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07 mai 2020

L’apprentissage : Outil idéologique du gouvernement

Contribution d’Olivier Rosier,Secrétaire académique du SNETAA-FO (syndicat FO des professeurs des lycées professionnels) - Dossier paru dans L'Ouest-Syndicaliste

Depuis la révolution industrielle et l’apparition du monde ouvrier, une question importante se pose : la formation professionnelle doit-elle servir à une simple adaptation à un poste de travail ou, au-delà de cette simple employabilité, doit-elle également conduire à l’épanouissement de l’individu dans son environnement professionnel ? Le gouvernement actuel apporte sa réponse...
Depuis le premier janvier 2020, la loi « choisir son avenir professionnel » de Madame Pénicaud entre en vigueur pour sa partie formation professionnelle. Cette loi a une déclinaison dans l’éducation nationale par la « réforme des lycées professionnels » de monsieur Blanquer. Il s’agit d’une loi profondément libérale, totalement inspirée des conceptions patronales, qui «révolutionne» profondément toutes les règles.

Passons les aspects financiers, certes intéressants mais complexes et fastidieux. Une seule chose à retenir, les régions perdent la main au profit d’une nouvelle structure, émanation des branches professionnelles donc fortement influencée par les organisations patronales, « France compétences ».
Intéressons-nous à la philosophie des nouveaux textes.

L’employabilité au détriment de l’émancipation
La loi rapproche considérablement les règles et statuts des apprentis et des apprenants adultes en formation. Ainsi, une personne peut être sous contrat d’apprentissage jusqu’à 30 ans aujourd’hui contre 26 ans hier. L’apprentissage est donc « infiltré » par un certain nombre d’adultes et il devient légitime de s’interroger sur les motivations d’une telle décision.
Depuis longtemps, il a été considéré que la formation initiale devait primer sur la formation continue : une solide formation de base devait permettre à un jeune de trouver plus facilement un emploi voire d’en retrouver un en cas de licenciement. Cette approche est balayée : ce qui compte est de former un jeune à une tâche effectuée à un moment précis dans une usine, puis, en cas d’évolution du métier, de renvoyer le jeune (devenu moins jeune) en formation sur une nouvelle tâche utile à l’entreprise. Clairement, l’approche est l’employabilité immédiate du jeune. La formation doit permettre aux entreprises de disposer des ressources humaines nécessaires à son fonctionnement et de bénéficier de la flexibilité nécessaire pour y parvenir. Dans ce cadre effectivement, rien ne sert d’avoir un jeune qui connaisse quelques auteurs classiques ou les normes environnementales, qui de toutes façons représentent un coût à respecter.

«Blocs de compétences » et compte personnel de formation : la volonté politique de détruire les diplômes nationaux
Cette volonté de centrer la formation sur l’employabilité immédiate se retrouve dans toutes les réformes de l’éducation nationale.
Qu’il s’agisse de la réforme du lycée ou du lycée professionnel, un point commun terrible apparait : la baisse des volumes horaires disciplinaires. La dimension culturelle, indispensable à l’épanouissement de n’importe quel individu est mise à mal. Néanmoins, ceux qui portent ces réformes archaïques qui nous replongent à la période de l’entre-deux guerres, ne mettent pas leurs enfants dans les établissements publics et, pour assurer l’avenir, envoient leur progéniture dans les plus belles écoles suisses ou anglo-saxonnes.
Mais les choses vont encore plus loin et contiennent des dangers encore plus grands. Puisque l’employabilité est la seule dimension retenue, à quoi servent les diplômes pour la masse ouvrière ? Pour le patronat et depuis la fin du XIXème siècle, à rien. Dès lors, le Ministère de l’éducation nationale casse le baccalauréat, et découpe les diplômes de la voie professionnelle en « blocs de compétences ». Déjà, dans les lycées professionnels, les inspecteurs chantent qu’il n’est pas nécessaire qu’un jeune obtienne son diplôme, quelques blocs de compétences suffisent. Déjà les entreprises se voient autorisées non seulement à créer leur centre de formation maison mais aussi à délivrer leurs diplômes maison : les CQP, certificats de capacités professionnelles. De toute façon, seuls quelques blocs suffisent pour l’employabilité, en cas de besoin, on enverra le jeune ou l’adulte en formation en acquérir d’autres… Le tout en sachant, que ce sera le salarié qui paiera sa « remise » à niveau via son compte personnel de formation.

Diplômes nationaux, Code du travail : même combat
Bien sûr, autre intérêt de la disparition des diplômes, la mise à mal du code du travail sur les rémunérations et ce n’est pas un petit enjeu pour certains dirigeants d’entreprises opposés comme leurs aînés à la notion même de salaire minimum et qui, au nom des coûts de production, râlent quand les salariés parlent d’augmentation de salaire.
La politique de formation professionnelle est donc très idéologique, de conception très libérale et indéniablement méprisante pour les petits que nous sommes. Partout, dans les Centres de formation, les lycées et les lycées professionnels les militants et les adhérents de la CGT-FO résistent et se battent. Ils continueront car l’ambition d’un formateur ou d’un enseignant reste et restera toujours d’apporter aux apprenants les outils nécessaires à son émancipation des simples contraintes matérialistes. 


Article paru dans L'Ouest-Syndicaliste n°707 de février 2020