Pour réussir ce coup de force, la direction a dû contourner deux principes protecteurs du Code du travail (art. L.3132-1 à L.3132-3) :
- Le repos dominical.
- L’interdiction d’occuper un même salarié plus de six jours par semaine.
Le premier principe a été contourné en invoquant un des nombreux cas de dérogation de plein droit contenu à l’article R.3132-5 du Code du travail (Maintenance, dépannage et réparation). Pourtant, selon le service juridique de la Fédération des Métaux, cette dérogation ne pouvait pas être invoquée dans le cas de Manitou, son activité principale n’étant pas la maintenance. Malheureusement, le service de la Direccte chargé de l’instruction des dossiers relatifs au travail du dimanche n’a rien trouvé à redire et a validé cette dérogation de droit !
Pour contourner le deuxième principe, la direction de Manitou a trouvé la solution dans le droit communautaire. En effet, le 9 novembre 2017, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a donné une interprétation souple de l’article 5 de la directive sur l’aménagement du temps de travail. Ce texte prévoit qu’un repos hebdomadaire de 24h doit bénéficier au travailleur « au cours de chaque période de 7 jours ». Un employeur peut donc, en considérant 2 périodes différentes de 7 jours, accorder un repos le lundi de la première semaine puis le dimanche de la semaine qui suit. Ce qui aboutit à faire travailler le salarié durant 12 jours sans repos hebdomadaire.
Grâce à la CJUE, la direction a donc pu identifier une faille à l’article L.3132-1 du Code du travail. En effet, cet article interdit d’occuper un même salarié « plus de six jours par semaine » et non pas « plus de six jours de suite ».
Le tour était joué, les salariés du projet CUBE pouvaient travailler du mercredi 2 mai au samedi 12 mai inclus !
La seule contrainte pour la direction a été de recueillir leur accord express sous forme d’avenant individuel, le travail du dimanche constituant une modification de leur contrat de travail.
Après avoir fait tomber les protections collectives contenues dans le code du travail, recueillir la signature d’un tel avenant n’était plus qu’une formalité pour la direction.
En effet, la dernière protection attachée à la personne qu’est le contrat de travail s’est effacée assez simplement devant l’enjeu du projet et le lien de subordination.
Sachant que la réussite du projet CUBE est essentielle pour la suite de leur carrière, ces salariés avaient-ils d’autres choix que d’accepter ces 11 jours de travail consécutifs ?
Voici un exemple très concret qui démontre la fragilité des droits attachés à la « personne ».
Pierre-Louis Montaudon, Délégué syndical central FO Manitou BF
* ERP : Entreprise Ressource Planning. Outil informatique qui centralise tout le système d’information de l’entreprise.