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08 octobre 2015

FMGC et MANITOU : Retour sur les grèves de l’été

Interview parue dans L'Ouest-Syndicaliste N°656

Interview croisée avec Pierre-Louis Montaudon, délégué syndical central CGT-FO de Manitou BF, Anthony Forget, délégué syndical CGT-FO de la FMGC, et Franck Allain secrétaire de l'Union locale CGT-FO de Châteaubriant.


OS : Pouvez-vous rappeler le contexte des grèves de Manitou et de la FMGC cet été ?

PLM : Le conflit de MANITOU BF a débuté il y a plus de six mois, après l’échec des négociations annuelles obligatoires de janvier. La revendication des salariés était une augmentation générale des salaires (AG) de +1,8 % pour 2015, soit un copier-coller de l’accord négocié en 2014. Cela n’avait donc rien d’exorbitant. Mais la direction nous a clairement fait comprendre qu’elle voulait en finir avec ce qu’elle a appelé les « anciennes pratiques », c’est-à-dire la pratique contractuelle, la négociation. Elle porte la responsabilité d’un conflit qui est allé crescendo, de débrayages d'1h30 à 2h00 à l'appel des organisations syndicales CGT-FO, CGT et CFDT jusqu’à la grève dure.
AF : La FMGC est une entreprise du groupe FARINIA, dont la politique est de ne pas accorder d'augmentation générale des salaires. Depuis 2011, la direction n’a accordé que des augmentations individuelles. A cela s’ajoute l’intéressement, qui n’est pas du salaire, qui est aléatoire et qui n’ouvre droit à aucune cotisation. C’est donc clairement dans un contexte de « ras-le-bol » des salariés que nous avons réalisé l’unité avec la CGT pour appeler à la grève... On savait par ailleurs que les camarades de Toyota avaient obtenu une AG à +1,8% et que ceux de Manitou intensifiaient leur mouvement...

OS : Ces grèves ont été massives. Pouvez-vous revenir sur leur préparation et leur organisation ?

AF : A la FMGC, nous avons organisé avec la CGT trois assemblées générales le 9 juillet pour les équipes du matin, du midi et du soir. Les collègues de la production ont voté pour la grève à hauteur de 95 %. Ceux de l’usinage à Euromécanique, 100 %. Le 15 juillet, nous avons eu trois séances de négociation avec la direction. Après chaque séance, on en rendait compte. En moins de vingt-quatre heures, nous avons eu gain de cause: +3 % d’AG, soit 45 euros pour tous.
FA : La direction a dû avoir très peur, parce qu'il y avait Toyota à fournir. Si le conflit perdurait, le stock tampon aurait été vidé. Cela explique sans doute en partie pourquoi la direction a cédé si vite.
PLM : A Manitou, c’est à l’issue d'un nouveau débrayage le mardi 07 juillet que les salariés grévistes ont été appelés à se prononcer sur les dernières propositions de la direction. Les organisations syndicales CGT-FO, CGT et CFDT ont pris la parole à tour de rôle pour présenter le dernier accord proposé par la direction. Nous avons posé aux salariés une simple question : êtes-vous favorables à la signature d’un tel accord ? Et nous avions pris soin de préciser que le NON entraînerait une intensification très forte des mouvements de débrayages, avec une opération «  usine morte  » impliquant 24h de grève dès le vendredi 10 juillet, puis la grève illimitée à partir du mercredi 15 juillet à 10h00 au retour du pont du 14 juillet. Au global, la grève a été décidée par plus de 80% des votants.


OS : Dans les deux cas, la grève a été marquée par l’unité d’action, en particulier avec la CGT. Comment s’est réalisée cette unité ?

FA : Nous avons discuté avec la CGT et nous étions d’ores et déjà d’accord sur le fait qu’il n’était pas possible de connaître une quatrième année consécutive sans AG.
PLM : Sur Manitou, l’unité avec la CGT a été formulée très rapidement. Cela a bien sûr été plus compliqué avec la CFDT. Ainsi, dans les trois établissements où FO est majoritaire, les salariés ont voté très nettement contre la signature de l’accord, donc pour la grève. Seuls les salariés de Beaupréau ont voté pour la signature de l’accord. Sur ce site, la CFDT est la seule organisation présente. A Ancenis, le représentant CFDT est même venu travailler le 10 juillet, alors qu’il avait approuvé le durcissement de la grève ! Forcément, il a été recadré. Soit il s’alignait, soit il devait quitter l’intersyndicale. Tout cela, les salariés
de Manitou le gardent en mémoire.


OS : Pierre-Louis, quelles sont les suites du conflit à Manitou ?

PLM : Tout d'abord, il faut dire que les syndicats ont pris toutes leurs responsabilités dans le mouvement de grève. Après 6 jours de grève, la direction n'a pas bougé et n’a même pas recontacté l’intersyndicale. Notre rôle n’est pas d'envoyer les salariés dans le mur. Nous avons donc conseillé aux grévistes de voter la suspension du mouvement et de reprendre le travail dès le mercredi 22 juillet. Le vote a eu lieu vers 11h30 le mardi 21 juillet : 59,7% des grévistes ont voté pour la reprise du travail et 40,3% pour continuer la grève. Nous avons repris le travail dès le mercredi 22 juillet au matin, l’entreprise fermant le vendredi soir pour quatre semaines. Au retour des congés d’été, lundi 24 août, les organisations syndicales ont appelé à nouveau les salariés à des débrayages dès le vendredi 28 août après-midi. La direction n’aura pas réussi à obtenir le pourrissement et la dislocation de notre unité, même si la CFDT a depuis quitté l’intersyndicale… Aujourd’hui, c’est la décision unilatérale de la direction d’une AG à 1,2 % qui s’applique et qui a déjà été distribuée. La direction vient par ailleurs de programmer une nouvelle réunion, mercredi 09 septembre, ayant pour objet « l’amélioration du dialogue social au sein de l’entreprise dans l’intérêt de tous ». Tout un programme !


OS : Quels enseignements pouvons-nous tirer des grèves de Manitou et de la FMGC ?

PLM : La grève de Manitou a été massive et s’est déroulée dans une ambiance très sereine. Chaque matin et chaque soir, les organisations syndicales prenaient la parole. Chaque gréviste était libre de prendre le micro. Il est évident par contre que la direction s’était préparée au conflit. Elle avait mandaté un huissier dès le premier jour de grève. Mais nous n’avons pas été pris en faute. Aucun camion n’a été bloqué : ce n’était pas la peine, puisque rien ne sortait plus de la production ! Pendant six jours, les salariés de Manitou ont pris conscience de leur pouvoir sur l’outil de production.
AF : A la FMGC non plus, nous n'avons pas bloqué les camions. Toute la production était bloquée et c'était là le plus important. Dans l'unité avec leurs organisations syndicales, les grévistes étaient également déterminés et sereins. La direction de la FMGC dit : « On ne reprendra les négociations que si vous revenez au travail ». Le collègue lui a répondu : « Non, pas question. On ne reprendra le travail qu’après la négociation ».
FA : Ces deux grèves dures à la FMGC et à Manitou démontrent la capacité des salariés à se mobiliser. Par ailleurs, la victoire à la FMGC, avec une AG à hauteur de 3 %, ce qui est énorme dans le contexte actuel, permet d'avoir une réelle perspective d'implantation chez KHUN-HUARD, qui produit du matériel agricole à Chateaubriant.
PLM : La direction de Manitou a clairement fait un choix politique d'opposition à la revendication, au risque d’être complètement incohérente sur le plan économique. Les 0,4% d’AG qui manquent pour un accord, c’est 180 000 euros pour les non-cadres. Les 200 machines non produites, c’est 10 millions d'euros de chiffre d’affaires, sans compter les probables clients perdus. La direction prétend maintenant qu'elle serait prête à délocaliser une partie de la production en Italie, là encore pour un coût exorbitant... Il est évident qu’elle s’inscrit pleinement dans les objectifs du patronat et du gouvernement Hollande - Valls de baisse généralisée du coût du travail. Et cela pose donc la question de la nécessité d’une riposte d’ensemble, sur le plan interprofessionnel.

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