La crise sanitaire liée au Covid-19 révèle le caractère criminel des politiques d’austérité menées depuis près de quarante ans. Pour occulter sa propre responsabilité dans la situation actuelle et faire taire la colère qui s’exprime depuis des mois contre sa politique de destruction des conquêtes sociales, le gouvernement Macron/Philippe a tenté en vain d’imposer une « union nationale », au détriment de la reconnaissance des intérêts particuliers et collectifs de la classe ouvrière.
Macron et son gouvernement sont « en guerre », mais contre qui ?Dans son allocution du 12 mars, Macron en appelait à «l’union sacrée». Le 16 mars, il annonçait la mise en place de l’«état d’urgence sanitaire», en répétant à 6 reprises « nous sommes en guerre ». La référence est sinistre, puisqu’elle renvoie à la grande boucherie de 1914-1918, où les bourgeoisies européennes ont envoyé à la mort des millions d’ouvriers et de paysans au nom de «l’intérêt national». De fait, à chaque fois que le gouvernement a décrété l’union nationale (en 1914, en 1939 puis durant la guerre d’Algérie), cela s’est toujours traduit par de violentes attaques contre les libertés démocratiques et les conquêtes ouvrières.
Au lieu de prendre les mesures permettant de lutter efficacement contre l’épidémie (le dépistage systématique et régulier, la réquisition des masques FFP2, l’embauche de personnels soignants et l’ouverture des lits dans les hôpitaux…), le gouvernement s’est doté de pouvoirs exorbitants qu’il a utilisés sans attendre contre les garanties collectives des salariés. Il a ainsi légiféré par ordonnances contre le code du travail et le statut général de la fonction publique.
Était-ce là l’urgence pour lutter contre le virus?
« Monde d’après » et menaces corporatistesDans sa déclaration du 13 avril dernier, Macron ne s’est pas contenté d’annoncer la réouverture des crèches et des établissements scolaires à compter du 11 mai sans apporter aucune garantie sanitaire aux personnels. Il a notamment appelé à « bâtir un autre projet dans la concorde ».
La notion de « concorde » renvoie dans l’histoire aux régimes corporatistes, issus de la doctrine sociale de l’église, qui visent au démantèlement des organisations ouvrières et subordonnent les intérêts particuliers des salariés à un prétendu « intérêt général » ou « bien commun » . Pensons notamment à la loi Belin du 24 avril 1941 qui, sous le régime pétainiste de Vichy, transforme le Premier mai – journée internationale des travailleurs issue du combat pour la journée de huit heures et de la répression sanglante contre les ouvriers grévistes de Chicago en 1886 – en « Fête du travail et de la concorde sociale ».
Différentes forces politiques ou sociétales n’ont pas tardé à faire leurs offres de service au gouvernement Macron/Philippe, en proposant notamment la tenue d’un « Grenelle du monde d’après ». Pour Force Ouvrière, c’est maintenant, tout de suite – pas le « jour d’après », ni dans le « monde d’après » – que les responsabilités du gouvernement doivent être pointées et que doivent être portées les revendications des salariés, du privé comme du public.
Le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Patrick Bernasconi, n’est pas en reste: dans une interview donnée le 16 avril à la revue Acteurs Publics, il affirme qu’«une révision constitutionnelle permettrait de donner un élan et une force à un CESE devenu l’assemblée de la participation citoyenne et le trait d’union entre société civile, corps intermédiaires et pouvoirs publics». Les organisations syndicales seraient ainsi ravalées au rang de simple courroie de transmission de la politique gouvernementale. C’est le spectre du sénat corporatiste voulu par de Gaulle et rejeté par la classe ouvrière à l’occasion du referendum de 1969 !
L’indépendance syndicale, condition du combat revendicatifEncouragé par les ordonnances gouvernementales dont FO revendique l’abrogation, le Medef avance ses pions : le redémarrage de l’économie devra selon lui passer par des sacrifices. Dans Le Figaro du 10 avril 2020, Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, avait mis en avant la question « du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise ».
Le 6 mai, l’Institut Montaigne – dont les accointances avec Macron ne sont plus à démontrer – préconise de faire travailler plus les salariés.
Le lendemain, le Premier ministre est intervenu pour affirmer qu’une fois la crise sanitaire passée, le pays devra répondre « à la crise économique et à l’appauvrissement général qui va intervenir ». Interrogé sur son intention d’augmenter ou pas le temps de travail après la crise, le Premier ministre a indiqué « que si nous voulons retrouver notre prospérité, dépasser ce cap et ce coup dur pour la France, il faudra collectivement que nous nous en donnions les moyens par le travail, la solidarité, l’inventivité ».
C’est dans ce contexte que la CFDT et la CFTC ont signé le 30 avril dernier avec le Medef une déclaration commune appelant « à la reprise de l’activité économique dans des conditions sanitaires optimales ».
L’indépendance syndicale est un enjeu majeur pour la défense des revendications particulières et collectives des salariés. La déclaration de la Commission exécutive confédérale FO du 20 avril dernier prend ainsi toute son importance, en affirmant « l’absolue nécessité de préserver, à tous les niveaux, l’action syndicale indépendante, fondée sur la liberté syndicale, la négociation collective et la pratique contractuelle. Le rôle de l’action syndicale et de la négociation collective ne saurait être étouffé, sous couvert de chartes, pactes ou conférences dites sociales sous tutelle de l’État, aboutissant à diluer les revendications syndicales et confondre les responsabilités respectives. En toutes circonstances, tout au long de son histoire, la confédération FO a agi en toute indépendance vis-à-vis de l’état et des employeurs pour faire valoir les revendications des salariés.»
Coronavirus et risque de replis communautaristes. Toute ressemblance...
(1) « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels », Anatole France (1922).
(2) La logique corporatiste est insufflée à tous les niveaux de l’appareil d’état : dans une administration, un chef de service a tenté d’imposer cinq jours de congés à un agent public, au prétexte que « les modalités d’organisation particulières liées à la crise privilégient l’intérêt commun et non les intérêts particuliers ».