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16 juin 2017

Halte au feu !

par Michel Le Roc’h, secrétaire général de l’UD CGT-FO de Loire-Atlantique

Ce lundi 12 juin marque le début de la « concertation » sur la réforme du Code du travail. Pas moins de 48 réunions sont prévues entre le ministère du Travail et l’ensemble des organisations syndicales et patronales, d’ici le 21 juillet. 
Le président de la République entend aller vite et « légiférer » par ordonnance avant la fin de l’été, comme il l’a promis avant son élection. Mais la crainte d’un nouveau soulèvement, comme au printemps 2016, le pousse à la prudence. Les concertations organisées peuvent donc apparaître démocratiques, loin des méthodes de l’ancien premier ministre Manuel Valls. 

Cependant, les révélations publiées dans la presse la semaine dernière interrogent sur la façon dont cette réforme du travail va réellement être conduite. Libération cite une série de pistes de travail explosives, comme la négociation, à l’échelle de l’entreprise, des motifs de licenciement, du niveau des indemnités légales de licenciement et des critères encadrant le recours au CDD.

Jean-Claude Mailly, à juste raison, a aussitôt dénoncé ces pistes envisagées et indiqué que si telle était la volonté du gouvernement, la concertation allait « tourner court ». Muriel Pénicaud a précisé immédiatement que le document cité, celui de la Direction Générale du Travail, n’avait « aucune valeur politique » et n’engageait en rien le gouvernement.

Nous verrons bien et jugerons sur pièce. Le « programme de travail » adressé aux organisations syndicales le 6 juin dernier pour préparer cette concertation a en effet de quoi nous inquiéter. Dans ce texte, on ne trouve aucun des mots ou aucune des expressions qui fâchent, comme inversion de la hiérarchie des normes, motifs prédéterminés de licenciement dans le contrat de travail ou encore allègement de la procédure de licenciement. Rien de tout cela n’y figure, rien concernant les pistes précises mises en avant par la Direction Générale du travail. Mais la philosophie générale du « projet » gouvernemental est bien présente. Il s’agit de « rénover » en profondeur « le modèle social français » et de poursuivre l’œuvre de l’ancienne ministre du Travail (1). La loi Travail de Myriam El Khomri autorisait déjà l’employeur à déroger au Code du travail et à l’accord de branche concernant notamment l’aménagement et la durée du travail. Le gouvernement veut aller encore plus loin et donner la primauté aux accords d’entreprise sur les accords de branche dans un maximum de domaines. Le principe d’égalité, fondement de la République, est balayé d’un retour de main : « le principe d’égalité ne saurait conduire à l’uniformité de la norme pour tous les salariés de toutes les entreprises », précise la feuille de route gouvernementale, puis « l’entreprise est le lieu où la création de la norme sociale permet de répondre de manière pertinente aux besoins spécifiques des salariés et des entreprises en construisant le meilleur compromis au plus près du terrain ».

Le premier thème abordé dans les réunions de concertation sera justement celui de l’articulation entre les négociations de branche et les négociations d’entreprise (2). Il s’agira de déterminer le niveau « le plus pertinent » pour chaque sujet. Pour certains domaines, cela restera la branche. Pour d’autres, cela descendra au niveau de l’entreprise. Comme l’analyse un chroniqueur sur Europe 1, « l’objectif clairement affiché est de pouvoir négocier le plus de sujets possibles au niveau des entreprises afin de leur permettre d’être plus réactives, plus flexibles et donc, plus compétitives ». Nous le savons, décentraliser la fixation des règles du droit du travail au niveau des entreprises et faire sauter les verrous des branches ouvrirait la voie au dumping social.

Et cela, nous ne pourrions l’accepter. Une telle organisation conduirait à balayer définitivement le principe de faveur, viderait le code du travail et les conventions collectives de leur substantifique moelle et serait une atteinte fondamentale à la liberté de négocier au niveau des branches. Nous glisserions alors, petit à petit, sur le modèle anglo-saxon avec son droit du travail local, souple et flexible.

Et pourtant, malgré la publication de la feuille de route, la ministre du Travail continue à entretenir le doute en jurant que tout reste ouvert. Là encore, nous verrons très rapidement si le gouvernement joue franc-jeu et s’il prend en compte les revendications de notre organisation syndicale.

Le président de la République, le 1er ministre et la ministre du Travail, déjà affaiblis par la faible participation aux élections législatives (3) jouent là un jeu dangereux. Celui-ci risquerait bien de leur revenir en pleine figure comme un boomerang. Si la concertation consiste à ruser et associer en dernier ressort les organisations syndicales à la mise en œuvre d’une « réforme » scélérate (4),  l’apparent sentiment de bienveillance pourrait laisser place à la colère et à la contestation.

Pour notre part, nous n’avons nullement l’intention de négocier « la longueur de la chaîne et le poids du boulet ». Dans l’hypothèse où le gouvernement passerait outre nos demandes et revendications, pour détruire le code du travail et réduire à néant la liberté de négociation au niveau des branches, nous prendrions nos responsabilités et appellerions sans hésiter à la mobilisation.

Nous le ferions dans l’action commune, comme au printemps 2016, avec tous ceux qui partagent avec nous leur attachement au principe de faveur, revendiquent l’abrogation de la loi El Khomri (5) et ne veulent pas d’une nouvelle loi travail « XXL ». Cela exclut la CFDT qui, après avoir soutenu la loi Travail, revendique déjà – en bon serviteur du pouvoir et du MEDEF – la transformation du code du travail en simple « code d’activité » (6).
(1) Notons au passage que cette dernière, après avoir obtenu qu’aucun candidat d’En Marche ! ne soit investi dans sa circonscription, a reçu officiellement le soutien du président de la République pour le deuxième tour des élections législatives. C’est un juste retour des choses !
(2) Deux autres thèmes seront également abordés fin juin et mi-juillet : d’une part « la simplification et le renforcement du dialogue social et de ses acteurs ». Le Gouvernement envisage de regrouper les instances de représentation du personnel (DP, CE, CHSCT, DS). Il doit ici être souligné que l’intégration du délégué syndical dans ces IRP fusionnées est une grave remise en cause de l’indépendance de l’organisation syndicale, à qui seule doit revenir la prérogative de désigner le DS. D’autre part, « la sécurisation des relations de travail » a pour objectif affiché de lever certains freins à l’embauche en revoyant certaines règles qui entourent… le licenciement. La conciliation prud’homale sera également favorisée et les indemnités pour licenciement abusif devraient être plafonnées (actuellement il existe un barème mais il n’est que facultatif). Enfin, la mise en œuvre d’un référendum à l’initiative de l’employeur serait une nouvelle tentative de contourner les syndicats qui n’accepteraient pas les accords régressifs.
(3) Plus de 51% d’abstention. 2/3 des ouvriers et 61% des employés ne se sont pas déplacés pour aller voter.
(4) N’oublions pas qu’Emmanuel Macron est un adepte du principe de subsidiarité qui consiste à laisser « aux groupements de rang inférieur » le soin de mettre en musique ce qui a été décidé en haut lieu. A ce sujet, nous invitons les lecteurs de L’Ouest Syndicaliste à lire le livre de notre camarade et ami Jean Pierre Perché, intitulé « Propos sur le principe de subsidiarité, le fait religieux et la laïcité », publié par l’Union Départementale et la Fédération de l’enseignement (FNEC-FP-FO).
(5) Revendication d’abrogation réaffirmée à nouveau à l’occasion de notre dernier CCN les 6 et 7 avril 2017.
(6) Le 29 mai dernier, Laurent Berger a remis au 1er ministre un dossier de 77 pages. Il y propose une refondation du code du travail en « code d’activité » pour prendre en compte toutes les nouvelles formes d’activité comme « l’Ubérisation » !