Airbus Group, créé sous ce nom en janvier 2014, compte 136 000 salariés dans le monde pour un chiffre d’affaires (CA) de 64 milliards d’euros (rapport annuel 2015). Le groupe est structuré en trois divisions : l’avionneur Airbus (85 % des personnels et 70 % du CA), Airbus Defence & Space et Airbus Helicopters. Cette dernière division est touchée par un plan de 582 suppressions de postes en France.
Depuis 2013, la majorité du capital est cotée en bourse. Les états français, allemand et espagnol sont minoritaires et ne sont plus représentés en tant que tels dans le conseil d’administration.
Pour autant, le groupe est historiquement lié à la volonté des états européens de constituer une industrie aéronautique permettant de concurrencer Boeing. Cette dimension publique, corollaire à la politique de reconstruction et aux conquêtes sociales d’après-guerre à partir de 1944-1945, imprègne toujours les relations sociales dans la division Airbus, dans laquelle FO est majoritaire sur le plan national (51 %).
Cela se traduit par le fait que l’«accord société», négocié et signé en 1970 par Yvon Rocton (FO) à l’époque de Sud-Aviation est toujours en vigueur, mais également par le financement à hauteur de 5% de la masse salariale du comité d’entreprise. La qualité de ce dernier permet de mettre en pratique certains principes de « solidarité ouvrière », selon les termes utilisés par Michel Pontoizeau, secrétaire du nouveau syndicat des Métaux de Bouguenais et Saint-Aignan de Grandlieu.
Les salariés d’Airbus confrontés aux 1.164 suppressions de postes
La rencontre avec les militants d’Airbus s’est déroulée le 4 janvier dernier à Nantes, trois mois après l’annonce du projet GEMINI, effectuée par Thomas Enders, actuel PDG d’Airbus Group.
Ce nouveau plan prévoit la suppression de 1 164 postes, dont 308 liés à la fermeture du site de Suresnes.
Dans sa volonté de générer 300 millions d’euros d’économies, alors que les carnets de commandes sont pleins, Thomas Enders a mis en avant son souhait de réduire une hypothétique «bureaucratie» au sein du groupe. En réalité, à travers la fermeture du site de Suresnes, ce sont directement des services de recherche technologique qui ferment. Pierrick Tessier, secrétaire du Comité d’entreprise d’Airbus Saint-Nazaire, met ainsi les choses en perspective: «La fermeture de Suresnes n’est pas anodine. Sans son activité de recherche d’il y a 20 ans, concernant la production du tronçon central en composite (le cœur de l’acier), le site Airbus de Nantes ne serait pas devenu ce qu’il est aujourd’hui. Cela pose la question de savoir qui seront les développeurs de demain...»
FO refuse tout licenciement sec
Michel Pontoizeau surenchérit : «Aujourd’hui, rien n’est sûr. La logique financière a pris le pas sur la logique industrielle, malgré la reconnaissance de notre savoir-faire. Mais cela n’est pas propre à Airbus et ce n’est malheureusement pas nouveau. Je me souviens des mots du Premier ministre Pierre Mauroy, en visite à Nantes en 1981 : «Dubigeon vivra»... Six ans plus tard, le dernier bateau était lancé et le chantier de Nantes fermait ses portes... D’une manière générale, l’inquiétude se porte sur les emplois. La mise en place des CDI Intérimaires (CDII)ouvre la porte à une externalisation totale des personnels : l’employeur pourra dire qu’il gère simplement la charge de travail, pas les personnels. Ici, nous combattons les CDII en revendiquant des embauches. Et concernant Gemini, FO refusera tout licenciement sec.»
Airbus emploie directement 4 000 salariés à Nantes, autant à Saint-Nazaire. « Airbus fait travailler 20 000 personnes en Pays de Loire », précise Michel Pontoizeau. Pour apporter des solutions concrètes aux salariés concernés par les suppressions de poste prévues par la direction d’Airbus Group, les camarades FO d’Airbus indiquent être prêts à faciliter l’accueil des collègues qui le souhaiteraient sur le site de Nantes. « Cela permettrait de répondre aux besoins des services supports, qui sont aujourd’hui tous sous-traités, précise Michel Pontoizeau. J’alerte - et nous alertons depuis longtemps - sur les dangers de l’externalisation. Les services supports doivent être dans le giron d’Airbus ».
INTERVIEW parue dans l'OS n°674
Située à Carquefou, l’entreprise Brissonneau et Lotz Marine (BLM) a été rachetée en 2002/2003 par le groupe américain National Oilwell Varco (NOV), dont le siège est installé à Houston au Texas, pour former l’entreprise NOV-BLM. Le groupe NOV comptait 60 000 salariés il y a deux ans. Ils sont 30 000 aujourd’hui. La direction de NOV-BLM a annoncé un nouveau plan de sauvegarde de l’emploi, avec 31 licenciements secs.
O-S : Quelle est l’activité de NOV-BLM ?
B.H : A hauteur de 90 %, le chiffre d’affaires de la société est issu de la production de systèmes d’élévation des plateformes pétrolières offshore, dont le marché se situe principalement à l’export. Les 10 % restants relèvent de la Marine, avec l’équipement (amarrage) de paquebots pour les chantiers navals STX, l’Italien Fincantieri et l’Allemand Meyer Werft, ainsi que le marché des porte-conteneurs en Asie.
O-S : Comment expliques-tu que le groupe NOV ait supprimé la moitié de ses postes de travail en deux ans à peine ?
B.H : L’activité du groupe est totalement dépendante de l’industrie pétrolière et de la fluctuation des cours du pétrole. Le baril de pétrole était début 2015 à 120 dollars pour atteindre 25 dollars début 2016 ! Les raisons d’une telle chute sont diverses : la baisse de la croissance en Chine a impliqué une baisse de la demande… et donc des prix. A ce facteur, s’est ajouté un flux massif de pétrole de schiste issu des états-Unis et de bitumeux canadien…
O-S : Quelle est plus précisément la situation de BLM ?
B.H : Nous entrons dans notre troisième période consécutive de six mois d’activité partielle, donc de chômage partiel. Le carnet de commandes est au plus bas. Notre charge de travail correspond aujourd’hui à 30 % de nos capacités de production… Mi-2015, l’entreprise comptait 300 salariés, auxquels il fallait ajouter 200 intérimaires. Un premier « plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE) a été mis en œuvre à compter du 18 mai dernier : 25 CDI ont été licenciés, les CDD n’ont pas été renouvelés, le recours aux intérimaires est terminé. L’entreprise ne comptait plus que 240 salariés. Le second PSE que nous sommes en train de négocier avec la direction prévoit la suppression supplémentaire de 31 postes.
O-S : Outre la fluctuation des cours du pétrole, quelles explications apportes-tu à une telle dégradation de la situation ?
B.H : Historiquement, l’entreprise a toujours connu des hauts et des bas. Mais la direction n’a absolument pas anticipé la conjoncture économique. Ce n’est que maintenant qu’elle se préoccupe de la diversification de l’activité, en travaillant avec un cabinet de stratégie qui pourrait être mise en œuvre fin 2017. Au-delà de ça, le patron a sans doute fait preuve d’un excès d’optimisme. Le chiffre d’affaires annuel moyen de NOV-BLM, c’est 100 millions d’euros pour 260 salariés. En 2014, la société a atteint 288 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 70 millions d’euros de dividendes versés aux actionnaires, soit le quart de la richesse produite ! En 2015, le chiffre d’affaires s’est élevé à 244 millions d’euros… pour 50 millions d’euros de dividendes versés. En 2016, le chiffre d’affaires s’est élevé à 91 millions et pour 2017, le prévisionnel est de 30 millions…
O-S : L’absence de stratégie peut être le choix d’une politique du profit à court terme. Qui sont les actionnaires de NOV-BLM ?
B.H : Ce sont des petits porteurs, essentiellement américains.
O-S : Dans un contexte aussi difficile, quelles sont les marges de manœuvre de la section Force-Ouvrière de NOV-BLM ?
B.H : Négocier un PSE n’a rien de satisfaisant, d’autant plus que nous ne pouvions absolument pas intervenir sur le nombre de postes supprimés. Dans un contexte qui nous est imposé, la section FO a cependant fait la meilleure négociation possible dans le cadre du PSE n°1. En moyenne, les 25 salariés licenciés ont obtenu une indemnité supra-légale d’un montant de 60 000€ et personne n’est parti avec moins de 40 000€. A titre de comparaison, la simple indemnité légale moyenne se serait élevée à 10 000€. Nous avons également obtenu un congé de reclassement d’une durée d’un an, payé sur la base d’une majoration de 10 % du salaire net. Par ailleurs, le salarié qui trouve un nouveau travail durant son congé de reclassement se fera payer pour la moitié de la durée restante du congé.
O-S : Qu’en est-il pour le PSE n°2 ?
B.H : Les négociations ont commencé à la mi-décembre. Nous cherchons à obtenir un accord sur les mêmes bases que le PSE n°1, concernant le montant de l’indemnité supra-légale et la durée du congé de reclassement. Nous souhaitons également ajouter la possibilité de départs anticipés à la retraite.
O-S : Ressent-on déjà les conséquences de la loi Travail sur les négociations en cours ?
B.H : Tout à fait. Avant le PSE n°2, la direction nous a proposé de signer un accord qui reprenait complètement les dispositions des « accords pour la préservation ou le développement de l’emploi », mis en place par la loi El Khomri. La direction souhaitait imposer aux salariés une forme de « polyvalence » tout à fait incompatible avec nos contrats de travail. Tout refus par le salarié de cette « polyvalence » aurait entraîné son licenciement pour motif économique, sans possibilité de bénéficier de l’indemnité supra-légale… Nous avons refusé de signer cet accord. Celui-ci était tellement destructeur que même la section CFDT de l’entreprise a refusé de le signer… alors que la loi Travail est l’œuvre directe de la CFDT ! Sans vaine polémique, j’ai expliqué en assemblée générale devant plus de 200 salariés que la proposition développée par la direction était issue de la loi Travail. Tout le monde savait que FO avait clairement mené la bagarre contre la loi Travail : nous sommes montés à Paris le 14 juin. Et personne n’était dupe du rôle néfaste qu’avait joué la CFDT…
O-S : Malgré le contexte difficile, qui se traduit par deux PSE consécutifs, la section FO NOV-BLM continue de s’implanter. Peux-tu nous présenter ta section ?
B.H : La section FO est jeune dans l’entreprise, puisque nous l’avons constituée en 2011. Lors des élections professionnelles de 2013, nous avons présenté des listes dans les trois collèges (collège n°1 : ouvriers – collège n°2 : agents de maîtrise – collège n°3 : cadres). La CFDT présentait des listes dans les premier et deuxième collèges, tandis que la CGT n’en présentait que dans le premier collège. Nous avons obtenu un élu titulaire dans le collège des cadres. Nous avons également obtenu une élue suppléante dans chacun des 1er et 2ème collèges : c’est la première fois que des femmes étaient élues chez BLM. Surtout, en termes de représentativité calculée sur l’ensemble des collèges, la section FO est tout de suite devenue la première.
O-S : Quelles ont été vos premières actions ?
B.H : Pour la section FO, il est nécessaire de dire la vérité et de s’inscrire dans la pratique contractuelle, pour toutes les catégories de personnels. Dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO) qui se sont déroulées en 2014, la direction a voulu augmenter de 20% la participation. La section FO a obtenu en contrepartie un accord triennal 2015-2016-2017 qui comprend une augmentation générale des salaires (AG) de 2,4 % à 3 % par an, ainsi qu’une augmentation individuelle (AI) de 0,4 % à 0,8 % chaque année. Du fait du PSE en 2016, les augmentations prévues cette année et l’année prochaine sont reportées en 2018 et 2019.
O-S : Quelles sont vos perspectives de construction ?
B.H : La section FO est aujourd’hui très reconnue dans l’entreprise. La section renforce son implantation, même si nos propres syndiqués subissent également les licenciements. Les élections professionnelles se dérouleront en 2017. Nous serons très vigilants, car la direction voudra probablement passer en délégation unique.