La baisse des tarifs à la pompe atteindra rarement les 6 centimes par litre car le gouvernement n’a pas voulu froisser les pétroliers.
C’était il y a six mois, le 15 mars très précisément. Chargé du projet du candidat Hollande, Michel Sapin s’exprimait au micro d’Europe 1. Celui qui n’était pas encore ministre du Travail s’enflammait contre l’inaction du gouvernement de l’époque face à la hausse du prix des carburants. Il proposait donc de le bloquer et de mettre en place la fameuse TIPP flottante pour éviter que l’État, qu’il estimait être «en quelque sorte complice» de la spéculation, continue à être bénéficiaire de la hausse des prix.
C’est une musique un peu différente qu’a entonnée, le 28 août dernier, le ministre de l’Économie au sortir d’une réunion avec les professionnels du secteur pétrolier. Déjà, la semaine précédente, le Premier ministre avait implicitement renoncé au blocage des prix promis et affirmé sa préférence pour une baisse «modeste et provisoire». Pierre Moscovici a donc annoncé une diminution pouvant aller jusqu’à six centimes d’euro par litre «partagée entre l’État et les distributeurs, d’une durée de trois mois, mise en place d’ici à 24 heures».
Chaque automobiliste a rapidement fait ses comptes: sur la base d’un plein mensuel de 50 litres, le gain représentera, au maximum, 3 à 5 euros par mois. Pas de quoi fouetter un chat, mais la mesure aura tout de même un coût pour le budget de l’État. La diminution de trois centimes par litre des taxes représente un manque à gagner de 300 millions d’euros qu’il va bien falloir trouver ailleurs.
Reste les compagnies pétrolières. Selon plusieurs indiscrétions parues dans les journaux (Le Canard Enchaîné, Le Monde, Les Échos), celles-ci ont exercé tout l’été auprès du gouvernement un intense lobbying pour échapper à un éventuel blocage des prix. Le principal argument avancé par les distributeurs consiste à marteler que leur marge bénéficiaire n’est que d’un centime d’euro par litre. Pourtant, à l’issue de la réunion avec Pierre Moscovici, tous les professionnels de secteur se sont déclarés satisfaits. D’où cette question: comment baisser de 3 centimes un produit sur lequel on ne gagne qu’un centime, étant entendu que la vente à perte est une pratique illégale?
LE DIABLE SE NICHE DANS LES DÉTAILS
En fait, la seule baisse acquise est celle de 3% sur les taxes (qui représentent 47% du gasoil et 55% du super 95). Pour ce qui est des compagnies pétrolières, c’est une tout autre histoire.
Ainsi, Total s’est engagé à baisser ses prix de 3 centimes uniquement dans ses stations autoroutières, pour les 2.000 autres la baisse ne sera que de 2 centimes. Esso refuse de donner le moindre chiffre sous prétexte qu’il est déjà spécialisé dans les prix bas. Même son de cloche chez Shell et ses 80 stations-service d’autoroutes ou du côté de la grande distribution. Leclerc et Système U ont fait savoir qu’elles vendaient déjà leur carburant à prix coûtant et que cela durerait tout le mois de septembre –où est passé le délai de trois mois?–, tandis que Carrefour s’est dit «très déterminé à baisser le plus possible»... Enfin, les représentants des petits distributeurs ont annoncé qu’à moins que leurs fournisseurs baissent leurs prix, il était hors de question de baisser leurs propres marges qu’ils jugent trop faibles.
Résumons: une annonce relativement coûteuse, en deçà des promesses initiales, dont la concrétisation entière reste soumise au bon vouloir de sociétés privées et qui sera, de toute façon, sans effet notable sur le porte-monnaie des automobilistes qui n’ont pas mis longtemps à en mesurer le caractère insuffisant.
Car le problème demeure entier, notamment pour tous ceux qui utilisent leur véhicule pour se rendre à leur travail, et le gouvernement aurait été mieux inspiré de reprendre la revendication de FO pour l’instauration d’un chèque-transport destiné aux salariés qui ont recours à leur voiture.
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Article paru dans FO Hebdo n°3041 - Abonnez-vous à FO Hebdo
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