InFOrmation syndicale

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28 septembre 2017

Ordonnances Macron : l’avis de militants prud'homaux de l’Union locale de Saint-Nazaire

Propos recueillis par Gérard Le Mauff pour Infonz n°28 de septembre 2017
Nous avons demandé à Philippe Joulain, Bruno Potier et Marc Baillergeon de l’équipe juridique de l’UL de nous donner leurs avis - au vue de leurs expériences - sur quelques unes des nouvelles mesures.


Infonz : La négociation des primes pourra avoir lieu au niveau des entreprises et non plus des branches...

Bruno : Prenons un exemple. Dans la branche Sécurité privée, il y a un accord sur les primes d’ancienneté, lesquelles vont de 2 à 15 % selon les coefficients. L’ordonnance ne prévoit pas de « verrouillage » (1) de cette négociation dans la branche, ce qui signifie que les entreprises - à commencer par les petites - risquent fort de subir des pressions de leurs clients pour baisser leur prix de revient en baissant ces primes. Et ça va être immédiat selon moi. (...)


Infonz : Désormais un salarié qui refusera une dérogation à son contrat de travail pour « nécessité liée au fonctionnement de l’entreprise », pourra être licencié pour «une cause réelle et sérieuse» et non plus pour motif économique : qu’est ce que cela va changer ?

Philippe : Aujourd’hui, un salarié licencié économique acceptant un Contrat de sécurisation professionnelle (CSP) - c’est le cas des salariés qui n’ont aucune perspective d’embauche - bénéficie d’une formation et perçoit pendant un an une indemnité mensuelle égale à 80 % de son salaire brut. Désormais, il pourra être considéré comme licencié disciplinaire - comme s’il avait commis une faute - avec juste une indemnité de 1/5 de son salaire mensuel brut par année d’ancienneté. Certes celle-ci sera augmentée de 25 %, mais tu vois le manque à gagner !

Bruno : D’ailleurs nous venons d’apprendre que l'augmentation de l'indemnité légale de licenciement de 25 % ne concernerait plus que les salariés ayant moins de dix ans d'ancienneté ! Une belle façon de promouvoir le dialogue social et la négociation avec les syndicats !
Marc : Actuellement, nous voyons peu de tels licenciements pour « cause réelle et sérieuse ». Car dans ces cas, l’action des syndicalistes aux prud’hommes permet le plus souvent de prouver un licenciement économique déguisé. Mais ces nouvelles mesures risquent d’en faire exploser le nombre en toute légalité ! Par exemple en masquant les difficultés économiques par des réorganisations réputées « nécessaires au fonctionnement de l’entreprise »…


Infonz : Que dire du plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif ?

Philippe : Je te donne un exemple, un salarié d’une boîte de Transport-express de Saint-André-des-Eaux que nous avons défendu. Son licenciement était présenté pour faute grave et nous avons réussi à le faire requalifier en licenciement abusif en prouvant les abus et les magouilles du patron. Son salaire de référence était de 1828 € brut, il avait 3 ans d’ancienneté. Il avait alors touché : une indemnité légale de 1096,80 € (1/5 de son salaire brut X 3 années d’ancienneté) + 10 968 € de dommages et intérêts (le minimum légal, 6 mois de salaire). Avec les mesures des ordonnances, ce sera : une indemnité légale de 1371 € (avec l’augmentation de 25 %), mais des dommages et intérêts plafonnés à 5484 €... soit la moitié. La perte globale pour le salarié sera de 5209 € ! (...)


Infonz : Il y a aussi la question des licenciements sans motivation notifiée au salarié...

Philippe : Aujourd’hui, la lettre de licenciement fixe la limite du litige et le patron n’a pas le droit d’évoquer ensuite d’autres motifs non exprimés devant le salarié. Nous avons d’ailleurs gagné pas mal de jugements là-dessus, car la preuve est à la charge de l’employeur et il est fréquent qu’ils fabriquent des fautes sans pouvoir les prouver. Qui plus est, en amont, nous arrivions à dissuader le patron de jouer à ça.
Marc : Maintenant, avec le « droit à l’erreur », le défaut de motivation d’un licenciement ne vaudrait plus au patron qu’une indemnité d’au maximum un mois de salaire brut à verser au salarié.


Infonz : Une contestation tardive d’un licenciement ne pourra plus être prise en compte au-delà de 12 mois (2) ….

Bruno : Aujourd'hui, les salariés viennent nous voir avant même leur licenciement afin que nous puissions les conseiller et les assister. Les salariés subissant un licenciement n'ont pas forcément comme priorité de le contester, car ce sont des procédures longues. Ils cherchent avant tout à se reconstruire et à trouver un emploi. Cela va donc mettre une pression de plus sur le salarié.


Infonz : Si une entreprise appartient à un groupe, le périmètre d’appréciation du motif économique d’un licenciement change…

Marc : Oui, auparavant, la situation globale du groupe intervenait. Maintenant, seuls les sites établis en France seront considérés. Nous ne sommes pas dupes : un grand groupe peut tout à fait organiser la faillite artificielle de sites ….


Infonz : Mesure sans doute la plus significative, les nouvelles conditions de validation des accords dans les petites entreprises.

Philippe : Oui, la fin du mandatement obligatoire par une organisation syndicale d’un salarié négociant avec le patron dans une entreprise de moins de 50   salariés (voir « Repères »), c’est une catastrophe. Jusqu’à maintenant, le contrôle par des syndicalistes  des unions départementales permettait d’empêcher les infractions au droit des salariés. N’oublions pas que les employeurs ont souvent à leur disposition d’habiles conseils juridiques...


Infonz : Quel est votre avis d’un point de vue général ?

Marc : Ces ordonnances prolongent la « Loi travail » de Mme El Khomri. Les revendications du MEDEF obtiennent de nouvelles satisfactions au détriment des salariés (ils en veulent d’ailleurs déjà d’autres...)
Conclusion des 3 : C’est une régression complète.


1 C’est-à-dire qu’elle ne relève plus du domaine exclusif de la branche
2 Délai de 2 ans pour les litiges concernant l’exécution du contrat et 3 ans ceux concernant les salaires.