Et comme chaque année, la saison des grèves a commencé en Afrique du Sud. Mais avec une vigueur particulière. Peut-être parce que, malgré tout, plus rien n’est tout à fait pareil depuis la grève de Marikana, il y a tout juste un an...
Dans cette ville du nord du pays, le 16 août 2012, trente-quatre mineurs du groupe Lonmin sont tombés sous les balles des policiers. Cette répression, la plus sanglante que le pays ait connu depuis la fin de l’apartheid, n’a pas empêché les milliers de mineurs en grève d’arracher, quelques semaines plus tard, une victoire sans précédent dans le pays avec des augmentations de salaires de 11% à 22%. Au cours des six semaines de conflit, alors que la grève s’étendait aux autres groupes miniers, les mineurs de Marikana ont déserté en masse le syndicat majoritaire NUM, affilié à la centrale COSATU, liée à l’ANC, le parti de Nelson Mandela, au pouvoir, qui avait condamné leur grève, qualifiant leurs revendications d’«exagérées», et rejoint le tout jeune syndicat AMCU, indépendant, minoritaire et par conséquent illégal.
120 000 adhérents au niveau national
Un an plus tard, la tension dans les mines reste extrême. Les mineurs se battent toujours pour leurs salaires et pour leurs emplois, la plupart des groupes miniers ayant annoncé d’importants plans de restructuration. À Marikana, la commission d’enquête chargée de faire la lumière sur le massacre de l’an passé s’enlise et aucun policier n’a été inquiété. Les affrontements, parfois meurtriers, entre des partisans des deux syndicats n’ont pas cessé.
Mais le 14 août dernier, la direction du groupe Lonmin a dû finir par reconnaître l’AMCU comme syndicat majoritaire. Grain de sable il y a un an, l’AMCU représente aujourd’hui 70% des 27.000 mineurs de Lonmin. Au niveau national, il regroupe environ 120.000 adhérents, contre 270.000 pour le NUM, et commence à s’implanter et à se développer dans d’autres secteurs. Et si le NUM refuse d’admettre formellement cette nouvelle donne et a saisi la justice pour contester la légalité de l’AMCU, il n’en est pas moins contraint d’en tenir compte. Ainsi, lorsque les employeurs des mines d’or ont proposé 6,5% d’augmentation des salaires alors que les mineurs revendiquent 60%, le porte-parole du NUM, Lesiba Seshoka, a déclaré: «Nous rejetons la proposition patronale avec le mépris qu’elle mérite. Nous estimons qu’il s’agit d’une insulte grave pour les travailleurs pauvres.»
À l’heure où des dizaines de milliers de travailleurs sont en grève dans l’industrie automobile, le bâtiment et les travaux publics, le secteur aérien, et où des dizaines de milliers d’autres ouvriers, du secteur textile notamment, s’apprêtent à les rejoindre, l’enjeu dépasse très largement le secteur minier. Karl Cloete, vice-Secrétaire général du NUMSA, a ainsi récemment résumé les choses sur la radio RFI: «Il y a un désaccord sur le fait de se montrer plus critique envers le gouvernement ANC et sur la manière de traiter la question ouvrière, même si la classe ouvrière a bénéficié de maisons, d’un meilleur accès à l’électricité, à l’eau et aux sanitaires. Mais en des termes crus, le plus gros bénéficiaire de notre lutte pour la liberté politique a été le capital, et particulièrement les sociétés monopolistiques blanches.»
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Article paru dans FO Hebdo 3084