par Michel Le Roc'h
L'annonce surprise de la vente des activités « énergie » d'Alstom à l'américain General Electric, d'une contre-offre possible de l'allemand Siemens, et maintenant du japonais Toshiba, a fait l'effet d'une bombe.
Après le démantèlement de plusieurs secteurs de l'industrie ces dernières années, une telle vente aurait des conséquences catastrophiques pour l'industrie française et sur les emplois. Rappelons simplement, qu'entre 2008 et 2011, Jeff Immelt PDG de General Electric, a fermé 31 usines aux Etats-Unis, laissant 19.000 personnes sur le carreau. Cette "performance" lui vaut aujourd'hui une rémunération de plus de 20 millions de dollars par an. Barack Obama l'a même nommé à la tête du Comité consultatif sur l'économie pour bons et loyaux services rendus au pays.Depuis plusieurs années maintenant, les principaux moyens de production font donc l'objet dans notre pays d'une vente à la découpe au profit des grands groupes financiers, en particulier ceux liés aux intérêts américains. En effet, ceux-ci trouvent en France un marché des plus sûrs, pour placer les centaines de milliards de dollars accumulés depuis quelques années avec un «taux de marge» intéressant. Et de ce point de vue, la marche forcée à la déréglementation et à l'abaissement du coût du travail dans notre pays y contribue.
Arnaud Montebourg a beau se défendre et jurer, main sur le cœur, son attachement aux intérêts industriels de la nation, le gouvernement est engagé dans une politique de soumission aux intérêts du capital financier et n’a nullement l'intention de faire «machine arrière», bien au contraire.
Arnaud Montebourg a ainsi balayé, d'un revers de main, la proposition faite par nos camarades d'Alstom, d'une «intervention de l'Etat, sous forme d'une entrée dans le capital, dans le but d'éviter le démantèlement du groupe, de garantir le maintien de tous les sites industriels, de toutes ses activités et de tous les emplois». Et il vante aujourd'hui le «modèle social» allemand pour justifier son soutien à Siemens !
Le «modèle social» allemand, c'est celui que les gouvernements successifs veulent nous imposer depuis plusieurs années : les «p'tits boulots», la déréglementation pour faciliter les licenciements, le rationnement des soins, le démantèlement de la sécurité sociale et des retraites, la suppression des emplois publics, etc.
Le «modèle social» allemand, c'est celui de l'Union Européenne et de la Troïka.
Cette politique trouve en France sa traduction dans le «programme de stabilité budgétaire», qui prévoit 50 milliards d’euros d’économies d’ici à 2017, et dans celui du "pacte de responsabilité" de 30 milliards d'euros d'allégement du coût du travail. Notons à ce sujet que François Hollande et Manuel Valls, qui veulent aller vite et plus loin, ont également octroyé 11 milliards d'exonérations fiscales supplémentaires aux employeurs : 6 milliards concernent la suppression de la contribution sociale de solidarité des entreprises, et 5 milliards l'abaissement du taux de l'impôt sur les bénéfices.
Dans ce contexte, il n'y a plus d'autre alternative que de bloquer le pays par la grève. Oui, la grève est à l'ordre du jour, seul moyen de sauver l'industrie et tous les acquis de la classe ouvrière.
L'Histoire nous l'a enseigné : la classe ouvrière a déjà démontré sa capacité à se mobiliser ; elle est même capable de supporter les plus grands sacrifices dès lors que les conditions du succès sont réunies.
Mais elle n'est pas prête à s'engager dans une voie sans issue, sans objectifs clairement définis. Elle veut savoir qui est l'ami et qui est l'ennemi. Elle a à l'esprit les «journées d'action» à répétition sans bases revendicatives, organisées en septembre 2010 à l'occasion de la dernière contre-réforme des retraites, et qui ont conduit à la défaite malgré une mobilisation importante.
Le rejet des mesures prises par le gouvernement s'exprime pour l'instant par une abstention massive à l'occasion des élections. Pour éviter la grève, les partisans du syndicalisme «rassemblé» organisent manœuvres et provocations avec pour objectif de désorienter les salariés. L'appel «Fonction Publique» UNSA, CFDT, CGT, CFTC, FSU, Solidaires, FA-FPT du 8 avril dernier en est une illustration. Pas d'appel net à la grève, aucune revendication chiffrée, rien sur le "pacte" qui est responsable des suppressions de postes et du gel du point d'indice. La CFDT 44 proposait même, comme seul moyen d'action, un simple rassemblement festif entre 12 et 14 heures le 15 mai, avec l'objectif à peine dissimulé de ne pas gêner le gouvernement. Comment peut-on bloquer la rigueur, gagner sur les revendications et préparer une riposte d'envergure avec un tel appel ?
Nous ne pourrons pas faire échec au pacte de responsabilité avec ceux qui, ouvertement, font vœu de soumission aux diktats de la Troïka, du gouvernement et du Medef. Tenter de faire cause commune avec ceux qui soutiennent, même de façon critique, le pacte de responsabilité, et qui collaborent à la mise en place de tous les plans contre la classe ouvrière et ses acquis, c’est affaiblir le mouvement vers la grève.
Alors oui, le 15 mai et aussi après, c'est bien la grève qui est à l'ordre du jour.