InFOrmation syndicale

6 DÉCEMBRE DE 9H À 17H FORMATION "ÉPARGNE SALARIALE ET NAO" --- 10 DÉCEMBRE DE 9H À 17H FORMATION "SANTÉ MENTALE AU TRAVAIL ET ACTIONS DU CSSCT" --- 16 AU 20 DÉCEMBRE STAGE "DÉCOUVERTE FO ET MOYENS D'ACTION DU SYNDICAT" --- 17 DÉCEMBRE DE 9H30 À 16H30 FORMATION "RETRAITE" --- ...

08 février 2010

L'HOMMAGE DE MARC BLONDEL À ALEXANDRE HÉBERT POUR LA CONFÉDÉRATION CGT-FO

Le 16 janvier 2010 fut jour de deuil. Nous avons perdu un camarade. Et quel camarade !

Notre univers se restreint. Notre cœur se serre.

Il se revendiquait de l’anarcho syndicalisme ; Syndicaliste il l’était, j’allais dire de naissance. Né dans une famille ouvrière, il restera fidèle à sa classe et à ses engagements toute sa vie durant.

Individualiste, conscient cependant que les travailleurs doivent s’unir, s’associer pour obtenir satisfaction à leurs revendications et se construire une place dans la société, place qui doit satisfaire leurs besoins vitaux et financiers, mais aussi leur assurer la dignité, la connaissance et la culture de soi même, il revendiquait l’égalité des droits, de tous les droits.

L’originalité du comportement du camarade Alexandre tenait au fait qu’il refusait les systèmes et les projets prêt-à-porter. Quelles que soient les références auxquelles il s’associait parfois, il entendait rester lui-même, refuser la soumission et défendre en permanence son indépendance individuelle et collective.

On comprend ainsi pourquoi il fut un élément déterminant de la naissance et de l’action de la CGT-Force Ouvrière.

Après un passage, qui aurait pu durer, comme cheminot à la CGT, il fut l’un des précurseurs de la rupture avec les communistes, qui désiraient contrôler et soumettre l’organisation syndicale ; et ils réussiront. Après être passé, de manière brève, à une autonomie préventive, il rejoindra la CGT-Force Ouvrière dont il deviendra, pratiquement durant plus de 50 années, un militant actif et parfois controversé.

Le verbe haut, le jugement pertinent et parfois cinglant, il provoquait la réaction des conventionnels. Cependant, dans la pratique et dans ses contacts personnels, il faisait preuve d’une permanente fraternité.

Ainsi, jeune secrétaire d’union départementale, il fut déterminant à l’occasion d’une manœuvre de l’appareil permanent qui tentait d’écarter « le général », devenu Président, Léon Jouhaux, de ses responsabilités internationales.

Salarié de la SNCF quasiment par héritage, cheminot comme l’on dit, il était attaché à l’entreprise et à son activité. J’ai souvenir de l’attendrissement avec lequel il m’a fait remarquer, il y a de nombreuses années, qu’avec le réseau ferré, les rails, on pouvait faire le tour du monde, reprenant ainsi une affirmation paternelle.

Mais c’est dans l’interprofessionnel qu’il a donné la mesure de son engagement, il a rapidement compris, se référant au syndicalisme de Fernand Pelloutier, que c’est à travers cette activité que la classe ouvrière se libérerait du joug du salariat en prenant connaissance de sa situation, en s’éduquant et en créant les formes de solidarité nécessaires à son émancipation. Oserais-je dire qu’il y avait du Francisco Ferrer dans son analyse ?

Il s’impose dans le débat confédéral rapidement, n’hésitant pas à secouer le cocotier lorsqu’il le jugeait utile, ce qui lui provoqua de nombreux adversaires mais pas d’ennemis. Il entretenait, parfois de manière épistolaire, des relations avec Robert Bothereau alors secrétaire général. Lorsque j’envisagerai, de nombreuses années plus tard, de faire acte de candidature au secrétariat général de la Confédération lors du départ d’André Bergeron, j’aurai un entretien avec Le Beauceron, à Beaugency où il était retiré. Je serai étonné d’entendre ce dernier me demander : « et Hébert, il te soutient ? »

Membre incontournable de la commission exécutive confédérale, non seulement il provoquait le débat dans cette instance et dans les comités confédéraux nationaux, mais il poussait l’appareil à sortir de sa réserve et à prendre position sur les dossiers les plus délicats. Il n’est pas possible de les acter tous, je veux cependant rapidement en évoquer quelques-uns :

- A commencer par la grève de 1953 lorsque le Président du Conseil de l’époque, M. Laniel, avait la volonté de remettre en cause, déjà, les retraites et pensions, notamment de la Fonction Publique,

- L’engagement de la CGT-FO dans l’indépendance de l’Algérie qui permit au secrétaire général de l’époque de déclarer le premier qu’il n’écartait rien, y compris l’autodétermination,

- Sa participation active, avec les camarades de Bouguenais, dans la lutte sociale qui s’est inscrite dans la révolte petite bourgeoise de mai 1968, sans confusion avec ce que certains ont appelé la révolution et sur laquelle il a marqué son scepticisme. Ce qui, vous le constatez, était un acte de clairvoyance lorsque l’on voit la dérive actuelle du leader médiatique du mouvement.

- La prise de position négative, sans équivoque, de la CGT-Force Ouvrière lors de la consultation, initiée par le Général de Gaulle, sur la fusion du Sénat et du Conseil Economique et Social, dont l’objectif politique était l’intégration des syndicats dans la gestion politique du pays.

Pragmatique, Alexandre Hébert fut l’un des premiers –et c’était alors de la profanation– à pratiquer l’unité syndicale. Mais que l’on me comprenne bien, il ne s’agissait pas de diluer la revendication, mais d’établir un rapport de force sur des bases claires, en toute indépendance, l’organisation gardant en toute circonstance sa liberté de comportement.

Il ne confondait pas les staliniens, l’appareil communiste, les adhérents et les travailleurs qu’il respectait.

En m’excusant de citer une action conjointe que nous avons menée discrètement mais efficacement, j’indique que nous avons pesé sur les responsables confédéraux lorsque, par souci de modernité, certains tendaient à limiter notre dénomination à la Confédération Force Ouvrière, abandonnant ainsi la référence à l’Organisation de 1875 et 1906.

Mais l’activiste n’était pas qu’un activiste. C’est ainsi qu’il fut, en prenant d’ailleurs des responsabilités d’administrateur, voire de Président, l’un de ceux qui mirent en place le régime d’assurance chômage où il a réussi à conduire une gestion humaniste, de solidarité et de respect pour les chômeurs.

Et il participait, comme négociateur, de manière régulière, à la négociation chez Manitou. Il expliquait que la pratique conventionnelle entre les employeurs et les salariés était la meilleure des garanties, car elle consacrait le rapport de force et donnait aux syndicats un moyen d’expression en dehors des interventions toujours aléatoires de l’Etat. Il rejoignait ainsi Léon Jouhaux.

En quelques minutes, Mesdames et Messieurs, mes chers camarades, il est impossible de rappeler l’action de notre camarade. Nous espérons que celle-ci fera l’objet d’une narration plus explicite, ne serait-ce que pour qu’il serve d’exemple aux générations futures. Je m’autoriserai cependant deux commentaires plus personnels.

Le premier c’est que, nonobstant les difficultés qu’il pouvait rencontrer d’être dans l’obligation de prendre, avec l’âge, quelques distances dans la pratique journalière du syndicalisme, il était fier de sa succession et de constater, avec des nuances, comme toujours, que Patrick continuait son œuvre.

La seconde, lors d’un repas que nous avions effectué à la campagne à l’occasion de ses épousailles avec Maïté, il avait eu un malaise, et nous étions anxieux. Je suis resté quelques instants, à sa demande, à son chevet. Ignorant notre inquiétude, il m’a dit « tu sais, en définitive, c’est toujours les travailleurs qui ont raison».

Il y a, dans cette affirmation, toute l’action d’Alexandre Hébert, avant toute chose privilégier la lutte syndicale, l’engagement libératoire du salariat. Il fut, chacun le sait, engagé dans d’autres formes de pensée et d’action, mais je suis persuadé que ce n’était qu’appendices.

Agnostique, il combattait la doctrine sociale de l’Eglise, non pour la croyance spirituelle, mais parce qu’elle découlait de Rerum Novarum, qui sous-entendait la soumission des pauvres et l’ordre naturel. Tendant vers l’anarchie, il n’hésitait pas à se confronter voire à s’allier à des forces politiques, malgré sa résistance naturelle contre les partis, lorsqu’il le jugeait nécessaire pour la cause des salariés.

Il était l’expression même du refus du dogme.

C’est ce dont nous nous souviendrons : « in fine ce sont toujours les travailleurs qui ont raison ».

De son vivant, il a été un modèle dans notre action de tous les jours, à partir de maintenant il sera notre référence.

J’avoue une certaine fierté d’avoir été son camarade de combat.

J’adresse, publiquement à ceux, vivants ou disparus qui l’ont accompagné et à Maïté qui a été la compagne des jours heureux, mais aussi des étapes difficiles, et qui l’a veillé jusqu’à son épuisement ultime, ainsi qu’à toute sa famille, nos affections et celles de tous les camarades.

Alexandre Hébert restera dans notre cœur et dans notre action.