par Michel Le Roc’h, secrétaire général de l’UD CGT-FO de Loire-Atlantique
La journée de grève du 10 octobre dans la fonction publique a été à la hauteur des attaques portées par les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années : 4 000 manifestants à Saint-Nazaire, 8 000 à Nantes pour notre département(1) et une grève suivie majoritairement dans de nombreux secteurs, établissements ou écoles.
Au centre des revendications des fonctionnaires, il y a bien entendu la baisse continue et accélérée du pouvoir d’achat depuis le tournant de la rigueur en 1982. Depuis 2000, les très faibles augmentations du point d’indice ont conduit à un décrochage de celui-ci par rapport à l’inflation. Aujourd’hui, il faudrait augmenter le point d’indice de plus de 16% pour retrouver le niveau de celui de janvier 2000 (en euros constants).
Pour les fonctionnaires, la perte est énorme et la moitié d’entre eux ne perçoivent qu’un SMIC amélioré grâce aux versements de quelques indemnités. Pour les autres, y compris les fonctionnaires de catégorie A, la situation n’est guère reluisante. Ainsi, une récente étude de l’OCDE souligne le niveau ridicule des rémunérations des enseignants: «un professeur des écoles débutant gagne 23 944 € par an en France contre 45 686 € en Allemagne ». On nous vante le modèle allemand dès qu’il s’agit de détruire nos acquis, mais jamais pour améliorer le niveau des rémunérations.
Il y a la perte de pouvoir d’achat des fonctionnaires et il y a la dégradation des conditions de travail, conséquence des restructurations et des suppressions de postes, avec en ligne de mire la liquidation du service public républicain et la fin des statuts.
Les statuts des fonctionnaires d’un côté, le code du travail et les conventions collectives des salariés du privé de l’autre, sont bien entendu dans le collimateur du Président de la République. Après la publication des ordonnances, les annonces du gouvernement contre les agents de la Fonction Publique s’inscrivent dans un objectif global de régression sociale, qui atteint de plein fouet l’ensemble des salariés de ce pays, du secteur public comme du secteur privé.
Et d’autres « réformes » sont prévues, en particulier celle de l’assurance chômage, avec l’objectif d’en finir avec la gestion paritaire et d’avancer vers un nouveau modèle qui serait inspiré du modèle allemand.
De quoi s’agit-il ? Le démantèlement de l’assurance chômage en Allemagne il y a un peu plus de dix ans, avec en particulier le «Hartz IV», a converti les chômeurs allemands en travailleurs pauvres. «Mieux vaut un pauvre qui sue plutôt qu’un pauvre qui chôme» répétaient à l’envi les partisans du chancelier Gerhard Schröder au début des années 2000(2). L’attribution des 409 € d’indemnité pour une personne seule est ainsi conditionnée à un régime de contrôle des plus coercitifs, avec sanction en cas de refus de deux propositions d’emploi successives. Comme l’explique Olivier Cyran dans le numéro de septembre du Monde Diplomatique, dont nous vous conseillons la lecture, «Fin 2016, le filet Hartz IV englobait près de 6 millions de personnes, dont 2,6 millions de chômeurs officiels, 1,7 million de non officiels sortis des statistiques par la trappe des dispositifs d’activation (formations, «coaching», jobs à 1 euro, minijobs, etc.) et 1,6 million d’enfants d’allocataires».
Emmanuel Macron osera-t-il avancer dans cette direction? Nous le saurons très vite. Il recevra dans les jours qui viennent les confédérations dont la nôtre et précisera les contours de cette « réforme » de l’assurance chômage, comme celle de la formation professionnelle. Nous n’avons bien entendu que très peu de doutes sur l’issue des «réformes» qui seront engagées. Serviteur zélé des intérêts du capital financier, Emmanuel Macron(3) n’a sans doute pas l’intention de changer de cap.
Dans ces conditions, nous n’avons pas le choix : ou combattre ou disparaître. Nous savons que les attaques portées par le gouvernement sont globales et qu’elles nécessitent une réponse interprofessionnelle pour gagner. Nous pouvons nous appuyer sur l’esprit de résistance qui s’est exprimé encore aujourd’hui contre les mesures régressives du gouvernement. Par ailleurs, en maintenant les frais de déplacement et le 13ème mois au niveau de la branche, infligeant ainsi un camouflet au gouvernement, les routiers ont montré la voie.
Plus que jamais, comme l’a exprimé le CCN des 28 et 29 septembre derniers, «une mobilisation interprofessionnelle avant la ratification des ordonnances est nécessaire» contre les ordonnances bien évidemment, mais aussi contre toutes les mesures de régression sociale.
(1) Notons dans les cortèges, la présence de nombreuses délégations du secteur privé. Nous avions souhaité donner un caractère interprofessionnel à cette journée sans pour autant dénaturer cette journée de grève dans la Fonction Publique : Public – Privé, Code du travail – Statuts : tout est lié !
(2) Hartz IV : ce dispositif découle du processus de dérégulation du marché du travail, dit Agenda 2010, mis en place entre 2003 et 2005 par la coalition Parti social-démocrate (SPD) – Verts du chancelier Gerhard Schröder. Il est baptisé du nom de son concepteur, M. Peter Hartz, ancien directeur du personnel de Volkswagen. Il s’agit, selon la formule utilisée conjointement par Tony Blair et Gerhard Schröder de « transformer le filet de sécurité des acquis sociaux en un tremplin vers la responsabilité individuelle ».
(3) Aux yeux d’une majorité, Emmanuel Macron devient de plus en plus le Président « des riches ». Avec le remplacement de l’ISF par l’IFI (gain de 3,2 milliards d’€), la baisse de l’impôt sur les bénéfices (cadeau de 1,2 milliards d’€) et l’augmentation du CICE (4 milliards), les « riches » se frottent les mains : les 500 français les plus fortunés possèdent déjà 571 milliards d’€ soit 117 milliards de plus que l’année dernière (les recettes de l’état s’élèvent à plus de 400 milliards d’€). Et en 2018 ?