Sous le régime soviétique, les syndicats ont été complètement vidés de leur substance. La mission que leur a assignée le pouvoir, au lieu de défendre les intérêts des travailleurs, a été de les contrôler et de les opprimer.
Avant la révolution d’Octobre 1917, les syndicats russes militaient pour le contrôle ouvrier des moyens de production. Dans tout l’Empire, ils ont participé à la création des comités ou soviets. Mais, pour le parti bolchévique, les syndicats durent devenir une courroie de transmission du Parti dans le monde du travail. En janvier 1918, alors que commence la guerre civile, le congrès des soviets se transforme en premier congrès des syndicats, regroupant trois millions d’adhérents. Trotsky et le Parti se prononcent pour leur militarisation en même temps que celle du travail. Après la guerre civile, les cadres syndicaux sont massivement embauchés dans la bureaucratie naissante. Le Xe congrès du parti bolchevik, en 1921, annonce que les syndicats doivent désormais «enseigner aux ouvriers les nouvelles règles de production». Un peu plus tard, ils sont appelés à régler des conflits entre «des organisations gouvernementales trop zélées» et la masse ouvrière. En clair, ils doivent éviter grèves et manifestations, faisant tampon entre la bureaucratie et la colère des ouvriers.
Avec le premier plan quinquennal de 1929, les derniers cadres syndicaux relativement indépendants sont purgés. Désormais, il n’existe plus de conflits d’intérêt entre les ouvriers et l’État socialiste qui les représente. Il n’y a donc aucune raison d’avoir une quelconque forme de tribunal du travail, encore moins de prud’hommes à parité employeurs-salariés.
Quatorze fois la norme dans l’extraction de charbon
Les «conventions collectives» ont alors pour but l’augmentation de la productivité, la consolidation de la discipline et l’amélioration de la qualité. Le XVIe congrès du Parti communiste de l’Union soviétique déclare que la classe ouvrière doit sacrifier ses intérêts immédiats à la construction du socialisme et exclut la grève. Dans chaque entreprise, la bureaucratie syndicale met en place des «comités de production», chargés de lutter contre l’absentéisme, le vol, le sabotage et de renforcer la discipline. À leurs côtés, des «commissions de contrôle». Et gare à ceux qui n’atteignent pas leurs objectifs. S’ensuivent des punitions: retenue sur salaire, diminution des rations alimentaires, mutations à des postes de travail éprouvants. La dictature du prolétariat se transforme ouvertement en dictature sur le prolétariat. Dans cette atmosphère quasi carcérale, les syndicats organisent «des concours de production». Le plus fameux lauréat sera Alexeï Stakhanov (1905-1977). Ce brave mineur du Dombass aurait accompli, le 31 août 1935, quatorze fois la norme d’extraction de charbon. En réalité, ce superman a été aidé par deux autres mineurs!
À chaque purge ou changement de ligne au sommet, les conseils de production et les commissions de contrôle servent aussi à la Nomenklatura pour régler ses comptes internes et limoger, par exemple, un directeur d’usine trop gentil avec ses ouvriers ou critiquant un peu trop la corruption qui ronge tous les étages de la production économique.
Avant la révolution d’Octobre 1917, les syndicats russes militaient pour le contrôle ouvrier des moyens de production. Dans tout l’Empire, ils ont participé à la création des comités ou soviets. Mais, pour le parti bolchévique, les syndicats durent devenir une courroie de transmission du Parti dans le monde du travail. En janvier 1918, alors que commence la guerre civile, le congrès des soviets se transforme en premier congrès des syndicats, regroupant trois millions d’adhérents. Trotsky et le Parti se prononcent pour leur militarisation en même temps que celle du travail. Après la guerre civile, les cadres syndicaux sont massivement embauchés dans la bureaucratie naissante. Le Xe congrès du parti bolchevik, en 1921, annonce que les syndicats doivent désormais «enseigner aux ouvriers les nouvelles règles de production». Un peu plus tard, ils sont appelés à régler des conflits entre «des organisations gouvernementales trop zélées» et la masse ouvrière. En clair, ils doivent éviter grèves et manifestations, faisant tampon entre la bureaucratie et la colère des ouvriers.
Avec le premier plan quinquennal de 1929, les derniers cadres syndicaux relativement indépendants sont purgés. Désormais, il n’existe plus de conflits d’intérêt entre les ouvriers et l’État socialiste qui les représente. Il n’y a donc aucune raison d’avoir une quelconque forme de tribunal du travail, encore moins de prud’hommes à parité employeurs-salariés.
Quatorze fois la norme dans l’extraction de charbon
Les «conventions collectives» ont alors pour but l’augmentation de la productivité, la consolidation de la discipline et l’amélioration de la qualité. Le XVIe congrès du Parti communiste de l’Union soviétique déclare que la classe ouvrière doit sacrifier ses intérêts immédiats à la construction du socialisme et exclut la grève. Dans chaque entreprise, la bureaucratie syndicale met en place des «comités de production», chargés de lutter contre l’absentéisme, le vol, le sabotage et de renforcer la discipline. À leurs côtés, des «commissions de contrôle». Et gare à ceux qui n’atteignent pas leurs objectifs. S’ensuivent des punitions: retenue sur salaire, diminution des rations alimentaires, mutations à des postes de travail éprouvants. La dictature du prolétariat se transforme ouvertement en dictature sur le prolétariat. Dans cette atmosphère quasi carcérale, les syndicats organisent «des concours de production». Le plus fameux lauréat sera Alexeï Stakhanov (1905-1977). Ce brave mineur du Dombass aurait accompli, le 31 août 1935, quatorze fois la norme d’extraction de charbon. En réalité, ce superman a été aidé par deux autres mineurs!
À chaque purge ou changement de ligne au sommet, les conseils de production et les commissions de contrôle servent aussi à la Nomenklatura pour régler ses comptes internes et limoger, par exemple, un directeur d’usine trop gentil avec ses ouvriers ou critiquant un peu trop la corruption qui ronge tous les étages de la production économique.
Gérard Mazuir