InFOrmation syndicale

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12 décembre 2008

Représentativité : Michèle BIAGGI mobilise contre une loi liberticide


L'Union Départementale Force Ouvrière avait invité le 21 octobre dernier Michèle Biaggi, secrétaire confédérale en charge de l'organisation, aux fins d'animer une réunion-débat sur les conséquences de la loi du 20 août 2008 "portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail".

Loi, qui on le sait, n'est que la transposition de la "Position commune" MEDEF-CGPME-CGT-CFDT du 9 avril dernier.

La forte participation militante à cette réunion, tout juste un mois après le succès massif du meeting de rentrée du 11 septembre avec Jean-Claude Mailly, confirme, si besoin était, que Force Ouvrière se porte bien, en France comme en Loire-Atlantique.

- L'Ouest Syndicaliste : Quelque 200 militants ont assisté à ton exposé sur la loi du 20 août 2008 ; et le débat qui a suivi a montré que les participants prenaient le sujet à bras le corps. Au cours de tes déplacements dans les UD ressens-tu un peu partout le même phénomène ?

Michèle Biaggi : Tout à fait. C'est vrai pour moi comme pour les autres "confédéraux" et "fédéraux" Force Ouvrière, qui sillonnent le pays pour expliquer tant les dispositions juridiques de cette usine à gaz que sa portée antisyndicale liberticide.

La Confédération a édité des "fiches pratiques" sur cette loi qui transpose la "position commune" MEDEF-CGPME-CGT-CFDT.

Ces fiches pratiques ont commencé à être reproduites et à circuler dans tous nos syndicats, nos unions locales et nos sections d'entreprises. Et partout nos militants comprennent les dangers de tous ordres que fait peser cette loi à 3 tiroirs :

- une nouvelle "démocratie sociale", basée sur des critères électoraux, qui remet en cause les libertés syndicales fondamentales, à commencer par celle de constituer des syndicats habilités à négocier dans les entreprises, et modifie la désignation du délégué syndical.

- l'obligation pour les syndicats de faire désormais certifier leurs comptes, avec, pour nos trésoriers, des jolis budgets à prévoir pour régler les prestations des experts-comptables,

- la remise en cause du principe de faveur, notamment concernant l'organisation du temps de travail, et la primauté de fait donnée aux accords d'entreprises sur les conventions collectives et accords de branche, détruisant ainsi l’égalité des salariés.

- O.S. : Bernard Thibault a mouillé sa chemise pour arracher ce nouveau dispositif, qui vise d'abord à éliminer du "paysage syndical" le syndicalisme indépendant.

Or, paradoxalement aujourd'hui, si les militants de la CGT discutent eux aussi beaucoup de la "Position commune" Parisot-Thibaut-Sarkozy-Chérèque du 9 avril 2008, qui a été reprise par le Législateur, c'est bien souvent pour... en faire le procès. Comment expliques-tu ce fossé qui se creuse dans les rangs CGT ?

M. Biaggi : Plusieurs raisons, fondamentales, me paraissent converger :

- Les prémices viennent de loin: des lois Auroux de 1982, qui entendaient promouvoir "l'expression directe des salariés dans l'entreprise". Une "expression directe", visant, comme l'expression l'indique, à noyer les prérogatives et la représentativité syndicales au profit du collectif autogestionnaire des travailleurs.

Déjà, la nouvelle "démocratie sociale" de l'époque était associée à la remise en cause, au niveau de l'entreprise, des accords collectifs de branche et des acquis des conventions collectives. Au prétexte de "remise à l’honneur de la négociation", les dispositifs Auroux donnaient les premiers coups de canif dans la hiérarchie des normes et le principe de faveur... Et déjà aussi, avec pour terrain d'expérimentation privilégié, la flexibilisation de la durée du travail au niveau de l'entreprise !

- Les lois Aubry sur les 35 heures (1998 et 2000) marquent la seconde étape. Elles associaient annualisation de la durée du travail et contournement du principe de la représentativité irréfragable des 5 confédérations (FO, CGT, CFDT, CFTC, CGC), en conditionnant à un référendum l'octroi d'exonérations de cotisations sociales à un employeur signant un accord 35 heures avec un ou des syndicat(s) dit(s) minoritaire(s) dans l'entreprise.

- Et c'est dans la même lignée, qu'en 2008, l'article 17 de la "Position commune" stipule que "des accords d'entreprise conclues avec des organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité absolue des voix aux élections (...) peuvent dès à présent permettre de dépasser le contingent d'heures supplémentaires prévu par un accord de branche (...) en fonction des conditions économiques dans l'entreprise (...)".

Le législateur s'est, bien sûr, engouffré dans la brèche ouverte.

Mais il n'y a pas qu'à FO que le cocktail explosif "dérogation au niveau de l'entreprise - syndicalisme majoritaire" ne passe pas.

Sur le terrain, nombre de militants CGT, et même sans doute CFDT, trouvent bien amère cette pilule "majoritaire" à produire des dérogations au niveau de leurs entreprises, alors que les salariés ont déjà durement payé la mise en place des 35 heures.

- Les négociateurs CGT et CFDT de la "Position commune" ont fait un second cadeau de taille au MEDEF et à la CGPME, et, par-delà, à tous les patrons dont le sport favori est la chasse aux syndicats dans l'entreprise.

Et cela ne peut que rester en travers de la gorge des militants CGT et CFDT, qui comme les nôtres et ceux des autres organisations, n'ont pas été sans remarquer que la "Position commune", devenue loi, aura pour conséquences programmées :

- d'une part une quasi-impossibilité de fait de créer de nouvelles implantations syndicales dans les entreprises en étant dépourvues,

- d'autre part la liquidation des syndicats déjà existants, dès lors que, tous collèges confondus, ils n'atteindront pas la barre électorale fatidique des 10% .

Que la machine Parisot-Thibault-Chérèque-Sarkozy ait été inventée pour tenter de déstabiliser FO et occire la CFTC et la CGC est une évidence. Mais dans maintes entreprises, voire branches professionnelles, les pales de la broyeuse vont aussi déchiqueter bien des structures syndicales CGT et CFDT.

Alors j'imagine mal les militants et responsables CGT et CFDT ayant vocation de victimes "collatérales" de la "Position commune", accepter d'un coeur léger de voir anéanties des années d'efforts militants, au profit des seuls intérêts d'appareil supérieurs de l'état-major CGFDT.

D'autant que, cerise (empoisonnée) sur le gâteau, la mécanique retorse conçue va permettre symétriquement la floraison des syndicats-maisons. Ce puisqu'en effet la présentation de listes de candidats au premier tour des élections professionnelles ne sera plus l'apanage des confédérations représentatives.

- Troisième phénomène, qui, aujourd'hui ne peut manquer d'interpeller tous les militants syndicaux, sans exception : il est notoire que la nouvelle législation sur la représentativité résulte d'un deal entre gouvernement et MEDEF d'une part, et Thibault et Chérèque de l'autre. C'est un renvoi d'ascenseur pour le ralliement proclamé de la CFDT aux 41 annuités de cotisations-retraite, et pour les manoeuvres d'accompagnement de la CGT, couvrant la CFDT en la matière, et négociant en souterrain pour obtenir les "accords majoritaires". C’est aussi le coup de pouce des gouvernements et du patronat pour aider ces deux organisations syndicales, qui accusent des baisses d’audience aux élections professionnelles depuis plus de 10 ans.

- O.S. : D'où les bruits de vaisselle cassée se multipliant à la CGT ?

M. Biaggi : On assiste en effet à du jamais vu. L'UL CGT du Douaisis présente ses candidats aux prud'homales contre l'UD CGT du Nord. Même type de scission dans les Yvelines.

... Et aussi dans les Départements et Territoires d'Outre-Mer. Je reviens d'un meeting FO en Martinique pour les prud'homales. Ce fut pour moi l'occasion d'apprendre le tout récent passage à FO de syndicats CGT qui pèsent lourd sur l'île : les municipaux, les dockers et les agents de sûreté.

- O.S. : Il est donc loin d'être acquis que la "recomposition syndicale" sera bien celle escomptée par les apprentis-sorciers. D'autant que maintenant une nouvelle onde de choc va cogner : la crise du capitalisme, qui va obliger chacun à se révéler. Ou bien "l'Union nationale" réclamée par Chérèque en écho à M. Fillon - ou bien les revendications, en commençant par une journée de grève interprofessionnelle ; ce que propose notre Confédération.

M. Biaggi : La conclusion du dernier éditorial de Jean-Claude Mailly dans FO-Hebdo concentre, d'une formule lapidaire, notre position : "Opposons à l'unité nationale, l'unité d'action sur des bases claires et des modalités efficaces".Aujourd'hui, l'union nationale, c'est, au nom de la crise, cautionner les 360 milliards d'euros injectés dans le système financier pour venir au secours des banques (sans contreparties pour les salariés), et cautionner dès lors la mise à charge sur les contribuables de la dette publique en résultant, c'est cautionner l'accélération de la RGPP, de la déréglementation et de l'austérité.

Comme l'a réaffirmé notre CCN d'octobre, le cap pour FO, c'est plus que jamais les revendications, les salaires et la relance de l'économie. Avec proposition aux autres confédérations d'une première journée de grève interprofessionnelle.

Entre l'union sacrée et les revendications, il n'y aura pas de place pour l'âne de Buridan.