InFOrmation syndicale

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17 juin 2023

France Travail… (famille, patrie)

 LES DOSSIERS DE L'OS  - Dossier réalisé par Fabien Milon

Dans son programme électoral à l’occasion des dernières élections présidentielles, Emmanuel Macron avançait sa volonté d’une nouvelle réforme du travail et la création de « France Travail »(1). Sans jamais en détailler les contours puisqu’il n’a pas voulu de débat à l’époque, il ne s’est penché que sur son souhait de voir l’ensemble des « acteurs de l’emploi » se regrouper et qu’une nouvelle « gouvernance » dans ce domaine de l’emploi voit le jour. Si la forme était on ne peut plus floue, aucun doute n’était permis, « France Travail » allait aboutir.

Le 13 septembre 2022, Monsieur Thibaut Guilluy, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises (les termes ne sont pas anodins…) s’est vu confier une démarche de consultation de tous les interlocuteurs, ainsi qu’un rapport sur la faisabilité de ce « France Travail »… Après de long mois de débats avec tous les interlocuteurs inclus dans le schéma ci-dessous, Thibaut Guilluy sort son rapport le 19 avril 2023 : « France Travail, une transformation profonde de notre action collective pour atteindre le plein emploi et permettre ainsi l’accès de tous à l’autonomie et la dignité par le travail ». 


LE GOUVERNEMENT DÉCIDERAIT DE TOUT

Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, présentera d’ici l’été son projet de « loi pour le plein emploi ». 

On notera tout d’abord que dans le schéma initial (voir ci-contre), tous les acteurs sont présents à l'exception de l'Unédic. Même si chacun apparaît au même niveau, la réalité est qu'ils seront sous la coupe de l'état. En effet,  ce ne sont plus les « partenaires » sociaux qui décident des montants et durées des allocations chômage ; ni les collectivités territoriales qui décident du montant du RSA et des modalités de son attribution. C’est donc le gouvernement qui décide de tout, ou presque. Il a ainsi tout le monde à sa botte, que l’on soit d’accord… ou pas(2).

Dans la dernière mouture présentée, l'Unédic serait finalement intégrée, potentiellement comme simple collecteur de fonds (?).

Aujourd’hui, l'Unédic finance Pôle Emploi à hauteur de 80 % grâce aux cotisations sociales. Pour autant, sa présence ne suffit pas à nous rassurer tant l'on sait que le gouvernement n'a de cesse de vouloir s'accaparer, au titre des comptes publics, la manne financière que représente notre salaire différé.

Au-delà des imprécations gouvernementales expliquant à qui veut bien l’entendre que « France Travail » a pour but de contribuer à l’objectif de plein emploi et  que, à ce titre, la Première 

ministre Elisabeth Borne en a fait une des politiques prioritaires de son Gouvernement, son action est d’abord effectuée « sur la base d’un diagnostic partagé ». 

« En s’inspirant des meilleures pratiques de coopération et d’action dans les régions, départements et territoires de France », il s'agit «d’élaborer des propositions concrètes pour préparer le déploiement opérationnel de France Travail dans le cadre de concertations nourries avec l’ensemble des acteurs concernés». 

Le point de départ affiché est ce constat : « les entreprises, quelle que soit leur taille, leur territoire ou leur secteur d’activité, sont de plus en plus nombreuses à rencontrer des difficultés importantes pour trouver les salariés dont elles ont besoin avec plus de 3 millions d'intentions d'embauches identifiées en 2023 ».

Or, si nombre d’employeurs ne trouvent pas à recruter, c’est la plupart du temps parce que les salaires sont au plus bas (prenons l’exemple des soignants dans la fonction publique (3)...), que les conditions d’emploi sont impraticables et que nombre de salariés n’en veulent pas pour la simple raison qu’ils débourseront davantage pour travailler que ne leur rapportera leur SMIC.


LA SOCIÉTÉ « UBERISÉE », PUIS « ESCLAVAGISÉE »

Dans le contexte décrit ci-dessus, M. Dussopt nous révèle les motivations du projet qu'il porte.

D’abord, en commission parlementaire, il indique que l’auto-entrepreneuriat sera on ne peut plus développé par « France Travail ». C’est l’Ubérisation(4) galopante de la société.

Sur France-Info le 22 mai, il souligne que les allocataires du RSA seront sanctionnés s’ils ne respectent pas les 15 à 20 heures d’activité par semaine qui leur seront assignées.

Il convient de s’attarder sur ce second point. « France Travail » veut comptabiliser tous ceux qui recherchent un travail. Mais toutes les statistiques s’accordent à dire que nombre de bénéficiaires du RSA ne le demandent pas(5)… Ainsi, soit tous ceux-là seront exclus de toutes statistiques du chômage (Pôle Emploi, INSEE…) soit, conscients qu’ils pourraient toucher le RSA, deviendront contraints de travailler 15 à 20 heures semaine(6). Et il y en aura beaucoup, puisque notamment la réforme des retraites va en plonger des milliers voire davantage dans le RSA.

En effet, parce qu’encore une fois les statistiques – que le gouvernement ne conteste même pas – nous disent qu' à 62 ans près de la moitié d’entre eux ne sont déjà plus sous contrat de travail. Et tous savent que les patrons n’embauchent plus au-delà de 55 ans, voire avant. Or, les derniers gouvernements ont déjà extrêmement réduit les droits des chômeurs, en montant comme en durée. Ce n’est pas par hasard que FO revendique le retour à la convention d’avril 2017. Non seulement celle-ci, malgré ses défauts, garantissait un minimum de droits, mais elle avait aussi l’avantage de maintenir un caractère égalitaire entre tous les demandeurs d’emploi. Or, et ce n’est pas la moindre des dérives de ce « France Travail », que territorialisation et appréciation au cas par cas des sanctions possibles gomment définitivement leur traitement égalitaire.

Est-ce utile de préciser ici l’inquiétude, si ce n’est plus, des agents de Pôle Emploi dans l’arrivée de cette « profonde transformation » ? Or, ce n’est pas QUE leur affaire, comme pour les retraites, c’est celle de tous les salariés.      


(1) Discours du 17 mars 2022
(2) La CGT-FO a rappelé à plusieurs occasions son opposition à « France Travail », notamment en votant contre le projet de loi « pour le plein emploi », soumis le 26 mai dernier à l’avis du Conseil d’administration de Pôle Emploi. On ne peut pas passer outre que près d’un demandeur d’emploi sur deux a été impacté par les dernières réformes de l’indemnisation des gouvernements Macron. Or cette dernière n’a d’autre objet que de faire descendre par n’importe quel artifice le chômage en dessous des 6%. FO n’oublie pas que lors de la dernière trêve des confiseurs, la Première ministre Elisabeth Borne souhaitait faire adopter un article stipulant une réduction de la durée des droits chômage si son taux descendait en deçà de ces 6%.
(3) Oui, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, exhorte les patrons à augmenter les salaires, mais le point d’indice de la fonction publique n’a pas bougé depuis juillet dernier (3,5%) alors que l’inflation dépasse les 10 à 15% des produits de première nécessité. Le SMIC quant à lui n’a pas reçu de coup de pouce.
(4) Celle qu’Emmanuel Macron est lui-même allé chercher auprès de cette plate-forme et pour laquelle une enquête judiciaire est en cours…
(5) Il est d’ailleurs bien trop rarement dit dans les médias que ce sont, pour le RSA comme pour bien d’autres droits sociaux d’ailleurs, plusieurs dizaines de milliards qui chaque année ne sont pas réclamés par des gens qui sont pourtant parfaitement en capacités d’y prétendre.
(6) Le 49.3 ne doit pas, ne peut pas dans une République digne de ce nom, instaurer le travail obligatoire de triste mémoire.

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« RÉFORME » DU RSA : LES SIMILITUDES MACRON-MELONI

Difficile d’imaginer une provocation plus clairement assumée. La présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, a choisi la date du 1er mai, journée internationale des travailleurs et des revendications, pour annoncer un «décret travail » contenant l’assouplissement du recours aux contrats précaires, des allégements fiscaux et de cotisations pour les entreprises, mais également la suppression du « revenu de citoyenneté ».
Cette « allocation universelle » de 550 euros en moyenne, mise en place en 2019, a bénéficié à 1,6 million de foyers l’an dernier, en particulier dans le sud de l’Italie, la partie la plus pauvre de la péninsule. Selon Giorgia Meloni, héritière de Mussolini en Italie, il s’agit de « faire la différence entre ceux qui sont capables de travailler et ceux qui ne le sont pas ». Un nouvel «instrument d’accès à l’activité » exigera donc des bénéficiaires la participation à des formations ou à des « projets utiles à la collectivité ».
 Au même moment, Emmanuel Macron s’est lui-même lancé dans une « réforme » du revenu de solidarité active (RSA), souhaitant conditionner le versement de ce dernier à la réalisation de « 15 à 20 heures d’activité par semaine ».
Interviewé par France-Info, le 25 avril, Martin Hirsch, initiateur du dispositif en 2009 et guère suspect d’être un opposant au gouvernement, n’a pas caché son effroi, dénonçant l’idée selon laquelle : « le travail serait obligatoire sans salaire, avec comme contrepartie le RSA. […] Transformer un allocataire en une main d'œuvre sans droit est une régression sociale », nous dit-il, tout en évoquant une « idée terrifiante ».
Une chose est sûre, en Italie comme en France, le patronat se frotte les mains...

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Communiqué des Organismes sociaux Divers et Divers 44 du 22 mai 2023

O. Dussopt, ministre du travail de ce gouvernement, annonce ce 22 mai 2023 sur France-info qu’il y aura bien des sanctions pour les allocataires du RSA qui ne travailleraient pas les 15 à 20 heures par semaine après sa réforme « France Travail ». Le ministre du travail le dit, pas de radiation… mais alors suspension de l’allocation ? Sinon quoi d’autres ?
Une chose est sûre, on ne nous embrouillera pas entre « travail », « immersion » ou « stage » comme il tente de le faire ; il y a trop longtemps que de ces « stages » et « immersions », lycéens et étudiants savent qu’il s’agit bien de « travail », et ce, sans contrat de travail.
à l’inverse, le syndicat des OSDD de Loire Atlantique considère que ce sont les déclarations du président du conseil départemental de Loire Atlantique qui vont dans le bon sens : « Ni travail forcé, ni sanctions à l’encontre des allocataires du RSA » dit-il dans la foulée de l’interview d’O. DUSSOPT.
Non, le travail forcé, de triste mémoire, ne doit, ne peut pas être instauré dans une République. Notre syndicat des OSDD44 qui regroupe les agents de Pôle Emploi l’affirme depuis qu’E.Macron en a fait le leitmotiv de sa réforme « France Travail » et « Pour le plein emploi ».
D’ailleurs, ce 26 mai, c’est le conseil d’administration de Pôle Emploi, qui, devant ce projet de loi, le rejette par 2 votes Contre (FO et CGT), 8 abstentions (CFDT, CFE-CGC, CFTC, ainsi que tous les patrons : Medef, CPME, U2P). Seuls les représentants de l’Etat votent Pour (5 voix, plus les 2 des dites « personnes qualifiés »). Soit 7 contre 10.
Mais au-delà, c’est bien tous les agents de Pôle Emploi qui s’inquiètent de cette transformation de leur agence en « France Travail » (quel métier ? quel salaire ? quelle convention collective ? ...), quand en plus on leur dit qu’ils vont être chargés de sanctionner les allocataires du RSA. Notons que le RSA assure aux personnes sans ressources un niveau minimum de revenu. Or, les agents sont déjà confrontés aux désagréments, aux mécontentements des demandeurs d’emploi assujettis aux contre-réformes de l’indemnisation du même gouvernement (abaissement du SJR, réduction de la durée des droits…). Pour FO OSDD44, c’est une double provocation qui les met cruellement en danger.
Et pour couronner le tout, la Direction Générale de Pôle Emploi annonce le même 22 mai que, faute d’argent, il n’y aura pas de négociation de salaire à Pôle Emploi. Quand les produits de premières nécessités dépassent les 10 à 15 % d’inflation… est-ce à dire que pour les agents aussi, il faudra qu’ils travaillent (et quel travail !!) 15 à 20 heures gratuitement ?
Oui, les agents de Pôle emploi revendiquent, dès maintenant, des augmentations générales de salaire au moins jusqu’à l’inflation. Mais à l’instar de la réforme des retraites, « France Travail », soi-disant « pour le plein emploi », c’est NON !

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L'OUEST SYNDICALISTE | Le journal d'information syndicale en Loire-Atlantique