InFOrmation syndicale

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26 janvier 2015

Hommage - Salut à Robert Gaborieau

C'était Bébert.

Triste début d’année ! C’est le 1er janvier que notre camarade Robert Gaborieau nous a quittés. «Bébert» était bien sûr un militant, mais aussi un personnage. Avec six autres camarades, Rocton, Boutin, Etourneau, Dehoux, Fontane et Jeanneau, il a été exclu en 1964 de la CGT à l’issue d’un procès de Moscou… à l’usine Sud Aviation à Bouguenais (aujourd’hui Airbus). Quelques mois plus tard ils prenaient leur carte à la CGT-Force Ouvrière, implantant ainsi notre organisation dans le collège ouvrier.
C’est ainsi que Robert a participé activement en 1968 à la bataille qui a débouché sur la première occupation d’usine en Mai 68 donnant ainsi le coup d’envoi à la grève générale.

Permanent à l’UD de Loire-Atlantique, Robert est naturellement resté attaché à la section de Bouguenais et au syndicat des Métaux de Nantes. Mais conscient que la classe ouvrière ne saurait se limiter à un secteur professionnel, aussi important soit-il, il a consacré toute son énergie à développer notre organisation tous azimuts.

Il faut dire, tout simplement, que l’UD lui est redevable. Combien de syndicats a-t-il contribué à construire ? A combien de piquets de grève a-t-il participé ? Impossible à chiffrer ! D’ailleurs, ce n’est pas important. Robert n’était pas un petit bureaucrate se livrant à des additions mesquines.
C’était un militant, ne cachant pas ses idées, ses positions, ses engagements. Quand fallait y aller, il y allait. D’un caractère que l’on peut qualifier d’entier, il n’hésitait pas à pousser «sa gueulante». C’est pourquoi, ses amis l’appelaient « Bébert la rouince ». Mais, il ne faut jamais se fier aux apparences, notre Camarade Gaborieau était avant tout un homme de dialogue qui ne mettait pas ses idées dans sa poche. Tout le monde connaissait ses engagements politiques, tout bêtement parce ce qu’il ne s’en cachait pas. Pour autant, il savait faire la part des choses, et pour lui, le syndicat c’était le syndicat !

Robert a été permanent à l’UD jusqu’à sa retraite, mais pour lui la retraite n’était qu’une formalité administrative. Jusqu’au bout de ses forces, il a poursuivi son combat pour l’émancipation de la classe ouvrière.
Bébert ! C’était un militant !
Salut !

Patrick Hébert, secrétaire général de l'UD CGT-FO 44


L'hommage de Joseph Fleury, ancien secrétaire départemental de l'Union des Syndicats de la Métallurgie

A mon ami Bébert, à Annie sa femme et à toute sa famille.

J'ai connu Bébert en 1974, j'avais 25 ans, Bébert 36.
Il était secrétaire du syndicat CGT-FO des Métaux Ouvriers de Nantes et région.

Moi, j'étais technicien dessinateur, Délégué du Personnel à la SNIAS Bouguenais (devenue Aérospatiale puis Airbus).

En 1974, je me suis présenté et j'ai été élu au conseil syndical du Syndicat des Métaux Techniciens et cadres (les mensuels ETAM) de Nantes et région; le secrétaire en était Guy Gourdel, (des Batignolles), le trésorier Roger Picaud (de la SNIAS).

Une fois par mois, les responsables des 2 syndicats se réunissaient pour (essayer!) d'unifier les positions FO, notamment pour les entrevues et les Commissions Paritaires à la Chambre Patronale Nantaise de la métallurgie. Il faut savoir qu'à l'époque, la Convention Collective de la métallurgie était nantaise et région (de même qu'existait à St-Nazaire et région une Convention collective de la métallurgie) avec des avenants ouvriers et mensuels. Les négociations concernaient les salaires  minima et les primes d'ancienneté, ces négociations étaient âpres, beaucoup de métallos, plus qu'aujourd'hui, étaient impactés par ces minimas.

Une anecdote pour expliquer les difficultés ''internes à FO'' : un jour, nous étions en Commission paritaire à la Chambre patronale, la délégation FO était composée de 6 membres : 3 ETAM (dont moi) et 3 Ouvriers conduits par Bébert. Quelle ne fut pas ma surprise d'entendre le camarade censé exposer les revendications des ETAM Force Ouvrière développer une demande différente de celle que nous avions convenue ensemble.
Il fallait donc faire quelque chose, quelque chose pour l'indépendance syndicale.

Une fois par mois, les discussions entre nous étaient riches, en tous cas plus riches qu'au conseil syndical du syndicat des Techniciens où on abordait peu de sujets.
Ces rencontres mensuelles m'ont permis, en tous cas dans les ''apartés'' que j'avais avec Bébert, de mieux comprendre la situation, et surtout '' d'élever mon niveau de conscience''. Il fallait donc faire quelque chose pour ''secouer'' le syndicat des ETAM.

Finalement, en 1978, j'ai été élu Secrétaire du syndicat des ETAM. Nos rencontres vont aboutir à la création d'une Union des Métaux de Nantes : le Syndicat  Général CGT FO des Métaux de Nantes et région. J'en ai été élu le secrétaire et Bébert le secrétaire adjoint. Le Bureau et la Commission Exécutive étaient communs ( ouvriers, techniciens et cadres). A part la SNIAS, où il y avait un collectage ouvriers, un collectage ETAM et cadres, dans les autres trentaine de sections syndicales, une section c'était l'ensemble des adhérents FO avec un collectage unique.

Arrive fin 1980, nous apprenons la création d'une Chambre Patronale unique de la Métallurgie de Loire-Atlantique (SIMMEECLA) .
En mars 1981, nous avons créé l'USM (l'Union des Syndicats CGT-FO de la Métallurgie de Loire-Atlantique).
Lors du congrès de fondation, une revendication majeure va être adoptée : une Convention Collective unique pour les 40 000 métallos de Loire-Atlantique.
Une délégation départementale va travailler sur un projet FO, puis pendant 4 ans à raison d'une Commission Paritaire par mois, va négocier d'arrache-pied, porter à bout de bras les revendications FO, et en mai 1985, une Convention Collective Départementale de la Métallurgie va être signée par FO seule.
Malgré les attaques, elle est toujours debout, mieux , elle vient d'être améliorée en 2012 et 2013.

Je me rappelle de la délégation FO de cette époque : moi et Bébert pour Nantes, Roger Tudal et Raoul Viollet pour St-Nazaire, André Bogard et Alexandre Gasnier pour Ancenis, Jacques Lassalle et Gilbert Arnaud pour la Basse-Loire.
Bref, cette Convention Collective c'est le bébé de Bébert. D'ailleurs, aux congrès fédéraux, Bébert plaçait toujours au centre de ses interventions la défense des Conventions Collectives, avec comme exemple, la Convention Collective de la Métallurgie de Loire-Atlantique, comme outil d'unité et de solidarité entre tous les Métallos. Au contraire des accords d'entreprise qui ''enferment' le syndicat et les salariés dans l'enceinte de l'entreprise, comme ''une forteresse assiégée'' disait-il.   
Je n'ai pas besoin de dire le rôle fondamental joué par Bébert au cours de ces 40 années, à chacune de ces étapes: les Métaux, l'USM, la Convention Collective.

Le mardi soir à la permanence des Métaux notamment dans l'ancienne Bourse, les réunions et les discussions étaient vives, très vives, Bébert y poussait des gueulantes mémorables. Au centre, toujours la bataille pour l'indépendance syndicale.  Et quand les réunions étaient finies, les discussions reprenaient au café de ''la Réunion'' et du ''Voltaire'' .
Ce rôle fondamental de Bébert, c'est aussi dans les rapports de forces, dans les rapports contractuels. La bataille pour l'indépendance a fait de Bébert un militant incontournable pour conclure des accords auprès des patrons, ils se respectaient et j'ai assisté combien de fois à des séances de négociations au finish où les patrons finissaient par céder aux revendications. ''M. Gaborieau, vous nous coûtez cher'', lui avait dit le patron de Matal, un jour.  J'étais là !

En dehors des Métaux, Bébert a aussi ''œuvré'' dans le bâtiment, les grandes surfaces et l'alimentation, le nettoyage, au MIN, etc, et dans la formation (ex. le FONGECIF).

Bébert était incontournable.
Salut mon ami !


De l'exclusion de la CGT pour tentative d'interprofessionnalisation de la grève des mineurs de 1963...
(Extraits de "L'Homme qui dit non" - Hommage à Alexandre Hébert ", ouvrage de Bernard Hazo, publié en 2010)
Les extraits reproduits ci-dessous  exposent  les conditions de l'exclusion  de la CGT en 1964 de sept militants  de Sud-Aviation/Bouguenais (aujourd'hui Airbus).Parmi ces sept exclus, deux "têtes fortes" : Robert Gaborieau et Yvon Rocton, qui s'étaient, non sans succès localemenent, affrontés à l'appareil stalinien, en militant pour "l'interprofessionnalisation" de la grève des mineurs survenue un an plus tôt.Passé à FO, ce groupe d'exclus de la CGT allait jouer un rôle déterminant dans le déclenchement, le 14 mai 1968, de la grève illimitée à Sud-Aviation /Bouguenais. Laquelle donna le coup d'envoi à la vague nationale de grèves du printemps 68.

" (...) Débutée le 1er mars 1963, la grève générale des mineurs dure jusqu'à la conclusion d'un accord mettant fin au conflit le 4 avril. 35 jours durant lesquels toute la classe ouvrière et la jeunesse du pays expriment, non seulement leur solidarité financière (collectes d'argent) avec les mineurs, mais aussi de fortes virtualités à passer des manifestations, débrayages, voire grèves de soutien ... à la grève générale  tout court.
(... En quelque sorte) un "mai 68" ... 5 ans avant mai 1968.
(...) Dans ces conditions, ceux qui, à l'intérieur de la CGT, se battirent pour l'interprofessionnalisation de la grève des mineurs et sa transformation en grève générale, se heurtèrent de front à l'appareil confédéral et aux staliniens de service dans les fédérations, les unions départementales, les unions locales et les syndicats CGT.
En Loire-Atlantique ce fut le cas à Sud-Aviation Bouguenais, où (... Yvon Rocton, Robert Gaborieau et quelques autres ... ) parvinrent à faire adopter en assemblée générale CGT de "l'atelier 1" (sur les trois de l'usine), une motion conviant à la grève générale pour faire la jonction avec les mineurs.
Dès lors ils furent mis à l'index par les staliniens, avant d'être exclus en 1964 de la CGT , pour y briser leur influence grandissante.
(...) Ils furent sept à être exclus: Rocton,Boutin, Etourneau, Dehoux, Fontane, Jeanneau et Gaborieau.
Quelques mois plus tard, fin 64, les 7 exclus prenaient leur première carte à la CGT-Force Ouvrière, implantant du coup FO dans le collège ouvrier, où cette dernière était quasi inexistante.
(...) A peine 4 ans après, c'est ce groupe d'exclus de la CGT, vite renforcé par un courant d'adhésions à la  CGT-Force Ouvrière qui allait donner le coup d'envoi à la grève générale de 1968, transformant ainsi l'essai de la grève de 1963, qui, faute d'avoir été «interprofessionnalisée», était demeurée celle des mineurs.
Mais FO demeurant une organisation minoritaire à Bouguenais, avant d'emporter, le 14 mai, le vote majoritaire (... pour la grève illimitée...)  à l'assemblée générale des salariés de l'usine le 13 mai, il avait fallu (... que les exclus de la CGT passés à FO ...) se heurtent dans les mois précédents (et alors sans gagner la partie) à la CGT et la CFDT.
(...) Comme une traînée de poudre, la grève se généralise, et le pays se retrouve bloqué. (...) Du jamais vu depuis 1936.
(...) A son niveau, l'UD-FO participe à la généralisation du mouvement, en expliquant les raisons d'élire partout des comités de grève se fédérant dans un comité central de grève. (...)".


...  à l'intervention dans l'organisation des grèves de mai-juin 1968
Sous la direction de Marc Blondel et de Gabriel Gaudy, le Centre d'Histoire Syndicale de l'Union Régionale Force Ouvière d'Ile-de-France a publié en 2014 un "Cahier" intitulé "Le droit de grève".Un chapitre y est consacré à la place de Sud-Aviation / Bouguenais dans la généralisation de la grève ouvrière de mai-juin 1968.Robert Gaborieau apporta sa contribution à ce "Cahier", centrant son propos sur le bras de fer d'alors entre l'UD-FO  qui visait l'extension et l'organisation de la grève générale, et les staliniens ayant pour objectif "d'isoler Bouguenais" ... pour justement éviter la grève générale organisée.Nous reproduisons ci-dessous l'essentiel des analyses développées par notre ami "Bébert"  dans ce "Cahier".

(...) En assemblée générale le 14 mai 1968, les métallos de Bouguenais votent la grève illimitée avec occupation d'usine et piquets de grève dans et à l'extérieur de l'établissement.
Pour prévenir toute intervention des forces de l'ordre à Sud-Aviation, décision est prise d'en souder les portes d'accès dans la nuit du 14 au 15 mai 1968.
(...) Les "postes" (1) vont jouer à Bouguenais un rôle non négligeable, imposant aux appareils syndicaux CGT et CFDT avant tout la démocratie ouvrière. Ce n'est plus les seules directions syndicales qui décident, ce ne sont  plus les grèves tournantes, mais bien la grève générale qui se renforce, y compris chez les cadres et agents de maîtrise.
L'appareil stalinien a tout de suite compris qu'il lui fallait reprendre pied à l'usine, et pour cela engager un vaste mouvement de reprise en main. Certes sans heurter de front le mouvement vers la grève générale, mais avec l'objectif d'isoler Bouguenais.

J'étais pour ma part bien placé pour m'en rendre compte, venant de prendre, peu auparavant, le poste de permanent de l'UL CGT-FO : de nombreuses usines étaient occupées, mais sans mise en place de dispositions inspirées de  celles adoptées à Bouguenais.
Avec de jeunes camarades ouvriers et étudiants, on a tenté d'engager la bataille sur cette question, mais sans succès.
Après mai et juin 68, la leçon que nous avons tirée était qu'il nous fallait avant tout renforcer la syndicalisation.
C'est ce que nous avons réussi, en nous inscrivant alors pleinement dans la négociation de l'Accord Société (1971), puis en devenant majoritaires à Bouguenais en 1978.


1- Dans et autour de l'usine occupée 24 heures sur 24, les "postes"  constituaient à la fois des lieux d'hébergement/restauration, d'observation des alentours (pour parer à l'intervention des forces de l'ordre), et bien sûr de mobilisation militante et de démocratie ouvrière.

Les "postes" permettaient ainsi l'intervention collective tant dans la grève locale-aéronautique en cours, que dans la marche à la grève générale (dont Bouguenais avait donné le coup d'envoi).